Polémique Altrad/Moure : quel avenir pour le club de rugby de Montpellier ?

Top 14 perdra-t-il Montpellier ? Le spectre est ouvertement brandi par le président du club, qui se considère insuffisamment soutenu par l'agglomération et affirme que le dépôt de bilan est en jeu, à quelques semaines des municipales.

Dans un entretien avec l'AFP, Mohed Altrad réclame "des engagements" forts pour poursuivre l'aventure à la tête d'un club dont il a pris
la présidence en 2011 et qui reste en grande difficulté. L'homme d'affaire a menacé cette semaine de "révélations" le président de l'agglomération et candidat PS à la mairie, Jean-Pierre Moure. Et tout en regrettant la publication dans la presse de son courrier "privé envoyé par coursier et huissier", il enfonce le clou. (voir encadré)
"La situation n'est pas nouvelle (...). A un moment, il faut que cela s'arrête. On a tous nos limites de patience", a affirmé le patron du groupe Altrad (720 millions d'euros de CA, 5.000 salariés). Mais "ce n'est pas qu'un problème d'argent (...). Il y a un projet. On parle de développement. Je suis capable de beaucoup de choses mais je ne peux pas tout faire tout seul", a-t-il ajouté, réclamant que les collectivités en général et M. Moure en particulier "jouent leur partition".

Le 4 février, M. Altrad a adressé un courrier au candidat PS dans lequel il évoque des "révélations de nature fortement préjudiciables" à ses ambitions. Surtout, il menace de claquer la porte et d'entraîner, ce faisant, le club héraultais dans les abîmes.
"Je suis fatigué de devoir vous écrire courrier sur courrier, pour sans arrêt vous rappeler vos engagements. Considérez celui-ci comme un ultime avertissement. Sans retour formel, concret et engagé de votre part, et ce dans les plus brefs délais, je me retire du club dans l'instant", a-t-il écrit, affirmant que son retrait conduirait "à la disparition immédiate du rugby professionnel à Montpellier" avec "dépôt de bilan en mars".

A quelques semaines d'élections où Jean-Pierre Moure est légèrement en tête des sondages devant le candidat UMP Jacques Domergue, le patron du rugby montpelliérain ferait-il du chantage ? "Je ne menace personne (...). J'ai déjà perdu 12 millions d'euros. Le club ne s'appelle pas Altrad Rugby Club mais Montpellier rugby club", répond-il sans détour. Nul calcul politique derrière sa colère, assure-t-il. "Je ne suis maqué avec personne. J'ai mon indépendance".

Jean-Pierre Moure, lui, rejette sans ménagement le courrier de M. Altrad. "Une telle démarche, confondant intérêt public et intérêts privés et usant de menaces explicites, discrédite vos sollicitations qui ne peuvent se heurter qu'à une fin de non recevoir, sans même qu'il n'y ait lieu d'évoquer les présentations factuelles inexactes réalisées par votre correspondance", a répondu l'ex-bras droit de Georges Frêche.

Soucieux apparemment de régler la question à huis-clos, il a pour autant proposé un rendez-vous. "Je réfléchis à cette proposition. Mais je crains qu'une rencontre de plus n'apporte rien", a répondu le patron du MHR, qui envisage en revanche la tenue prochaine d'une conférence de presse.
M. Altrad réclame notamment plusieurs subventions pour un total de 500.000 euros, un remboursement de trop perçus de loyers par l'agglomération depuis 2007 ainsi que l'utilisation totale du stade, notamment "l'exploitation commerciale" comme le "naming".
De sport, il n'est en tout cas guère question, ni dans la campagne électorale, qui s'est abstenue d'en débattre jusqu'à présent, ni dans les enjeux de ce bras de fer sur la place publique. Montpellier, qui vient d'aller faire chuter Toulouse dans son fief, affiche une intéressante 4e place au Top 14. Une santé à préserver pour l'entraîneur Fabien Galthié, qui a indiqué "ne pas être au courant" de ce dossier.
"Je mesure les conséquences de mes actes. Je pense aussi aux salariés, aux dizaines de milliers de supporteurs", concède Mohed Altrad, mais il faut "savoir dire stop".

Jean-Pierre Moure a répondu pour sa part ( lettre publiée par midilibre.fr) qu'une telle démarche confond intérêts publics et privés mais se dit prêt à dialoguer et à rencontrer le président du MHR.

Le lettre de M.Altrad à JP.Moure
le 4 Février
Monsieur le Président, suite à mes discussions et à la réunion avec le député Patrick Vignal, votre directeur de campagne, je résume ici comme il me l’a demandé, les engagements écrits non conditionnels que je souhaite avoir de votre part. Il vous faut intégrer que, faute de ces engagements, j’arrêterai sine die mon soutien au MHR, ce qui conduira à la disparition immédiate du rugby professionnel à Montpellier (dépôt de bilan courant mars prochain), et j’en ferai connaître les raisons au plus grand nombre.
Concernant les subventions et marchés versés par les collectivités, je vous demande d’une

part le maintien au niveau actuel des subventions et marchés consentis par l’Agglomération et la Ville de Montpellier. D’autre part, en cas de défaillance du conseil général et/ou du conseil régional, de nous garantir que la mairie et/ ou l’Agglomération s’y substitueront. Étant entendu que ces engagements valent pour la saison en cours et les cinq saisons à venir.
Concernant le maintien du montant du marché relatif à la société Galthié Com- munication, je vous demande de nous garantir le paiement de 200 000 HT par saison, pour la saison en cours et les trois saisons à venir. Qui plus est, eu égard à la plainte déposée et aux enquêtes policières concernant ce marché, il vous appartient de trouver une manière appropriée et un formalisme juridique inattaquable.
Pour ce qui est de l’utilisation du stade, nous sommes toujours bloqués alors que vous vous êtes engagé à nous assurer une complète autonomie pour toute exploitation commerciale (naming , visibilité...), et à nous garantir le libre accès à l’ensemble des espaces (des grilles, dont nous n’avons pas les clefs, sont toujours en place entre nos bureaux et les espaces commerciaux !).
Enfin, comme cela se pratique chez nombre de nos concurrents, je vous demande de nous apporter de manière permanente et a minima un partenaire pour un montant annuel de 300 000 et sur une durée de cinq ans.
Au final, quelles sont les raisons fondamentales qui m’incitent à vous écrire ?
 Malgré nos multiples échanges, je me sens aujourd’hui trompé, induit en erreur.
Lors de mon entrée salvatrice, je vous le rappelle, au capital de la SA MRC en juin 2011, vous avez fait état d’un bilan légèrement déficitaire ; or, en réalité, le bilan était faux et vous le saviez.
Les rapports et autres audits en votre possession (menés par le cabinet Deloitte) vous permettaient de le voir aisément. Au lieu d’agir, vous avez préféré garder le silence, cautionner, laisser pourrir.
Nous pourrions très bien imaginer révéler ces pratiques, voire porter plainte contre vous personnelle- ment.

Dans le même ordre d’idées, vous avez utilisé illicitement le MHR comme support pour garnir de 150 000 les poches de M. Salerno pour soi-disant « le dédommager » dans l’affaire de la Brasserie. Nous savons très bien, vous et moi, qu’en réalité votre prédécesseur lui en a fait cadeau.
Difficile pour moi de passer sous silence la façon dont les deniers publics sont utilisés.

Je me sens aujourd’hui floué et non seulement vous n’avez pas respecté vos engagements, mais vous avez également paralysé mon plan de développement du club.

De manière non exhaustive, je peux vous citer la Brasserie, la première réunion avec vous-même date de juillet 2011. Vous m’avez fait à maintes reprises des promesses pour m’aider, toutes restées vaines.
La raison ? Votre souhait de ne pas froisser M. Salerno, votre ami et l’ami de votre prédécesseur. Nous sommes en 2014, soit quatre ans après la première réunion, et la Brasserie n’est pas ouverte.
Parlons également du loyer du stade. Je vous ai conseillé, dès juillet 2011, la transparence qui doit exister dans votre gestion. Rien à faire. Vous avez toujours pratiqué une facturation opaque et fait payer au club des prestations inexistantes, fait de fausses facturations. Ce n’est que récemment (quatre ans après) que vous avez accepté de revenir à un prix juste correspondant au loyer du stade et aux services rendus par l’Agglo.
Je vous demande sans tarder de reverser au club, par un moyen ou un autre, le trop-perçu depuis 2007. Vous m’avez promis votre soutien indéfectible dès le départ. Là aussi, vous m’avez menti. À titre d’exemple, vous connaissiez les enjeux et autres mesquineries et les attaques personnelles dans le conflit qui m’a opposé à l’Association MHR, détentrice du droit de licence pour disputer le championnat professionnel Top 14.
Vous avez eu l’occasion de me manifester votre sou- tien de manière forte et convaincante, notamment lors d’une réunion dans votre bureau en présence des
deux présidents de l’Association MRC, C. Fina et S. Salelles. Lors de cette réunion, des propos teintés de racisme ont été tenus. Au lieu de me sou- tenir, vous n’avez fait qu’« envoyer les deux parties dos à dos » pour reprendre vos propos.
Vous m’avez tout simplement manqué de respect. Dans le même ordre d’idées, vous avez toléré que des propos infâmes soient tenus dans vos locaux, locaux de la République, par certains de vos élus, concernant mes enfants, ma femme, ma famille... Alors, Monsieur le Président, est-ce un juste traitement réservé à un citoyen qui a déjà décaissé 12 000 000 pour hisser au niveau européen un club représentant votre territoire qui était au bord de la faillite ?
Faut-il en conclure que vous préférez attribuer des marchés publics à certains amis, depuis plus de trente ans, et pour des montants dépassant le milliard d’euros, tout en ignorant systématiquement un partenaire comme Altrad, honnête, assidu dans ses réponses aux appels d’offres, systématiquement retoqué, depuis trente ans, lui substituant des fournisseurs hors région et parfois hors
frontières. Ceci étant dit, je ne vous demande rien. Persuadé que tout ceci vous fera prendre conscience une fois pour toutes de l’impérieuse nécessité de vous engager fermement et formellement à mes côtés.
Je ne voudrais pas venir perturber les échéances qui sont les vôtres par des révélations de nature forte- ment préjudiciables à vos ambitions politiques. Monsieur le Président, je suis fatigué de devoir vous écrire courrier sur courrier pour, sans arrêt, vous rap- peler vos engagements. Voilà, c’est fait, ce courrier vous est envoyé par mail, vous est délivré par huissier, et une copie est adressée par mail au député Patrick Vignal, votre directeur de campagne. Considérez celui-ci comme un ultime avertissement. Sans retour formel, concret et engagé de votre part, et ce dans les plus brefs délais, je me retire du club dans l’instant.
Mohed Altrad,

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