Les livres d'occasion, bon plan pour l'environnement ?

Moins chers et plus écolo que les livres neufs, les ouvrages d'occasion reviennent en force, portés par la vente en ligne. À Nantes, Vincent Gillet à ouvert une entreprise sociale qui réemploi les ouvrages déjà lus sur internet. Mais tous les sites de e-commerce ne sont pas aussi exemplaires. 

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Des cartons entassés et des piles de livres à n’en plus finir. Accroupi dans ce désordre, Vincent Gillet, la trentaine, trie les bouquins d’une bibliothèque. Il n’est pourtant pas en train de déménager.  

Cet ancien spécialiste de la gestion des déchets travaillait pour de grandes entreprises. Mais il y a quatre ans, il a découvert Recyclivre, une entreprise sociale qui offre une seconde vie aux livres déjà lus. Le jeune homme décide alors de se reconvertir dans le réemploi en implantant l'initiative dans la région nantaise. On a la solution ! l’émission qui fait le tour de France des initiatives citoyennes et écologiques vous présente ce lecteur engagé. 
 

Avec son entreprise, Vincent collecte gratuitement les livres qui ne servent plus chez les particuliers. “Les gens n’ont pas de difficulté à de débarasser du mobilier"explique-t-il."Mais le fait de jeter un livre, c’est différent car il y a souvent une notion de transmission, d’attachement à ce que cela représente.” Les ouvrages sont ensuite revendus en ligne, à petit prix. Un moyen de rendre la culture accessible à tous. 

“ Les modes de consommation sont en train de changer” reprend Vincent. “ Effectivement, le dernier bouquin sorti va mettre un peu plus de temps à arriver chez nous. Mais on a un public qui est d'abord attiré par nos prix. Et comme ça n'a pas coûté cher, ils nous rappellent ensuite pour venir collecter leur bibliothèque.” 
Une boucle vertueuse de réemploi qu’encourage Recyclivre. “ Ces livres vendus ne seront pas réimprimés. Pour produire une tonne de papier, il faut dix-neuf arbres et rien qu'un kilogramme de papier, c'est sept cent soixante litres d’eau” avance-t-il. “L’impact social et environnemental, c’est au cœur de notre projet.”

En trois ans, Vincent Gillet a collecté trois cent mille livres en Pays de la Loire. Quarante a 50% d’entre eux ont pu avoir une seconde vie par la lecture, le reste étant recyclé. “ On communique sur le fait qu’il y a certaines choses qu’on ne peut pas réemployer, comme les encyclopédies, les magazines et les manuels scolaires. "explique le directeur. "Ils sont trop vite obsolètes." Recyclivre existe dans sept villes de France et au total, c’est près de quatre millions d’ouvrages qui ont été récupérés. 
 

Lecture pour tous

La collecte et le stockage des livres sont assurés par des structures d’insertion. Dans le siège de Recyclivre, à Essone, quarante-deux emplois accompagnés ont été créés. L'entreprise est aussi solidaire : elle reverse 10 à 25% du prix de vente des ouvrages à des associations. Parmi elles, Lire et faire lire, qui permet à des seniors bénévoles de transmettre le goût de la lecture aux plus jeunes ou encore Etc Terra,  qui lutte contre la déforestation au Sénégal.  

Un nouveau souffle avec internet

Loin des brocanteurs et des marchés aux puces, la vente de livres d’occasion trouve une seconde jeunesse grâce à Internet. Selon un sondage réalisé pour le ministère de la Culture entre 2014 et 2016, 50% des achats de livres d’occasion s'effectuent en ligne. Une aubaine pour les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire qui avaient déjà leur place dans ce marché. 

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Emmaüs, l’une des plus importantes structures de réemploi française s’est aussi mise à la vente en ligne. En 2016, ils ont lancé leur marketplace solidaire : Label Emmaüs. Sur ce site, le livre d’occasion, envoyé dans du carton de récup', est le grand gagnant. Dans le catalogue de 620 000 objets proposés, 550 000 sont des livres.

 “Pour mettre en ligne un produit, il faut un travail conséquent : le prendre en photo, renseigner les descriptions…” explique Maud Sarda, la directrice de Label Emmaüs. “Mais avec le livre, on a un traitement quasi-automatique. On peut s’aider de l’ISBN -ndlr : un numéro unique et standardisé identifiant chaque édition de chaque livre- et ne pas avoir tout à renseigner. Cela permet de traiter beaucoup plus de volume." 

Grâce à internet nous avons touché un nouveau public  

Maud Sarda l’affirme : les paniers en ligne sont plus importants que ceux des boutiques physiques et les personnes qui les commandent ont un meilleur pouvoir d’achat. “ Depuis trois ans, la plupart des clients du site découvrent Emmaüs. Beaucoup nous disent : “je pensais que c’était réservé aux personnes dans le besoin”.“ Grâce à ce nouvel outil, près de 200 000 personnes ont visité la marketplace de Label Emmaüs. Un domaine porteur, au point que l’association ait décidé de former ses compagnons Emmaüs aux métiers du e-commerce, avec Label École


“ On est sur une croissance à deux chiffres de la vente numérique, contre très peu dans les boutiques physiques " reprend Maud. "De plus, le secteur du e-commerce à beaucoup de mal à recruter, alors que beaucoup de métiers sont accessibles par des personnes peu ou pas qualifiées.”

Des grandes enseignes loin d’être exemplaires

Selon le site de Label École, 54 % des grands sites de vente en ligne déclarent vouloir recruter dans les prochaines années. Il faut dire qu’elles ont le vent en poupe : six enseignes concentrent 50% des achats en ligne de livres d’occasion. Amazon et Priceminister cumulent, à eux seuls, 35% des ventes. 

Mais pour certains, l’écologie n’est pas au programme. Le 13 janvier dernier, le magazine Capital sur M6 expliquait le “scandale des invendus” d’Amazone, dénoncé par l’ONG Les Amis de la Terre. Le géant du e-commerce aurait détruit des milliers de produits neuf invendus pour ne pas avoir à les stocker. L’association lanceuse d’alerte estime que rien qu’en France en 2018, plus de trois millions d’objets seraient concernés. Une situation qui à choqué jusqu’au gouvernement. En réaction à cette affaire, le premier ministre à promis une loi pour faire cesser ce genre de pratiques. 

On peut également évoquer les nombreuses plaintes de ses anciens salariés : algorithmes qui éjectent les employés considérés comme “ non-productifs”, délation, condition de travail difficiles... On est loin de l’Économie sociale et solidaire. 

Et les acteurs du livre? 

La vente du livre d'occasion se porte bien : entre 15 et 20 % des livres vendus sont de seconde main. Mais pas un centime n'est reversé aux auteurs et aux éditeurs. “Il y a les livres d’occasion classiques, et puis il y a les fausses occasions qui sont commercialisées par les plateformes numériques avec des offres qui peuvent parfois être troublantes : “état neuf”,“comme neuf”..." explique Pierre Dutilleul, le Directeur général du Syndicat national de l’édition.

Des livres neufs présentés comme des secondes mains, qui vont à l’encontre de la “loi Lang". En 1981, le ministre de la Culture a instauré un prix unique du livre pour lutter contre la concurrence déloyale. En 2014, le gouvernement a créé le médiateur du livre, une haute autorité chargée de régler les litiges à ce sujet. “De grands progrès ont été faits et les choses se sont améliorées. Des sociétés se sont spécialisées dans la vente de livre d’occasion, mais à partir du moment où c’est affiché clairement, cela ne nous dérange pas.”

Le président du syndicat l’affirme : le marché de l’édition se mobilise pour l’environnement. Pourtant, selon un rapport publié en 2017 par le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne, un livre sur quatre serait détruit sans avoir été lu. “C’est un rapport qui commence à dater, il est à charge et on en a beaucoup débattu" répond Pierre Dutilleul. "La première cause de pollution, ce sont les retours d’invendus qui engendrent des transports importants. Les retours sont "pillonés" puis recyclés et le papier recyclé est utilisé de manière très forte : à plus de 90%. Nous sommes sensibles à la question de l'écologie.”



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Nous remercions la Compagnie du Café Théâtre qui a accueilli notre tournage à Nantes. 
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