François Hollande a reconnu mardi la possibilité pour les maires hostiles au mariage homosexuel d'invoquer leur "liberté de conscience" afin de déléguer leur signature à des adjoints.
Devant le congrès des maires de France, le chef de l'Etat a évoqué pour la première fois la possibilité d'élargir le cadre dans lequel un maire peut déléguer ses pouvoirs d'officier d'état civil à un autre élu municipal.
"Les maires sont des représentants de l'Etat" qui doivent faire appliquer la loi, a-t-il rappelé.
Mais "la loi s'applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience", a-t-il dit. "Les possibilités de délégations existent et peuvent être élargies."
Ces propos interviennent alors que de nombreux maires ont manifesté leur réticence, notamment en Basse-Normandie à célébrer des unions entre personne de même sexe.
A commencer par le nouveau patron de l'UMP, Jean-François Copé. Fin octobre, il a annoncé qu'il ne célèbrerait pas de mariages homosexuels dans sa ville de Meaux, craignant "une déstabilisation de la société".
Rien qu'en Langedoc-Roussillon, un maire sur cinq refuserait de marier des homosexuels, selon un sondage du quotidien Midi Libre, publié le 7 novembre.
Une pétition en faveur d'un "droit de retrait" des maires, lancée en septembre par le maire d'Orange, Jacques Bompard (Ligue du Sud, extrême droite), avait recueilli mardi plus de 2.000 signatures d'élus.
Pourtant, jusqu'à présent, le gouvernement ne souhaitait pas les autoriser à déroger à leurs responsabilités. "Je ne conçois pas que l'on aménage le droit" sur cette question, déclarait encore la ministre de la Justice Christiane Taubira le 8 novembre sur France Inter.
"J'entends que des maires soient gênés (...) mais ils célèbrent les mariages au nom de l'Etat, ils ne peuvent pas s'y soustraire", avait-elle ajouté.
"Une brèche dans l'Etat de Droit"
Pour cette raison, les associations de défense des homosexuels se sont dites estomaquées des propos de François Hollande.
"C'est une expression inattendue", a estimé Nicolas Gougain, porte-parole de l'association Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans). "Je ne comprends pas comment on pourrait justifier qu'une loi ne s'applique pas de la manière partout sur le territoire de la République."
"On est un peu stupéfait", a renchéri Elisabeth Ronzier de SOS Homophobie, en évoquant un "très mauvais signe" et une "reculade" du chef de l'Etat.
De même, la sénatrice centriste Chantal Jouanno, favorable au projet de loi, a jugé que le président ouvrait "une brêche extrêmement dangereuse dans notre Etat de droit". "Qu'il y ait une liberté de conscience pour le vote au Parlement oui, pour l'application de la loi, non", a-t-elle ajouté sur Public Sénat.
A l'inverse, les opposants au mariage gay se frottaient les mains.
"Le mariage pour tous ne sera pas le mariage par tous!", s'est réjoui le député-maire UMP Patrick Ollier.
"Ce premier pas en arrière prend en compte quelque chose de légitime", a ajouté le maire du VIIIe arrondissement de Paris François Lebel (UMP) qui avait créé la polémique en déclarant que le mariage homosexuel ouvrirait la porte à la polygamie, l'inceste et la pédophilie.
Pour Alain Escada de l'institut Civitas, proche des catholiques intégristes, "ce premier recul de François Hollande prouve que la mobilisation en cours commence à porter ses fruits". Il a organisé dimanche à Paris une manifestation anti-gay entachée de violences.
La veille, une première manifestation avait réunis plus de 100.000 personnes dans plusieurs villes de France.