Les salariés du CHU de Caen espèrent que l'Etat va intervenir pour redresser la situation de leur établissement.
Dans les couloirs truffés d'amiante du CHU de Caen, le personnel de longue date sous pression est inquiet pour la qualité à venir des soins dans un hôpital plombé par les déficits, mais compte sur l'Etat pour redresser la barre.
"Le personnel usé dans un bâtiment usé se demande s'il va pouvoir continuer à soigner ses patients", résume Jacky Rouelle secrétaire FO (majoritaire) au CHU, ajoutant que la direction a promis de payer les salaires et de ne pas supprimer davantage d'emploi.
Le CHU a annoncé mercredi suspendre le paiement des cotisations patronales et des fournisseurs, car les banques ne veulent plus financer son découvert. L'hôpital qui avait enregistré en 2010 le plus gros déficit de métropole affiche encore 119 millions d'euros de déficit cumulé, malgré des améliorations.
"On peut craindre que les fournisseurs ne nous livrent plus, d'être à court de médicaments", ajoute le syndicaliste. "Et puis si on n'a pas la capacité d'investir, comment maintenir la qualité des soins ?", interroge-t-il alors que l'établissement est classé 16e sur 50 hôpitaux français par Le Point.
Dans les couloirs l'atmosphère n'est pourtant pas plus lourde que d'habitude. La pression ne date pas d'hier dans l'établissement qui selon FO a supprimé 500 emplois (sur 5.000) en cinq ans pour résorber partiellement ses déficits.
"Bah ça fait dix dans que je travaille ici. Ca fait cinq ans que régulièrement il y a des bruits de couloir qui disent qu'on va pas être payé. Non je ne suis pas plus inquiet. L'Etat va nous placer sous tutelle", avance un aide-soignant, qui a requis l'anonymat comme les autres interlocuteurs de l'AFP dans les couloirs de cet hôpital où la direction ne veut pas de journaliste.
"Il faut que l'Etat éponge comme en Grèce"
"Je ne vois pas comment on pourrait nous en demander plus", témoigne une infirmière diplômée depuis 26 ans. "J'accueille des patients qui viennent d'apprendre qu'ils ont un cancer. Avant on avait des entretiens de 45 minutes pour leur expliquer, maintenant c'est pas plus de 20 minutes", ajoute-t-elle.
Et puis "on travaille avec du matériel dégradé. En hémato, la machine qui lit les codes barre d'identification sur les tubes à essai ne marche plus bien. Il faut taper les codes à la main", ajoute Nelly Jean, secrétaire CFDT du CHU.
"Ce genre de contraintes on les retrouve dans d'autres hôpitaux. Ici l'ampleur des difficultés financières fait que la pression est accentuée. On est allé trop loin dans la réduction des dépenses de santé", prédit M. Rouelle.
"Il faut que l'Etat éponge comme en Grèce. Avec des travaux qui coûtent 30% plus cher qu'ailleurs à cause de l'amiante, comment voulez-vous qu'on vienne un jour à bout de ce déficit ?", témoigne un médecin lui aussi "à bout", se désolant que "la santé dépende des banques".
Le député-maire PS de Caen Philippe Duron, qui préside le conseil de surveillance de l'hôpital, a lui tenu à rassurer mercredi, annonçant que le ministère de la Santé a promis "des solutions" pour le CHU "au tout début du mois d'octobre".
Le CHU de Caen, construit en 1975, est constitué de deux tours de 23 étages peu pratiques et surtout truffées d'amiante, du sol au plafond.
Dès qu'une dalle en lino datant de 1975 se décolle, on en recolle une autre plus grande par dessus, pour éviter que l'amiante de la colle d'origine ne se diffuse, selon les syndicats.
Trois étages du CHU, fermés au public, ne sont même accessibles qu'en combinaison anti-amiante. Le CHU doit être reconstruit d'ici 10 ans.