Au lendemain de l'ouverture par le parquet d'une enquête préliminaire sur les contrats entre la Région Midi-Pyrénées et la société AWF dirigée par des proches du secrétaire d'Etat Kader Arif, les langues se délient parmi les sociétés concurrentes sur le marché de l'événementiel à Toulouse.
"Je ne travaille plus avec le Conseil régional : ça ne sert plus à rien, tout est couru d'avance". Ces propos sont tenus par un responsable d'une société spécialisée dans l'événementiel à Toulouse. Ils s'ajoutent à ceux de plusieurs patrons du secteur, qui, contactés par France 3 Midi-Pyrénées vont dans le même sens.Parallèlement, la Chambre régionale des comptes rappelle que son dernier rapport sur le Conseil régional Midi-Pyrénées date de 2009 et couvre donc des périodes antérieures aux appels d'offres remportés par AWF (lire encadré en bas de cet article).
Des relations privilégiées
Au lendemain de l'ouverture d'une enquête préliminaire par le procureur de Toulouse, confiée au SRPJ, suite au signalement par les élus d'opposition "Osons Midi-Pyrénées" et aux révélations du Canard Enchaîné, les langues se délient dans le milieu de l'organisation d'événements à Toulouse : les professionnels estiment que les rapports privilégiés entre le Conseil régional et AWF, société dirigée par des proches du secrétaire d'Etat aux anciens combattants Kader Arif, les dissuadent de répondre aux appels d'offres lancés par la région dans ce domaine."Insinuations et persiflages"
De son côté, Martin Malvy, le président de la région parle "d'insinuations" et de "persiflages" qui le "révoltent". Pour lui, tout a été fait en bonne est due forme : un premier appel d'offres en 2008 remporté par AWF seule candidate. Un second en 2009, où l'entreprise est moins chère (de 30 à 50 % selon les secteurs) que sa concurrente GL Events. Un troisième fin 2013 où AWF remporte à nouveau le marché d'aménagements de scène, de décoration et d'éclairage face à All Access : mais, comme le reconnaît Martin Malvy, les services de la région signalent ensuite que les deux sociétés ont les mêmes dirigeants. L'appel d'offres est relancé et finalement AWF, à nouveau seule candidate, l'emporte début 2014.A LIRE AUSSI (sur le blog Midi-Pyrénées Politique) : vice-président écologiste de la région, Gérard Onesta apporte son soutient Martin Malvy mais pose deux questions.
"Ça c'est pour les frères Arif"
Alors, pourquoi les entreprises locales (ou même nationales) ne présentent-elles pas d'offres lors de ces marchés, laissant le champ libre à AWF ? "C'est rédigé d'une telle manière, explique une responsable des appels d'offres dans une société toulousaine, qu'on se dit qu'il n'y a qu'une seule entreprise qui peut répondre à ça. Un partenaire m'a même dit un jour, ajoute-t-elle, de ne pas chercher à répondre à un appel d'offre que je venais de recevoir : - ça c'est pour les frères Arif- m'a-t-il expliqué"."Tout le monde le sait dans le milieu"
"Tout le monde le sait dans le milieu de l'événementiel à Toulouse, les dés sont pipés", renchérit un autre patron d'une PME toulousaine. "Quand on dirige une petite entreprise comme la mienne, on ne va pratiquement pas vers les marchés publics, estime-t-il. 3 fois sur 5 c'est pipé d'avance. On va perdre du temps, mobiliser des ressources, pour rien". Il indique pour autant avoir participé à un appel d'offres (de la Région et d'autres partenaires) il y a quelques mois : "J'étais 5000 euros moins cher et pourtant c'est AWF qui a été retenue".EN VIDEO / le reportage de Julie Valin et Laurence Boffet
"Des réactions de concurrents" pour l'avocat d'AWF
France 3 Midi-Pyrénées a sollicité ces responsables de sociétés toulousaines pour des interviews devant la caméra. Ils ont tous requis l'anonymat. "Le marché local est petit, personne ne veut se griller", reconnaît l'un d'eux. Nous avons aussi sollicité l'avocat de AWF qui se félicite simplement de l'ouverture de l'enquête préliminaire qui va faire toute la lumière : pour lui, si ces sociétés se plaignent aujourd'hui c'est parce qu'elles sont concurrentes d'AWF et que c'est le jeu de la concurrence !Ces réactions de professionnels ont également été soumises par nos soins à la Région Midi-Pyrénées, qui n'a pour l'instant pas réagi.
De son côté Kader Arif, qui a fait savoir mercredi qu'il "ne souhaitait pas réagir à ces informations de presse", a reçu ce jeudi le soutien du premier ministre Manuel Valls, qui estime qu'il n'est "en rien concerné".
La Chambre régionale des comptes n'a pas contrôlé
Contrairement à ce que Martin Malvy indique dans une interview ce jeudi 11 septembre à La Dépêche du Midi, au lendemain de son passage en direct sur France 3 Midi-Pyrénées, la chambre régionale des comptes ne s'est pas prononcée sur les rapports entre le Conseil Régional et AWF. Et pour cause : son dernier rapport sur la Région est antérieur aux appels d'offres."Durant douze ans, plusieurs contrôles de la chambre régionale des comptes ont été effectués. Personne n'a rien dit", explique Martin Malvy. Mais du côté de la Chambre régionale des comptes, sans toutefois commenter l'événement, on rappelle que le dernier rapport sur la Région a été publié le 4 août 2009. Il portait sur les exercices précédents et les commissaires n'ont donc pas pu se pencher sur les factures entre 2008 et 2009 (un appel d'offres sur 2 ans mais dont tous les crédits ont été consommés en un an en raison "de l'accroissement des manifestations" a précisé Martin Malvy). Ils n'ont également rien publié, par conséquent, sur les autres contrats de 2009 et 2013.
La Chambre régionale des Comptes instruit actuellement les comptes de la région Midi-Pyrénées pour la période. Son rapport devrait sortir en 2015.
Mise à jour de 19h30 : à la suite de la publication de cet article, Martin Malvy nous a fait parvenir le texte suivant.
"Je n’ai jamais prétendu que « la chambre régionale des comptes (se serait) prononcée sur les rapports entre le Conseil Régional et AWF », puisque, en effet, le dernier contrôle de la Chambre remonte à 2009.
J’ai en revanche précisé que l’existence de ce budget annexe « restauration – cérémonies et manifestations », de pratique courante dans bon nombre de collectivités, n’avait fait l’objet d’aucune remarque de la Chambre lors des différents contrôles connus par la Région.
Je vous confirme que ce budget annexe est voté en même temps que le budget primitif de la collectivité régionale"
Pour notre part, nous renvoyons nos lecteurs à l'intégralité de l'interview de Martin Malvy dans La Dépêche du Midi, dont est extraite la citation ci-dessus.