Trains bondés, retards, conditions de voyages : les usagers de la ligne Cherbourg-Caen-Paris n'en peuvent plus. Ils ont entamé une grève symbolique du titre de transport.
Depuis la rentrée, l'ambiance est à la grogne dans les "trains des travailleurs", ces trains qui assurent, matin et soir, le transport des voyageurs entre la Basse-Normandie et la capitale.
La ligne Paris-Cherbourg est fréquentée chaque jour par 7000 usagers, dont 2000 abonnés.
Jusqu'au 30 novembre, certains ont décidé, face à ce qu'ils qualifient de "dégradation du service", de manifester leur mécontentement auprès du contrôleur. Au lieu de présenter leurs titres de transport, ils présentent un billet factice sur lequel est écrit "abonné en grève".
Une action symbolique, car bien entendu il n'est pas question de se dispenser d'acheter son titre de transport et de se mettre en infraction.
L'objectif est d'engager la discussion et de parler des problèmes. Les contrôleurs sont plus ou moins compréhensifs.
Des retards qui mettent sur les nerfs
Depuis 2008, les usagers de notre région ont leur association, l'UDUPC (l'Union des Usagers de la ligne Paris Cherbourg). Elle compte 155 adhérents, en grande majorité des abonnés, des habitués de la ligne. Beaucoup d'entre eux font le trajet quotidiennement.Et ces voyageurs sont fatigués, et en colère. Car selon eux, le service se dégrade depuis plusieurs semaines. Les trains sont de plus en plus souvent en retard. 10, 20, 30 minutes, et parfois même une heure ou deux.
Les usagers ratent leur correspondance, courent dans le métro, arrivent en retard au bureau, rentrent plus tard chez eux. "Ces retards ont des implications dans la vie professionnelle et personnelle", explique Frédérique Lacour, la présidente de l'Udupc. "Vous êtes en retard, ça n'est pas votre faute mais dans votre entreprise, vos collègues ne se souviendront que d'une chose, c'est que tel jour vous êtes arrivés à 11 heures au lieu de 9 heures. A la longue, on vous voit comme une personne non fiable, cela peut conduire à ce qu'on ne renouvelle pas votre CDD, ou qu'on ne vous donne pas de promotion", se désole la présidente de l'udupc, qui elle-même fait le trajet tous les jours entre Caen et Paris.
L'association fait ses propres statistiques de trains en retard et les publie sur son site internet.
Des voitures fantômes
Autre revendication : que les rames soient complètes. En principe, une rame SNCF (un train donc) est composé de 10 voitures, huit pour la deuxième classe, deux pour la première classe.Mais depuis l'été, selon l'association, les rames ne comptent pas toujours 10 voitures, mais 9, voire 8. Résultat : les voyageurs sont debout, ils s'entassent dans les couloirs et les plate-formes. Il arrive même que certains aient fait une réservation pour une voiture .. qui n'existe pas !
"Je vous laisse imaginer l'ambiance que ça met dans les trains, tout le monde est épuisé, physiquement et moralement", témoigne Frédérique Lacour.
Parfois, le confort promis n'est pas au rendez-vous. "On attend de la SNCF qu'elle fasse rouler des voitures avec un chauffage ou une climatisation qui fonctionne, de l'électricité, des toilettes utilisables. Hélas, ça n'est pas toujours le cas", poursuit-elle.
La direction de la SNCF reconnaît les difficultés
Les responsables de l'association ont été reçus fin octobre par le responsable de la ligne, le nouveau directeur délégué des lignes Intercités Normandie, Tristan Rouzes. Ce dernier a reconnu les difficultés sur la ligne normande. "Ces trois derniers mois la qualité du service sur cette ligne n'est pas au niveau que nous souhaitons", écrit-il dans un courrier adressé à la présidente de l'Udupc.
A propos des voitures manquantes dans les rames : "Nous avons été confrontés depuis mi-août à une tension sur les opérations de maintenance du matériel roulant, qui s'est traduite par un non-respect des compositions de train", explique le responsable de la ligne.
L'explication viendrait du nombre important de voitures en panne ces derniers mois dans le parc de Normandie. Et du fait que le mauvais état de ces voitures n'ait pas été signalé suffisamment en interne.
Les difficultés ont été aggravées par des travaux en gare Saint-Lazare à Paris, début novembre, qui ont limité la composition des trains à 9 voitures. Ce qui a entraîné des "difficultés de prise en charge des voyageurs", qui se sont traduites par des retards.
Autre cause des retards : "le très important volume de travaux sur cette zone", et "des causes liées au réseau".
Enfin, selon Tristan Rouzes, un quart des retards est dû à des causes externes à la SNCF, comme l'augmentation du nombre "d'accidents de personnes" (terme pudique pour évoquer les suicides ou tentatives de suicide sur les voies).
Monsieur Rouzes, qui a pris son poste en septembre, a assuré que ses équipes étaient mobilisées à 100% pour améliorer le service et diminuer les incidents sur cette ligne. Une réunion doit être organisée avec "les clients de la ligne" très prochainement, promet-il.
En attendant, l'association a rendez-vous avec plusieurs parlementaires bas-normands pour faire remonter les problèmes rencontrés sur cette ligne. Plusieurs députés, de gauche ou de droite, eux-même usagers du train, seraient prêts à défendre la cause des abonnés du Paris-Cherbourg.