"Jungle" de Calais: le gouvernement brandit la menace d'une évacuation par la force

Le gouvernement a opté pour la manière forte face à la persistance d'un camp de moins de 4.000 migrants à Calais, la préfecture du Pas-de-Calais annonçant vendredi l'évacuation par la force de la moitié de la "jungle" si les migrants ne la quittent pas d'ici mardi soir.

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Vendredi, alors que la vie continuait son cours animé dans ce qui constitue le coeur de la vie sociale du bidonville, la préfecture, invoquant "l'urgence", a déclaré en début de soirée avoir pris un "arrété d'expulsion d'office" des occupants de la "zone sud" de ce vaste camp de 18 ha, ordonnant l'évacuation des occupants, refusée par la plupart des associations actives sur le camp dit de la lande.

"Il est fait commandement aux occupants sans droit ni titre du site de +la Lande+ à Calais de quitter et libérer de toutes personnes et de tous biens l'emprise située dans la zone dite +sud+ du camp (...) et ce au plus tard le mardi 23 février 2016 à 20H", peut-on lire dans cet arrêté daté du 19 février. "Passé ce délai, à défaut d'avoir quitté les lieux, il sera procédé à l'évacuation des occupants de cette zone, si nécessaire avec le concours de la force publique", ajoute le texte.

Il y a une semaine, le 12 février, la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio avait affirmé que "plus personne ne doit vivre" sur la zone sud du camp et que "tout le monde doit quitter cette partie-là", avec un délai d'une semaine pour engager le mouvement. Selon la préfecture, sur un total de 3.700 personnes, "800 à 1.000 migrants" vivent dans cette zone, mais c'est plutôt 2.000 pour les associations sur place. Alors qu'elle était restée discrète ces jours derniers, tenant des réunions avec les associations pour les convaincre du bien-fondé de son projet, la préfecture tient désormais un discours alarmiste.

Dans un communiqué, elle parle d'"exactions" commises par des migrants qui, "sont à l'origine d'une aggravation du niveau de tension" avec "la population calaisienne au cours des trois dernièrs semaines". La préfecture dit en particulier avoir "constaté quotidiennement (...) des jets de projectiles contre les véhicules des usagers de la route et des forces de sécurité". Selon elle, ces exactions "sont instrumentalisées par des mouvements extrémistes".


Manifestation interdite 

Elle dénonce aussi "des exactions commises contre des migrants par des individus membres de groupuscules radicalisés autour du camp de la lande" et s'alarme des "appels à la haine et à la violence circulant sur les blogs de collectifs d'ultra-gauche et d'ultra-droite". Samedi, une "promenade citoyenne", selon l'appellation des organisateurs (d'anciens militaires français ayant opéré à l'étranger, doit se tenir en ville malgré l'interdiction d'un rassemblement convoqué par les mêmes dans un stade de la cité portuaire.

La "femeture" de la jungle est demandée avec insistance depuis quelques semaines par le maire LR de Calais, Natacha Bouchart. Parallèlement, les pouvoirs publics ont intensifié depuis le début de la semaine leurs efforts pour convaincre les migrants de déménager dans les conteneurs aménagés dans le nord de la "Jungle" (1.500 places, dont quelque 300 encore disponibles), ou de partir vers l'un des 98 Centres d'accueil et d'orientation (CAO) ouverts spécialement pour eux dans toute la France pour y réfléchir à une demande d'asile.

Il y a un mois déjà, 5 à 700 migrants avaient dû déguerpir d'une bande de 100 m de profondeur longeant l'axe routier stratégique menant au port. Cela s'était passé sans recours à la force publique. Mais cette deuxième phase est dure à faire avaler aux ONG, pour qui les solutions de rechange proposées par l'État sont "très loin de répondre aux besoins". J

Jeudi, huit des principales associations intervenant dans l'aide aux migrants (dont Emmaüs, Médecins du monde et le Secours Catholique) ont écrit au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve pour lui demander de "surseoir à cette évacuation". Elles doivent tenir une conférence de presse lundi.

Plusieurs migrants ont saisi en urgence le tribunal administratif de Lille "pour faire suspendre la décision" de la préfète au nom de la violation des droits fondamentaux, a indiqué vendredi leur avocate Julie Bonnier. Jeudi, Bernard Cazeneuve avait maintenu sa position sur l'évacuation de la zone sud, se disant néanmoins "à l'écoute de toute proposition" susceptible d'apporter des améliorations aux solutions alternatives.
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