Financière Turenne Lafayette, propriétaire notamment de Madrange, vient de rendre public un audit qui révèle que ses comptes "étaient truqués depuis des années". La direction du groupe agroalimentaire affirme rechercher les moyens de poursuivre ses activités et pérenniser les emplois.
La justice a été saisie et les pouvoirs publics se mobilisent pour sauver l'emploi, a annoncé Bercy.
Le décès le 30 novembre de Monique Piffaut, propriétaire et actionnaire unique de Financière Turenne Lafayette, a été le déclencheur de la révélation du maquillage des comptes de ce groupe inconnu du grand public, qui détient aussi les jambons Madrange et Le Foué de Paul Prédault.
Nommé début décembre président du groupe en remplacement de Mme Piffaut, Eric le Gouvello, spécialiste du conseil en stratégie, avait diligenté un audit sur sa situation économique et financière.
"Les premières constatations laissent apparaître une présentation trompeuse des comptes depuis plusieurs années, dans un contexte très dégradé pour la filière agroalimentaire en général et pour certaines filiales du groupe en particulier", a indiqué la société dans un communiqué.
"Il semblerait que ces tromperies n'avaient pour but que de maintenir le financement du groupe", assure toutefois une porte-parole tout en indiquant que l'audit n'est pas encore terminé.
Risque de démantèlement du groupe Financière Turenne Lafayette?
L'annonce est un coup de tonnerre pour les salariés du groupe, disséminés sur 21 sites industriels en France et l'Etat a rapidement annoncé qu'il allait tout faire pour éviter le démantèlement du groupe, qui prévoyait un chiffre d'affaires de 900 millions d'euros en 2016.
La justice a été "saisie du dossier pour mener les investigations nécessaires et déterminer les responsabilités et les causes de ces pratiques", a annoncé Bercy.
L'Etat prendra "ses responsabilités pour accompagner la nouvelle direction et les salariés" face à cette situation, "qui représente un risque pour la pérennité du groupe et afin de s'assurer de pouvoir préserver les 3.000 emplois directs et les 1.500 emplois intérimaires et prestataires".
"Des réunions avec les clients, les fournisseurs et les banques seront organisées à brève échéance. Une rencontre avec les organisations syndicales sera également
organisée dans les prochains jours", ajoute-t-il.
Pour sa part, la direction indique qu'elle se mobilise "pour rechercher les voies et moyens d'assurer la poursuite des activités et conserver les emplois des entreprises
du groupe", selon son communiqué.
"Plusieurs pistes sont envisagées, parmi lesquelles la recherche de nouveaux moyens de financement, y compris au travers de l'ouverture du capital", assure le groupe.
Au moment du décès de Mme Piffaut, un porte-parole du groupe avait déclaré à l'AFP : "Il n'y a pas de risque de démantèlement du groupe car la propriétaire, très attachée
aux entreprises, avait exprimé sa volonté."
Malgré ces assurances, le syndicat Fnaf-CGT avait dit craindre un démantèlement. "L'intégrité du groupe doit être sauvegardée", avait-il réclamé en avertissant que "le dépeçage par les vautours de la profession serait inacceptable et signifierait de nouvelles purges" pour les salariés.
De son côté, la défunte propriétaire a légué sa fortune à une fondation pour l'enfance "en cours de constitution", a indiqué une source proche du dossier.
En 2013, sa fortune personnelle avait été estimée à 380 millions d'euros selon le magazine Challenges, occupant ainsi le 135e rang.
Le groupe agroalimentaire s'est constitué à partir de 1991 avec le rachat de l'entreprise "les délices du palais" dans le Périgord, puis par croissance externe dans le secteur
des salaisons, foie gras et plats cuisinés en régions, devenant un acteur important de ce secteur de l'agroalimentaire.
Se sont ensuite jointes les charcuteries, dont beaucoup sont vendues sous marque de distributeurs dans la grande distribution. William Saurin a été racheté en 2001, et Madrange en 2011.
Un des derniers rachats, en 2015, portait sur deux sites bretons de charcuterie cuite de Jean Caby.