Alors que la DNCG doit se prononcer la semaine prochaine sur le sort du RC Lens, les élus régionaux accentuent la pression sur Gervais Martel. Selon Dominique Bailly, sénateur-maire d'Orchies, des investisseurs sont prêts à sauver les Sang et Or mais à certaines conditions.

Les propos tenus vendredi par Daniel Percheron dans La Voix du Nord ont de quoi interpeller. Après avoir longtemps soutenu Gervais Martel, le président socialiste de la région Nord Pas-de-Calais égratigne clairement le patron du RC Lens. "Gervais Martel reste maître à bord et son sort est lié à celui d'Hafiz Mammadov pour le meilleur ou pour le pire. Les statuts du club protègent Gervais qui peut – qui veut – croire jusqu’au bout à son étoile. Pour l’instant, il est maître de son destin et ne souhaite pas entendre parler d’autres repreneurs. Il espère encore trouver les fonds nécessaires. La semaine prochaine, on saura de manière définitive." Alors que jusqu'ici le blocage semblait principalement lié à Hafiz Mammadov, actionnaire à 99,99% de RCL Holding, la société parisienne qui possède le club artésien, Daniel Percheron laisse ainsi entendre que Gervais Martel ferait lui aussi obstacle. Mais de quelle façon ?

Joint par téléphone ce samedi, Dominique Bailly, le sénateur-maire socialiste d'Orchies qui suit le dossier lensois avec Daniel Percheron, nous livre un décryptage. "Aujourd'hui, il n'y a 36 solutions", explique-t-il. "Si la holding n'est pas capable de pouvoir porter le projet de la prochaine saison, elle doit déposer le bilan. Derrière, il y a une nouvelle structure qui vient et qui remplace la holding dans le capital de la SASP (Société anonyme sportive professionnelle, c'est-à-dire le Racing Club de Lens NDR). Et on se met sur un projet qui est validé par la DNCG pour la saison prochaine en Ligue 2. Mais la décision finale revient à Gervais Martel, ce qu'explique très bien Daniel Percheron." Pour autant, est-ce que Gervais Martel a la possibilité de déposer le bilan de la holding sans en référer à son associé Hafiz Mammadov ? "Oui", estime Dominique Bailly. "A partir du moment où la contribution de Mammadov n'est pas au rendez-vous et que Gervais n'est pas en capacité de financer, une des solutions c'est le dépôt de bilan de la holding, pas de la SASP. Ainsi la SASP existerait toujours et conserverait ses droits sportifs pour la Ligue 2. Mais ce serait une autre structure qui reprendrait le club".

Une structure juridique complexe

Petit rappel juridique : la SASP Racing Club de Lens est la propriété à 99% de RCL Holding, une société créée en juin 2013 par Gervais Martel pour permettre la reprise des Sang et Or en association avec Hafiz Mammadov. Le capital de cette holding est détenu par deux actionnaires : le Baghlan Group​ de Mammadov qui possède 12 millions d'euros d'actions (soit 99,99% des parts) et GIM2, une société de Gervais Martel, qui possède, elle, 1000 euros d'actions (soit 0,01% des parts). C'est par le biais de RCL Holding qu'Hafiz Mammadov a investi une vingtaine de millions d'euros dans le RC Lens.

Si Mammadov est l'actionnaire ultra-majoritaire de RCL Holding, ses statuts prévoient un partage des pouvoirs plus équilibré avec Gervais Martel. L'entreprise est une Société par Actions Simplifiée (SAS), une forme juridique souvent choisie par des jeunes "start-up". Un entrepreneur peu fortuné mais avec des idées peut ainsi être accompagné financièrement dans son projet par un riche actionnaire, sans prendre le risque d'être dépossédé de son "bébé". Lorsqu'il a créé RCL Holding, Gervais Martel a divisé son apport personnel de 1000 euros en deux types d'actions : 500 "ADP1" et 500 "ADP2". Quand Mammadov a fait son entrée ensuite, il a acquis 12 millions d'actions "ADP2". Or les articles 10.2 et 10.3 des statuts de RCL Holding stipulent que la totalité des "ADP1" donnent 40% des voix à leurs détenteurs, la totalité des "ADP2" 60%. Grâce à seulement 500 euros d'actions "ADP1" dont il est l'unique titulaire, GIM2 (Gervais Martel) détient ainsi 40% au conseil d'administration.

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Et mieux encore, il dispose d'une minorité de blocage sur bon nombre de décisions importantes, comme le détaille l'article 19 des statuts. Ainsi, aucun des deux associés ne peut décider seul, unilatéralement, d'"une augmentation de capital", ni de "toute fusion, scission, apport, dissolution de la Société". Ces statuts lient totalement Gervais Martel à Hafiz Mammadov, et réciproquement. Ils semblent aussi constituer un obstacle à l'entrée d'un ou plusieurs nouveaux investisseurs. Aujourd'hui, quand bien même Mammadov viendrait à céder ses parts, tout nouvel actionnaire qui entrera dans la holding devra composer et partager le pouvoir avec Gervais Martel qui n'a que 1000 euros d'actions. Une perspective qui n'enchante peut-être pas tout le monde... 

Vers un dépôt de bilan de la holding et non du club ?

En plus d'être actionnaire/associé, Gervais Martel est le président de RCL Holding et donc son représentant légal. A partir du moment où Hafiz Mammadov ne passe pas le relais et n'alimente plus ses comptes, il est donc en droit théoriquement de déclarer la cessation de paiement et de déposer le bilan. Le tribunal de commerce de Paris (dont dépend la holding) serait alors saisi et déciderait soit d'une mise en redressement judiciaire, soit d'une liquidation. Les actifs de la société - dont fait partie le Racing Club de Lens - pourraient alors être cédés à un ou des repreneurs. La SASP ne serait pas impactée et les Sang et Or ne subiraient donc pas la relégation à l'échelon inférieur, prévue par l'article 103 du règlement.  

On comprend dès lors pourquoi Daniel Percheron insiste, dans son interview à La Voix du Nord, sur le fait qu'"il reste des sous dans les caisses (du RC Lens NDR), entre 2 et 3 millions d'euros. Cela signifie que le club n’a pas de dettes qu’il ne saurait honorer." Pour lui comme pour Dominique Bailly, si dépôt de bilan il doit y avoir, ce ne sera pas celui du club mais celui de sa "maison-mère". Pour autant que sait-on vraiment de l'état des comptes de RCL Holding ? Mystère. Ces derniers ne sont toujours pas consultables au registre du commerce. Le précédent exercice s'arrêtait le 31 décembre 2014 mais l'assemblée générale ordinaire, lors de laquelle les deux actionnaires - Martel et Mammadov - devaient statuer, n'a pas eu lieu. Ils avaient jusqu'au 30 juin 2015 pour le faire, mais en mars dernier, Gervais Martel a demandé et obtenu un report d'un mois auprès du tribunal de commerce de Paris (voir document ci-dessous).

Gervais Martel entendait-il ainsi se donner un délai supplémentaire pour trouver un partenaire de remplacement à Mammadov ? En tant que gérant, il s'expose en tout cas à une amende si, au 31 juillet, l'assemblée générale d'approbation des comptes n'a toujours pas eu lieu.

Des investisseurs seraient prêts à prendre le relais

Si Gervais Martel consent à déposer le bilan de la holding, Dominique Bailly assure qu'il y aura un projet derrière pour reprendre le club et le maintenir en Ligue 2. "Il faut une nouvelle structure", insiste le sénateur-maire d'Orchies. "Effectivement, il y a des investisseurs, un important investisseur français même, qui est prêt à s'inscrire aussi dans une logique d'actionnariat populaire, avec aussi des entreprises locales. Mais c'est Gervais Martel qui détient la clé. Ce projet alternatif ne peut voir le jour que si la holding est "liquidée", autrement personne n'entrera. Mais peut-être que je me trompe et que mardi Gervais trouvera 10 millions d'euros, dans ce cas le club continuera avec la holding actuelle..." Et s'il n'y parvient pas et qu'il refuse malgré tout de déposer le bilan de la holding ? "Ce sera sa responsabilité", conclut Dominique Bailly.

L'élu socialiste ne veut toujours pas donner de noms concernant cet "important" investisseur français et les entreprises locales qui seraient prêtes à le suivre. Ce modèle "alternatif" ressemble beaucoup en tout cas à celui qui a été mis en place à l'En Avant Guingamp, dont le capital est constitué par plus de 80 actionnaires.
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