La station balnéaire et le constructeur japonais Honda sont engagés dans un ping pong juridique pour la propriété de la marque "Deauville";
En 1998, Honda signe un contrat avec la ville de Deauville. La firme japonaise souhaite baptiser sa dernière moto du doux nom exotique de "Deauville".
La ville est tellement renommée qu'elle est aussi une marque déposée. Elle ne délivre par conséquent le droit d'utiliser son nom que moyennant finances.
Le contrat forfaitaire signé il y a 14 ans est d’une durée de 7 ans renouvelable. Il est reconduit en 2005 jusqu’au 1er avril 2012.
Comme prévu aux termes de l'accord initial, la commune contacte Honda en décembre 2011 afin de renégocier l'arrangement. Elle demande notamment au constructeur d'ajuster le montant de la redevance au succès de la moto.
L'ancienne Deauville, devenue trop fade, a en effet été entièrement relookée en 2006. Moteur de 680cm³ tout neuf, injection électronique associée à un catalyseur dans le système d'échappement, ABS et équipements très complets lui ont permis de séduire à nouveau et ce d'autant qu'elle demeure l'unique routière légère du marché.
La Deauville affiche de nouvelles performances et gagne son pari. Aux dires des spécialistes, la moto retrouve son caractère avec à la clé un tarif bien plus attratactif que ses concurrentes allemandes notamment.
La municipalité de Deauville entend bien profiter de ce regain de notoriété de la moto qui porte son nom, mais Honda fait traîner les négociations et les rompt finalement le 25 avril 2012. On ignore encore qu'en 2006 le fabricant japonais a déposé sa propre marque "Deauville" pour la France et pour l'Europe, sans en faire la moindre publicité.
C'est cette déclaration qui lui permet d'assigner la ville de Deauville le 25 mai dernier devant le tribunal de grande instance de Paris "aux fins de déchéance de la marque française Deauville et d'annulation de la marque internationale de Deauville".
Honda estime en effet qu'il existe deux marques éponymes et qu’il n’y a plus "de licence de marque Deauville confiée à Honda pour exploitation" – intitulé du contrat signé entre le groupe et la ville –, mais "coexistence de deux marques éponymes, dont celle déposée par Honda". Nous voilà dans un débat juridico-commercial complexe soumis aux règles de fonctionnement de l'Institut national de la propriété industrielle.
Quoi qu'il en soit, la ville de Deauville soutient que les allégations de Honda sont "archi fausses" et que la marque a toujours été active.
Elle décide donc de contre-attaquer en juillet et demande au tribunal de grande instance de Paris "une saisie de contrefaçon au motif de l'exploitation d'une marque après la fin de contrat l'autorisant".
Le tribunal a ordonné un inventaire des motos "Deauville" au siège social d'Honda France et chez le plus gros vendeur français à Paris.
250 motos ayant été vendues entre avril et juillet 2012, la municipalité de Deauville demande 700 000 € le préjudice, soit une estimation de 5 % du prix de chaque moto vendue 8 000 € entre le 1er avril 2012 et la date du jugement.
L'Institut national de la propriété industrielle (INPI), organisme qui gère les droits des marques, recense 83 titulaires de la marque "Deauville" dans les différentes classes, parmi lesquels Honda Motor Co. pour la classe 12 (véhicules) et la commune de Deauville pour toutes les classes.
On trouve ainsi des cigarettes "Deauville", des couverts et de la vaisselle "Deauville", des parasols "Deauville" et même des barbecues "Deauville".