Boycott, prix remis par une hôtesse, petites phrases vachardes : la cérémonie de remise du prix du Trombinoscope s'est déroulée dans une ambiance très spéciale.
Le maire Front national de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) Steeve Briois a fustigé jeudi la "grave crise d'hystérie chez les socialistes et leurs amis" provoquée par son prix d'élu local de l'année décerné mardi par le Trombinoscope. "Ma nomination comme élu local de l'année par le jury de journalistes indépendants du Trombinoscope a provoqué une grave crise d'hystérie chez les socialistes et leurs amis", déclare dans un communiqué le maire frontiste, qui avait été élu au premier tour en mars 2014.
L'attribution du prix par le Trombinoscope, annuaire des personnalités politiques, a provoqué depuis mardi des remous dans les milieux politiques comme chez les journalistes, le président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone décidant notamment de boycotter la cérémonie.
Celui-ci s'est "distingué par un sectarisme indécent pour un président de l'Assemblée nationale", affirme M. Briois. "La gauche française a voulu créer une polémique parfaitement artificielle le jour où était annoncé que l'année 2014 avait été une année record pour le chômage, et ainsi ne pas avoir à reconnaître que l'état de grâce était bel et bien un lointain souvenir que la réalité a rattrapé", a encore dénoncé M. Briois.
Les députés PS Yann Galut et Alexis Bachelay, animateurs du courant de la Gauche forte, avaient qualifié le prix "d'insulte à la fois pour les primés des années précédentes et pour les milliers d'élus locaux qui travaillent au quotidien de manière remarquable".
"Il ne s'agit pas à proprement parler d'une véritable récompense."
Mais la remise par le Trombinoscope du prix d'"élu local de l'année" au maire FN d'Hénin-Beaumont a créé un malaise lors de la cérémonie de remise des prix. Dans une longue séquence intitulée "Du rififi sous les lambris", le Petit Journal de Canal + a notamment noté que le prix n'avait pas été remis en mains propres par le journaliste Gilles Leclerc à Steeve Briois. Le journaliste, président de la chaîne Public Sénat, a laissé une hôtesse le faire alors que pour tous les autres primés, les membres du jury avaient sans souci remis eux-même le prix au vainqueur.Gilles Leclerc a également fait un discours qui a jeté un froid dans la salle : "Je vais être tout a fait honnête, j'étais pas forcément spécialement volontaire pour cet exercice un peu spécial. [...] Il ne s'agit pas à proprement parler d'une véritable récompense. [...] Aujourd'hui maire, donc, député européen - tiens j'oubliais d'ailleurs qu'au Front national on n'était pas forcément contre le cumul. [...] C'est vrai que vous avez sans doute en mémoire les bilans pas très fameux, vous en conviendrez, de vos collègues élus en 1995." Steeve Briois a répondu : "Je voulais vous remercier pour ce prix. Même s'il m'a été attribué visiblement à contre-cœur, il me va droit au cœur."
La rédaction du Trombinoscope avait répondu aux attaques en soulignant dans un communiqué qu'elle s'était toujours "attachée, dans un souci de neutralité, à présenter l'ensemble des acteurs de la vie politique" et que le jury du prix, composé "de journalistes de toutes tendances", choisissait les lauréats "en toute indépendance". "C'est la reconnaissance du phénomène politique FN", a ajouté Arlette Chabot dans Le Petit journal.
"A sa place, je lui aurai cassé le truc sur la tête"
Les élus du Front National présents à cette cérémonie ont pris à parti Gilles Leclerc, sous l’œil des caméras du Petit Journal. "Le discours que vous avez fait est un discours de protection, il fallait mettre un préservatif pour venir", lance le député Gilles Collard. Marion Maréchal - Le Pen, elle, va plus loin et menace le journaliste : "Franchement, c'est minable. Je suis regonflée à bloc ! Mais on va vous avoir... Mais quand ça va arriver, ça va vraiment vous faire mal ! Vraiment, merci. Parce qu'on a des petits coups de mou et quand on a ça, on est motivés ! Vraiment. Vraiment."
Plusieurs médias dont "Le Petit journal" ont vu dans cette déclaration de la nièce de Marine Le Pen une "menace". Des politiques se sont aussi indignés: "MM-Le Pen à un journaliste : +On va vous avoir... Ça va vous faire mal+, 3 semaines après le massacre contre la liberté de la presse. Pas banal", a accusé sur Twitter le sénateur PS de Paris David Assouline.
MM-Le Pen à un journaliste :"On va vous avoir... Ça va vous faire mal",3 semaines après le massacre contre la liberté de la presse.Pas banal
— David Assouline (@dassouline) 29 Janvier 2015
Le patron des députés PS Bruno Le Roux a lui écrit : "Menaces FN contre journalistes. Cela ne devrait étonner personne. Et rappeler le danger à jouer avec les ennemis des valeurs républicaines."
Menaces FN contre journalistes. Cela ne devrait étonner personne. Et rappeler le danger à jouer avec les ennemis des valeurs républicaines.
— Bruno Le Roux (@BrunoLeRoux) 29 Janvier 2015
Invitée jeudi midi de France Culture, la députée vauclusienne a tout d'abord évoqué "le mépris avec lequel Gilles Leclerc s'est adressé à Steeve Briois,
l'humiliation qu'il lui a fait subir. J'ai trouvé ma réaction plutôt mesurée eu égard à ce type de comportement", a-t-elle poursuivie. Elle a ensuite fait l'exégèse de sa déclaration de mardi: "Je suis allée voir Gilles Leclerc en souriant et en rigolant, en disant : +Je vous remercie beaucoup, parce qu'avec des discours aussi minables que le vôtre, je suis regonflée à bloc, et lorsqu'on arrivera au pouvoir, ça va vous faire mal+. Il n'y avait pas de menaces
physiques: +ça va vous ennuyer parce que vous avez l'air d'avoir un tel mépris, une telle haine à notre égard, dans cette position de patron de Public Sénat, chaîne publique payée par les Français, que vous serez terriblement ennuyé+", dit-elle avoir voulu dire. D'après elle, "ça ne voulait rien dire de plus, il n'y a pas de quoi susciter l'émotion populaire, donc rassurez-vous."