Deux mois jour pour jour après sa prise de fonction au Capitole, le nouveau maire de Toulouse revient dans une interview exclusive accordée au site internet de France 3 Midi-Pyrénées sur ses premières décisions et sur la polémique avec l'opposition sur l'état des finances de la ville.
Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, revient pour le site internet de France 3 Midi-Pyrénées sur ses 60 premiers jours au Capitole et affirme qu'il tiendra ses engagements. Il insiste cependant sur le fait que "la situation financière nous conduira peut-être à étaler dans le temps, davantage que nous l’envisagions, la réalisation de tel ou tel projet". Voici son interview.
- France 3 Midi-Pyrénées : Jean-Luc Moudenc, vous avez déclaré que l’élection dimanche de Laurence Arribagé à la législative partielle était "une approbation de l’action municipale". N’est-ce pas tout de même un peu tôt pour que les Toulousains jugent (positivement ou négativement) votre action ?
- Jean-Luc Moudenc : Je ne le crois pas, parce que nous avons été immédiatement dans l’action. En mars, nous avions pris devant les Toulousains 20 engagements pour les 100 premiers jours. Comme nous les tenons les uns après les autres, un vrai courant d’approbation en résulte, et cela explique le score très élevé (plus de 65%) de Laurence sur Toulouse dimanche dernier. Les premiers pas de la nouvelle municipalité reçoivent un accueil favorable de nos concitoyens.
- Cela fait 2 mois jour pour jour que vous vous êtes installé au Capitole. Quel regard portez-vous sur ces 60 premiers jours ?D'ores et déjà les Toulousains voient le changement"
- Ces deux premiers mois ont été à la fois très prenants et passionnants. Il a fallu remettre la machine en marche pour agir sans attendre. Le processus d’installation de la collectivité, de la communauté urbaine et des nombreux organismes qui en dépendent est d’une extrême lourdeur, au point que tout cela n’est pas terminé à l’heure actuelle. D’ores et déjà, les Toulousains voient le changement : les Maires de quartier ont été nommés et sont au service de la population, la Police municipale est bien plus visible, certaines dépenses inutiles sont supprimées, la stabilité fiscale a été votée, etc.
- N’auriez-vous pas dû mieux expliquer la nomination de votre épouse comme chef de cabinet adjointe à Toulouse-Métropole ou encore le vote de logements de fonctions pour certains de vos proches collaborateurs, ce qui en temps de crise économique peut être mal compris par les Toulousains qui cherchent du travail ou qui ont du mal à s’en sortir financièrement ?
- Pour le recrutement de mon épouse, diplômée de Sciences Po et qui a l’expérience d’assistante parlementaire, j’ai toujours répondu aux demandes d’explications qui m’ont été faites, parce qu’il n’y a aucun problème : elle remplit des missions importantes, en travaillant beaucoup et ses tâches correspondent à sa formation. Concernant les logements de fonction, nous n’avons fait que reconduire à l’identique ce qui était en place sous mon prédécesseur et sa majorité PS-PCF-PRG-EELV.
- Vous aviez dit que vous ne dénigreriez pas systématiquement les projets engagés par la majorité sortante mais pour l’arrêt de la Maison de l’Image ou encore le changement de programmation de la Fête de la Musique, l’annulation du spectacle de Skerzo place du Capitole, la méthode n’a-t-elle pas été un peu brutale ?
- Le mot important dans notre engagement, et je vous remercie de le rappeler, c’est «systématique». Annuler un projet inutile comme la Maison de l’Image quand on maintient à côté 10 projets utiles, ce n’est pas du dénigrement systématique, c’est du pragmatisme.
Les décisions que vous évoquez ont été prises rapidement, et il ne faut pas confondre rapidité et brutalité. Je ne veux pas que notre ville revive les années 2008 à 2011, où, après la précédente alternance, la mairie avait été plongée dans la non-décision permanente, beaucoup de temps étant perdu. J’ai été élu pour agir, et pas pour reconduire à l’identique tout ce que faisait l’ancienne majorité municipale.
Le monde de la culture n'a pas d'inquiétude à avoir"
- En général, est-ce que le milieu de la Culture à Toulouse doit s’inquiéter pour les années qui viennent ? D’autres festivals ou événements sont-ils sur la sellette (Novela, etc) ? Des coupes budgétaires ?
- Nous avons le devoir impératif de redresser les finances municipales et, dans cet objectif, le secteur de la culture devra contribuer à l’effort comme n’importe quel autre champ d’action municipale, ni plus, ni moins.
Donc, le monde de la culture n’a pas d’inquiétude à avoir : déjà, sous mon mandat précédent, c’était le premier poste de dépense de la Municipalité.
Certains agitent des peurs pour effrayer les acteurs culturels. Les mêmes pensaient les acheter à grands coups de subventions aveugles et de saupoudrage… J’ai trop de respect pour eux et pour la vie culturelle pour suivre un tel chemin : je veux au contraire une sélection des projets selon des critères transparents et objectifs !
- Plus généralement, vous avez lancé "une chasse aux économies" estimant qu’il manque 100 millions d’euros pour boucler le budget de la ville en 2014. L’ancienne majorité conteste ses chiffres. Allez-vous rendre public des documents ?
- Bien sûr, tout cela fera l’objet d’une communication parce que la situation est tellement grave que les Toulousains doivent en être parfaitement informés.
En particulier, le compte administratif 2013, document complet qui détaille la façon dont le budget a été exécuté en 2013, sera publié ce mois-ci. Ce compte administratif 2013 n’avait pas été publié jusqu’ici. Je ne pouvais donc pas savoir quelle était la situation budgétaire à partir du 1er janvier 2013, contrairement à ce qu’affirme l’opposition dans sa tentative de diversion. Mais, plus encore que l’année budgétaire passée, c’est l’exécution du budget de l’année en cours qui pose problème.
- Quelle sera la solution pour équilibrer ce budget ? Couper encore plus dans les dépenses ou emprunter comme le faisait la gauche ? Quels projets seront abandonnés ou reportés ?
- Nous n’avons pas l’intention d’augmenter inconsidérément la dette municipale et je ferai le maximum pour limiter le recours à l’emprunt. Nous tâcherons de mettre en place un plan de maîtrise des dépenses de fonctionnement, mais nous savons bien qu’il ne pourra produire d’effet immédiat. Il faudra donc renoncer dès 2014 à des dépenses et en différer d’autres. Nous sélectionnerons les projets les plus utiles et les plus attendus des Toulousains.
Il est trop tôt pour être plus précis. La situation budgétaire fera l’objet d’un Conseil municipal dédié à la fin du mois de juin.
Les subventions aux associations ont fait l’objet de versements très tôt, comme par hasard juste avant les élections, et de façon massive"
- Vous avez aussi accusé Pierre Cohen d’avoir « arrosé » financièrement pendant les 3 premiers mois de 2014, c'est-à-dire pendant la campagne des municipales. Ces accusations sont-elles étayées ?
- Effectivement, les subventions aux associations ont fait l’objet de versements très tôt, comme par hasard juste avant les élections, et de façon massive. Et vous n’avez pas idée du nombre d’acteurs culturels ou sportifs qui se sont vus promettre (par oral bien sûr !) des augmentations de subventions totalement intenables et non inscrites au budget. Il en va de même des trop nombreuses promesses d’embauche qui ont été faites sur des emplois saisonniers, au-delà des moyens de la Collectivité.
La situation financière nous conduira peut-être à étaler dans le temps, davantage que nous l’envisagions, la réalisation de tel ou tel projet"
- L’opposition vous reproche de vous servir de ces arguments budgétaires comme excuses pour abandonner vos projets coûteux ? Pouvez-vous nous dire si oui ou non tous les projets inscrits dans votre programme seront bien réalisés ?
- Bien sûr. Et le fait de respecter les uns après les autres nos 20 engagements pour les 100 premiers jours en atteste. M’avez-vous entendu annoncer l’abandon d’un seul des projets portés par mon équipe et moi au cours de la campagne électorale ? Certainement pas !
Par contre, la situation financière nous conduira peut-être à étaler dans le temps, davantage que nous l’envisagions, la réalisation de tel ou tel projet. En particulier pour préserver la stabilité fiscale. Les Toulousains le comprendront car ils ont du bon sens et, aussi, parce qu’ils attendent de moi que je gère correctement la Ville.
- Même l’auditorium sous la prison Saint-Michel ? Et quid de la 3ème ligne de métro ?
- Pour l’auditorium, il s’agit de la reconversion d’un site doté d’un bâtiment atypique, l’ex Prison Saint-Michel. Elle prendra donc du temps, ce qui permettra d’étaler l’effort de financement. J’ai toujours indiqué que ce projet sera bâti progressivement, sur deux mandats.
La 3ème ligne de métro sera elle aussi réalisée, je n’ai pas l’intention de reculer : elle est finançable, malgré le discours des adversaires de toujours du métro. Et Jean-Michel Lattes, adjoint aux Déplacements et Président de Tisséo, est d’ores et déjà au travail sur ce dossier. Première étape d’ici quelques mois : le lancement des études.
- Vous aviez annoncé 20 mesures en 100 jours : il reste 40 jours. Certaines sont déjà prises comme les maires de quartier ou un conseiller à la sécurité. Où en êtes-vous par exemple sur le «lancement d’études pour généraliser la vidéoprotection» ?
- Nous ferons un bilan de ces 100 premiers jours cet été, en détaillant tout ce qui aura été fait sur chacun de ces engagements. Pour les caméras de vidéoprotection, nous travaillons au cahier des charges qui permettra de lancer l’appel d’offres pour réaliser l’étude d’implantation. Nous entendons agir sérieusement, dans le respect des règles et procédures, ce qui est indispensable pour avancer.
20 des nouveaux recrutements de policiers municipaux concernent des motards. Ils constitueront le noyau des futures brigades d'intervention rapide"
- Et "la concertation avec la police municipale pour rétablir les patrouilles nocturnes" ou encore celle pour "créer des brigades d’intervention rapide" ?
- Concernant les patrouilles nocturnes, nous avons commencé la réorganisation des équipes de soirée : auparavant, le soir, les équipages étaient peu dissuasifs car composés de 2 agents. Désormais, ils sont constitués de 4 à 6 policiers municipaux et sont appuyés par des maîtres-chiens. C’est une première étape. Pour les Brigades d’Intervention Rapide, dès ce mois de juin, 20 des nouveaux recrutements de policiers municipaux concernent des motards. Ils constitueront le noyau des futures « BIR » (Brigades d’Intervention Rapide, sur place en quelques minutes après appel à l’Office de la Tranquillité).
Je compte faire de notre Police municipale l’une des plus performantes du territoire, et cela passe par son armement"
- Vous confirmez que la police municipale sera armée de jour comme de nuit dès cet été ?
- Oui absolument. C’est d’ailleurs une demande des policiers eux-mêmes, désireux, et je les comprends, de se protéger et de dissuader face aux dangers qu’ils rencontrent de façon croissante. Les Policiers municipaux ont été temporairement armés de jour comme de nuit lors de l’affaire Merah et ils sont spécialement formés pour cela. Je compte faire de notre Police municipale l’une des plus performantes du territoire, et cela passe par son armement.
- Concernant les grands projets d’infrastructures de transports comme le métro ou la seconde rocade, qui prendront du temps bien au-delà de ce mandat ne pensez-vous pas qu’il y a un risque politique à ce que les Toulousains qui sont dans les bouchons se lassent de ne rien voir venir et vous le reproche ?
- Il ne faut pas prendre les Toulousains pour des imbéciles ! Ils savent bien que les infrastructures lourdes ne se feront pas en claquant des doigts et nous leur avons toujours dit la vérité ! Déjà, il y a déjà un vrai changement : nous ne sommes pas élus pour compliquer en permanence la vie des automobilistes. Rien qu’avec cette approche pragmatique des questions de circulation, les Toulousains sentent la différence…
Par ailleurs, nous allons lancer le diagnostic de la desserte en bus dans tous les quartiers dans le but d’améliorer à court terme nos lignes de bus (confort, fréquence). Notre approche incitative, non-autoritaire, permettra une meilleure fluidité et rapidité des déplacements pour les Toulousains et les habitants de notre agglomération. Sans attendre la mise en service des grandes infrastructures.
- Vous avez abandonné comme promis votre mandat de député, on l’a dit, pour vous consacrer à Toulouse mais dans le même temps vous avez été élu président de l’association des grandes villes de France. Une activité de « lobbying » auprès du gouvernement pour les métropoles qui prend du temps et de l’énergie. N’est pas antinomique ?
- Cet argument me fait sourire… Pourquoi ? Parce que cette présidence est bénévole et associative, ce n’est pas un mandat ! Cette association est constituée de maires et de présidents d’intercommunalités. Donc son président est…forcément un maire… De plus, ce lobbying permettra de gagner du temps, en faisant avancer plus vite la cause des grandes métropoles auprès du pouvoir national. Et cette responsabilité prend bien moins de temps qu’un mandat de Député ! Je note que j’ai été le seul député-maire à renoncer de moi-même au cumul alors que la loi ne m’y obligeait pas. Dans ces temps tourmentés de la relation élus-citoyens, je crois avoir apporté ma pierre à l’édifice de la restauration de la confiance démocratique…
- Après la disparition de Dominique Baudis, un lieu emblématique de Toulouse va-t-il porter son nom et lequel ?
- Devant l’héritage immense qu’il nous laisse, ce serait bien la moindre des choses. Nous sommes en train d’y travailler mais il est trop tôt pour faire une annonce.
Nous avions le triptyque de la victoire"
- Enfin rétrospectivement, si l’on ne tient pas compte du contexte politique national qui était favorable à la droite, comment analysez-vous les raisons locales de votre élection en mars dernier ?
- Nous avions le triptyque de la victoire : un beau Projet, alliant amélioration du quotidien et développement à long terme, pragmatique et non-idéologique,
une belle Équipe, à la fois rassemblée, renouvelée et très fortement ouverte à la société civile, toute en simplicité, une belle campagne, de grande proximité, au contact des Toulousains, en permanence sur le terrain. Cela a été la différence la plus marquante avec nos adversaires sortants qui, à l’image de leur mandat, ont été bien éloignés des préoccupations des Toulousains et sont restés enfermés dans leurs bureaux et leurs salons."
Propos recueillis par Fabrice Valéry