Azincourt : un complot a bien failli changer le cours de l'histoire

Il y a 600 ans presque jour pour jour, le 31 juillet 1415, le roi d'Angleterre, Henry V, déjouait un complot visant à l'assassiner, juste avant d'embarquer pour la France et mener l'expédition conclue par la célèbre bataille d'Azincourt.

C'est une histoire qui aurait pu changer... le cours de l'histoire. Le "Complot de Southampton" est actuellement rejoué outre-Manche à travers une pièce de théâtre intitulée Across The Dark Water, dans le cadre des commémorations des 600 ans de la bataille d'Azincourt. Cette pièce est interprétée par la compagnie du Berry Theatre au château de Portchester, près de Southampton (sud de l'Angleterre), là-même où le roi Henry V déjoua un complot visant à l'assassiner. C'était le 31 juillet 1415, trois mois avant l'éclatante victoire du monarque anglais sur la chevalerie française sur les terres boueuses du Ternois.


Une légitimité contestée

Si la bataille d'Azincourt fit d'Henry V un héros national pour les siècles à venir, l'aura du jeune roi d'Angleterre, âgé de 28 ans, n'était pas aussi étincelante lorsqu'il décida en avril 1415 de lancer une offensive en France avec son armée. Son père, Henry Bolingbroke, duc de Lancastre, s'était emparé du trône par la force en 1399, en destituant puis en faisant assassiner son cousin le roi Richard II. Couronné sous le nom d'Henry IV, il s'aliéna ainsi une partie de la noblesse anglaise, au point de devoir mater plusieurs rébellions tout au long de son règne pour asseoir son autorité et sa nouvelle lignée, dite des Lancastre.


La plus célèbre fut celle menée par les Percy, une puissante famille du nord de l'Angleterre, à la tête du comté du Northumberland. Le bouillant Henry Percy, surnommé "Hotspur" (littéralement "éperon chaud"), fâché avec Henry IV, avait décidé de placer sur le trône son beau-frère, Sir Edmond Mortimer, cousin du roi. Ce dernier était le petit-fils de Lionel d'Anvers, 3e fils d'Edouard III, alors qu'Henry IV, lui, était le fils de Jean de Gand, 4e fils du même monarque. Sa légitimité dans l'ordre de succession paraissait donc supérieure aux yeux de certains. Mais "Hotspur" fut tué au combat lors de la bataille de Shrewsbury en 1403 et Mortimer se rallia alors au rebelle gallois Owain Glyndŵr. Il mourut en 1409 lors du siège interminable du château d'Harlech mené par le jeune prince Henry, futur Henry V.

Un complot déjoué in extremis

En 1415, le complot dit de "Southampton" visait une nouvelle fois à placer un Mortimer sur le trône d'Angleterre : Edmond, jeune comte de la Marche (24 ans) et neveu du précédent. On ignore toutefois si l'intéressé était véritablement impliqué dans ce projet d'assassinat d'Henry V. Les "cerveaux" étaient en tout cas ses trois beaux-frères : le comte Richard de Cambridge, ​cousin du roi, le baron Henry Scrope de Masham et Sir Thomas Grey


Les conspirateurs envisageaient de passer à l'action alors que le roi rassemblait ses troupes près du port de Southampton en vue du débarquement en France. Ils envisageaient également d'éliminer ses trois frères, les ducs de Bedford, Clarence et Gloucester. Mais ironie de l'histoire, ils furent dénoncés par l'homme qu'ils souhaitaient voir prendre la couronne : ce fut en effet Edmond Mortimer qui informa Henry V de leur projet le 31 juillet 1415, au château de Portchester. Après un procès expéditif, Cambridge, Scrope et Grey furent tous trois décapités et leurs corps dépecés. Leurs restes furent exposés aux portes des principales villes du royaume. Edmond Mortimer, lui, ne fut pas inquiété. Le 7 août, il reçut officiellement le pardon royal. Six jours plus tard, il embarquait en direction de la Normandie avec la flotte et l'ensemble des troupes anglaises pour en découdre avec les Français. Tombé malade lors du siège d'Harfleur, il ne put participer à la bataille d'Azincourt le 25 octobre 1415. Il resta fidèle à Henry V puis à son fils, Henry VI, jusqu'à sa mort en 1425.

Les descendants des conspirateurs auront leur revanche

Si Henry V avait décidé en 1415 d'attaquer ses voisins français, c'était en partie pour renforcer cette légitimité que les comploteurs lui contestaient. En revendiquant la couronne de France, il reprenait à son compte la quête de son arrière-grand-père, le populaire Edouard III, descendant de Philippe le Bel par sa mère. Les "chevauchées" menées en territoire ennemi étaient aussi un bon moyen d'enrichir ses sujets, par le pillage ou le rançonnage des prisonniers. Henry V souhaitait enfin récupérer les terres normandes et angevines de ses ancêtres, Guillaume le Conquérant et Henry II Plantagenêt. "Vous n'avez droit à aucune seigneurie et pas davantage au royaume d'Angleterre, que vous avez pris aux vrais héritiers du feu roi Richard", lui aurait rétorqué - selon Juvénal des Ursins - l'archevêque de Bourges, envoyé comme ambassadeur par le roi de France, Charles VI, en juin 1415. 


Même si la campagne militaire de 1415 en France échoua à remplir ses objectifs, la victoire d'Azincourt suffit à apporter la gloire, l'autorité et la popularité recherchées par Henry V. En commandant ses troupes de main de maître face à une chevalerie française en surnombre, le roi d'Angleterre acquit une légitimité que plus personne n'osa ensuite lui contester. Azincourt aura pourtant une conséquence fâcheuse pour sa lignée : son cousin, le duc Edouard d'York, est tué pendant la bataille. N'ayant pas d'enfant, son duché sera transmis à son jeune neveu, Richard Plantagenêt, qui n'est autre que le fils de Richard de Cambridge, l'un des trois conspirateurs de Southampton, mais aussi le neveu d'Edmond Mortimer. Fort de cet héritage, le nouveau duc d'York deviendra l'un des barons les plus puissants et influents d'Angleterre, au point de revendiquer à son tour le trône et de déclencher une guerre civile. Mais il sera vaincu en 1460 et décapité comme son père. Ce seront ses enfants qui parviendront finalement à détrôner Henry VI (fils d'Henry V) et à éradiquer la lignée des Lancastre :  le premier sera couronné sous le nom d'Edouard IV en 1461, le second, Richard III, prendra le pouvoir en 1483.
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