Le parquet a réclamé six mois de prison avec sursis ce mercredi à Coutances (Manche) à l'encontre d'Eric Vannier, le maire du Mont-Saint-Michel, dans l'affaire du départ des navettes. Jugement en délibéré au 27 février.
Eric Vannier, maire du Mont-Saint-Michel et patron des établissements Mère Poulard, comparaissait ce mercredi 30 janvier devant le tribunal de Coutances, en présence de son rival politique et commercial, Patrick Gaulois, qui l'accuse de "prise illégale d'intérêt".
A l'issue de l'audience, le procureur de la République a requis 6 mois de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende à l'encontre de M. Vannier, qui a tenté dans la matinée de convaincre les juges qu'il avait toujours défendu l'intérêt général, sous l'oeil attentif de son rival.
L'avocat de M. Vannier, Me Richard Valeanu, a estimé que ces réquisitions du procureur étaient "extrêmement lourdes".
Voir le reportage de Stéphanie Vinot et Joël Hamard
Bataille politico-économique
Eric Vannier est soupçonné d'avoir usé de son statut d'élu pour faire en sorte que le point de départ des navettes qui transportent les touristes de la côte au mont, se trouve devant ses établissements.
"J'ai vraiment défendu comme je l'ai toujours fait l'intérêt général", avec l'objectif "d'améliorer l'image du Mont", a martelé M. Vannier très volubile.
M. Vannier est maire du Mont-Saint-Michel depuis 1983 - à l'exception d'une interruption entre 2001 et 2008 - et y exploite une trentaine de commerces (80% sur le rocher et 20% sur la côte) pour 29 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.
Le procès fait suite à une plainte de M. Gaulois, 60 ans également, maire de 2001 à 2008, propriétaire de plusieurs établissements sur le rocher, partie civile avec son épouse.
Les deux rivaux se sont à peine regardés. La tension entre eux était palpable même si les débats sont restés courtois. Et la salle d'audience était quasi déserte, hormis les protagonistes et les journalistes.
Des touristes obligés de marcher
En filigrane du procès, le projet de retour à l'insularité du mont et la mise en place de navettes (en avril 2012) entre la côte et le célèbre site touristique ont longuement été évoqués devant les juges.
Le syndicat mixte du Mont-Saint-Michel, qui gère le projet, a choisi le 6 octobre 2009 de faire partir les navettes de la côte, à un endroit où se trouvent deux commerces de M. Vannier, plutôt que du parking où les touristes doivent se garer.
Ces derniers sont obligés de marcher 900 mètres.
Cette décision a "une incidence directe sur ses commerces" et "dès lors, M. Vannier n'aurait jamais dû participer à l'élaboration de cet acte", a argumenté le procureur de la République, Renaud Gaudeul, dans son réquisitoire.
Un choix que le président PS du syndicat mixte Laurent Beauvais a longtemps défendu par la volonté de maintenir les tarifs de l'accès au Mont-Saint- Michel à un niveau "raisonnable".
Mais face à la polémique suscitée par la marche imposée aux touristes, M. Beauvais qui préside aussi la région Basse-Normandie a annoncé fin octobre qu'il allait négocier avec Veolia, à qui le transport des touristes a été confié, pour rapprocher le point de départ des navettes du parking, la saison prochaine. Les discussions sont toujours en cours.
Des courriers à l'en-tête de la mairie
Le parquet avait annoncé le 26 octobre qu'il donnait suite à la plainte de M. Gaulois.
M. Vannier fait partie du syndicat mixte comme maire, et il a participé au vote du 6 octobre 2009 sur les navettes.
Mais auparavant il a envoyé "des courriers à l'en-tête de la mairie du Mont-Saint-Michel à diverses personnalités et notamment à des membres du syndicat mixte ayant pris ensuite part au vote", selon la citation.
M. Vannier a même écrit au président de la République de l'époque Nicolas Sarkozy, en 2008.
"Dans d'autres pays, j'aurais eu une médaille"
Pour l'avocat de la défense, qui a demandé la relaxe, une condamnation de M. Vannier pour prise illégale d'intérêt ouvrirait au contraire une "boîte de Pandore". "Faut-il dissoudre la commune du Mont-Saint-Michel parce que tous ses électeurs sont aussi commerçant ou agriculteur?", s'est-il interrogé.
"Dans d'autres pays j'aurais eu une médaille pour avoir défendu ce projet d'intérêt public. J'aurais préféré une meilleure reconnaissance que le tribunal", a déclaré M. Vannier devant des journalistes lors d'une suspension d'audience.
"M. Vannier n'est pas un commerçant comme les autres qui possède quelques boutiques", a de son côté souligné le procureur.
Le procureur a admis que la question de la prise illégale d'intérêt se posait aussi pour la période où M. Gaulois était maire et qu'il était possible qu'"il n'y en ait pas un pour rattraper l'autre". Mais les faits éventuels d'avant 2008 sont prescrits.
Le jugement doit être rendu le 27 février.