Le tribunal administratif de Lille, saisi d'un référé-liberté, se prononcera lundi sur la demande de Médecins du Monde et du Secours catholique pour qu'il ordonne "des mesures d'urgence", notamment sanitaires et sociales, concernant les quelque 6000 migrants du camp de la lande à Calais.
"L'ordonnance sera rendue lundi" compte tenu de l'épaisseur et de la complexité du dossier, a déclaré le vice-président du tribunal Jean-François Molla, qui présidait la séance, en conclusion jeudi d'une audience de deux heures et demie. Sans surprise, l'Etat et la Ville de Calais, ainsi que l'Agence régionale de la santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais ont réclamé le rejet de la requête. Les deux associations, soutenues par d'autres (Cimade, Ligue des droits de l'Homme...), avaient annoncé lundi le dépôt d'un recours, via un mémoire de 130 pages, "en vue de mettre fin aux atteintes graves aux libertés fondamentales" des migrants vivant dans la "Jungle" et dont le nombre a quasiment doublé depuis la fin septembre: droit à la vie, à la dignité, à la nourriture, aux soins, à un hébergement d'urgence, notamment.
En leur nom, Me Patrice Spinosi a demandé que "le démantèlement" du camp de Calais intervienne "au plus vite" et que, "dans l'attente", l'administration prenne "des mesures pratiques, concrètes, effectives de nature à pallier la violation de libertés fondamentales". Médecins du Monde (MdM) et le Secours catholique réclament entre autres "24 points d'eau supplémentaires, 50 installations de latrines et de douches" répartis dans le camp de la lande, "le déblaiement sous 48 heures" des immondices, "l'installation de 15 bennes à ordures de grande capacité sur plusieurs points de collecte" qui doivent être relevées au moins quatre fois par semaine.
Au nom de la préfecture du Pas-de-Calais et de l'Etat, la directrice des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur, Pascale Léglise, a, parmi de multiples arguments, réfuté "l'urgence" justifiant une intervention du juge en référé. La situation existe "depuis juillet", les requérants - quelques réfugiés s'étaient joints à l'instance - "ne souhaitent pas s'éloigner d'Eurotunnel" et "se maintiennent à un endroit de manière délibérée, sans chercher à le quitter", a dit Mme Léglise. "S'il était facile de prendre des mesures sous 48 heures, peut-être qu'on les aurait déjà prises...", a-t-elle aussi ironisé en détaillant toutes les mesures effectives ou en cours de réalisation de la part de l'Etat. Pour la Ville de Calais, Me Paul-Guillaume Balay a dit "s'étonner et regretter de se retrouver dans cette procédure". "Nous ne sommes pas les adversaires des demandeurs, mais au contraire leur partenaire, la Ville est la première à déplorer la situation et à agir", a-t-il plaidé.