Philippe Détré, curé de Bollezeele (Nord) a été arrêté en juillet 2012 pour des faits de pédophilie. Les victimes sont nombreuses, plus d'une dizaine pour qui les faits ne sont pas prescrits (plus de 30 au total). Les affaires datent de 1976, à 2011.
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9h20 : l'audience est ouverte
Procès de Philippe Détré, né le 21 mars 1944, à Merville (Nord), prêtre.La cour vient de procéder au tirage au sort des jurés. Il y a neuf jurés. Ils prêtent serment.
Les avocats des parties civiles se présentent. Trois personnes dans la salle répondent à la proposition de la présidente de se porter partie civile. Malheureusement, si ces victimes sont bien reconnues, les faits sont prescrits pour eux.
"Demande de huis clos ?", interroge la présidente. Une victime arrive à la barre, il est diminué, marche aidé par son avocat et par une femme et demande un huis clos partiel, pour son audience. Accordé par la présidente. Les débats sont donc publics.
La présidente a fixé maintenant rendez-vous aux témoins dans la semaine. Les témoins quittent l'audience, à la demande de la présidente, pour ne pas être influencés par les premiers débats. Elle énumère le nom des victimes et les faits reprochés à Philippe Détré.
Deux lettres anonymes envoyées aux forces de l'ordre dans le sud de la France et à l'évêché de Lille ont permis de mettre à jour les faits il y a quelques années (Philippe Détré a été arrêté en juillet 2012). Les faits sont nombreux. Nous y reviendrons au cours de la semaine. La présidente énumère les noms des victimes, les viols, les tentatives. Les fellations etc.
10h00 : fin de la lecture des faits
L'accusé encourt 20 ans de réclusion criminelle (15 ans pour viol et 5 ans pour la circonstance aggravante de plusieurs viol sur mineur et personne vulnérable).La position de Philippe Détré : "Maintenant que ces gestes innommables sont sur la voie publique, je veux dire que je regrette énormément d'avoir fait tant de mal. Je comprends très bien le dégoût des victimes, leur peine, et je leur demande pardon... Et je suis très malheureux mais j'ai surtout mal au coeur pour eux je pense que le procès peut les aider à se reconstruire."
10h20 : parcours de Philippe Détré
Originaire de Merville, d'une famille modeste. Ancien garçon boucher, entre au séminaire à 17 ans. Ordonné prêtre en 1973 à Merville. Amateur de footballa de voyages et de jardinage. Il se présente, selon une enquêtrice de personnalité comme un amateur de restaurant.Relation intra-familiale bonne sauf après son placement en détention. Vie sentimentale ? Relations homosexuelles avec des partenaires qu'il rencontrait "par hasard" après ses 20 ans. "Je me suis laissé faire, je ne sais pas dire non", aurait dit l'accusé. Ce dernier, aurait évoqué à plusieurs reprises des difficultés à supporter la solitude.
La présidente interroge l'enquêtrice sur les relations familiales de l'accusé lors de son enfance. "Peu de moyens, mais des parents prévenants et une très bonne entente familiale, une famille unie et soudée ?" résume la présidente. "Oui" répond l'enquêtrice.
10h30 : La vie sentimentale de Philippe Détré
Une relation sexuelle dans les dunes un peu par hasard, après ses 20 ans, avec un homme marque le début de la vie sexuelle de Philippe Détré. Une autre avec un autre adulte, dans les bois... Une relation suivie avec Maurice, un adulte, décédé aujourd'hui. L'accusé aurait peu évoqué cette facette de sa vie avec l'enquêtrice.Un avocat de la défense (ils sont deux) discute avec l'enquêtrice : ils se mettent d'accord sur les caractéristiques suivantes de l'enfance de Philippe Détré : "Mère autoritaire", "Souffre d'un manque de reconnaissance", "Complexé", "Seul à partir de son entrée au séminaire".
Philippe Détré : "Je voudrais parler de ma solitude de prêtre. Dans la journée je travaillais au maximum, mais le soir j'étais seul. Après l'organisation des communions, des fêtes et des mariages, le soir j'étais seul avec ma patate et mon oeuf. [...] J'ai aussi été seul car plusieurs prêtres de mon entourage sont partis. [...]"
Interrogé sur ses rencontres homosexuelles, Philippe Détré, explique que rien n'était calculé. "Promenade dans un bois", et un "homme qui le caresse". Peu de précisions. La présidente insiste : "C'est un moment pour vous et pour les victimes, vous n'aurez plus l'occasion d'effectuer ce travail"
Philippe Détré, reconnaît une attirance envers les hommes, chose qu'il n'aurait pas pu dire avant d'avoir vu les experts psychiatres et psychologues de la justice.
La relation avec Maurice est évoquée. "Elle a duré sept ou huit ans avec Maurice, handicapé, très gros, qui n'arrivait plus à marcher". D'autres relations avec des hommes adultes sont évoquées.
- Cela aurait dû vous satisfaire ?, interroge la présidente.
- [silence]...
L'avocat général interroge l'accusé sur ses premières relations sexuelles avec des adultes. "C'était après mon ordination". Et pourtant, il y avait un voeu de chasteté, remarque l'avocat général.
11h35 : l'audience reprend après une suspension de 15 minutes
Jean C., prêtre, témoin, s'avance à la barre : "En 1966, j'ai connu Philippe Détré. Quand j'ai appris la nouvelle, j'étais stupéfait. C'était un excellent ami", exprime le témoin qui l'a soutenu en le visitant après le début de la détention. Le témoin évoque un éventuel "dédoublement de personnalité" pour exprimer le contraste entre la personnalité de l'accusé qu'il décrit comme apparemment bon et jovial et la gravité des faits qui lui sont reprochés.
Plusieurs prêtres, peu après la rencontre entre Jean C. et Philippe Détré, auraient abandonné leur engagement. D'où une certaine solitude pesante partagée par les deux hommes à cette époque.
La présidente demande :
- "L'Eglise réfléchit à l'encadrement des mineurs ?"
-"Notre évêque nous a écrit encore la semaine dernière, pour rappeler des consignes - jamais seul avec un mineur et toujours la porte ouverte. Un livret du même ordre avait été distribué en l'an 2000. Mais avant pas grand chose", répond le témoin.
- "Vous parliez de cela avec Philippe Détré ?" (présidente)
Le témoin reconnaît avoir parfois été surpris par la présence d'enfants chez l'accusé, mais assure, calme, qu'il ne s'est même jamais interrogé sur une éventuelle déviance du père Détré.
- "Pourquoi Philippe Détré s'est engagé dans l'église selon vous ?" (présidente)
- "Pour le service des autres"
Jean reconnaît par ailleurs, au cours d'un échange avec un avocat de la défense, qu'il conçoit que Philippe Détré ait pu ressentir de la solitude et un certain complexe par rapport à d'autres prêtres qui citaient des vers en latin.
12h10 : Gérard, 68 ans, prêtre, témoigne
"Je l'ai connu au séminaire, en formation [...] Quelqu'un de cordial, d'accueillant, de bienveillant [...] Jamais aucune question ne m'a effleuré et je n'ai jamais entendu rien dire, malgré l'accueil des jeunes chez lui."
Là encore, Gérard explique que les questions personnelles de désir, de solitude ou des questions existentielles étaient peu voire pas abordées avec l'accusé. "On parlait de l'exercice de notre ministère".
L'avocat général, demande au témoin de parler de cette époque des années 70 : "Je me souviens que certains amis décidaient d'arrêter d'être prêtres. Beaucoup même dans les 5 ans qui ont suivi mon ordination. On était après mai 68, (que je n'ai pas connu en France) mais je ne voulais pas renier mon engagement".
De nombreuses questions d'avocats amènent Gérard, prêtre témoin, à déclarer : "D'emblée, on est des espèces d'isolés dans la société actuelle car on s'engage au célibat. Or, je pense que l'isolement n'est pas bon. D'ailleurs, c'est pour cela, explique en substance le témoin que, "l'Eglise réagit face à cette situation en organisant des rencontres pour échanger, pour parler".