La France en compte 10 700. Les marchés alimentaires proposent des produits locaux, frais et variés au moment où les Français privilégient les circuits courts. France 3 Normandie vous propose une promenade sur les marchés de la région, avec leurs spécificités et leur ambiance.
"Cela fait des années qu'on connaît ! On est venus ici pour prendre du lapin." Poules, coqs, lapins, cailles, pigeons ou encore oiseaux d'ornements... Comme Thierry et Patricia, si vous cherchez des animaux de basse-cour, c'est à Buchy, en Seine-Maritime, que vous trouverez !
Des animaux vivants
Avec Gournay-en-Bray et Le Neubourg, c'est l'un des derniers marchés où l'on vend des animaux vivants. "Quand j’avais 12, 13 ans, avec ma maman, on habitait sur le plateau de Boos et on venait ici acheter des poulets pour les élever", se souvient Jean-Marc Duboc.
À 78 ans, Emile Auvray vend ses lapins à Buchy depuis plus d’une vingtaine d’années. Chez lui, à Bellencombre, il en élève une centaine, pour arrondir ses fins de mois de retraité. Ce marché, c'est surtout une petite sortie hebdomadaire pour lui.
Plutôt que de vous isoler tout seul, là vous avez des points de repère, des gens avec qui prendre un café. C’est la vie tout simplement ! Quand il y a un temps pourri je ne vends rien, je remets tout dans la camionnette et je pars.
Emile Auvray - Retraité, vendeur de lapins
Le marché des animaux vivants de Buchy en perdition
Pour d'autres, la situation est plus sérieuse. Aux côtés des vendeurs particuliers et retraités, Jean-Christophe Dubois est le dernier éleveur professionnel au marché de Buchy.
Lui produit 1 800 volailles toutes les trois semaines. Il a repris l'emplacement qu'occupait son père avant lui, mais l'affluence d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celle d'autrefois.
"J’ai connu des camions de volailles partir entièrement, et puis là, on voit que ce n'est plus ça. Encore quelques années, et je pense que ce sera terminé la volaille", prévoit-il.
Lui aussi connaît bien ce marché. Sylvano Toquart, le placier, chargé des encaissements, a vu la situation se dégrader ces dernières années. "On a perdu des exposants, par rapport à tous ces épisodes de grippe aviaire et tout le reste... On a eu l’épisode Covid aussi qui a été très compliqué pour certaines entreprises, et malheureusement, on perd des commerçants."
Aujourd'hui, ils sont moins d’une dizaine à proposer des animaux de basse-cour à Buchy. Confrontés à la concurrence des animaleries et des élevages industriels qui désormais vendent aussi leurs poules de réforme, ces commerçants font de la résistance.
À Luneray, le marché comme lieu de rencontres
Les marchés sont aussi des lieux de rencontre pour les habitants. Si les commerces de bouche résistent encore grâce notamment à la production locale, certains exposants ont plus de difficulté.
C'est le cas l'hiver quand la météo n'est pas clémente. C'est elle qui conditionne le nombre de clients, le volume d'affaire, l'humeur et même l'ambiance.
Et pourtant, pas de quoi faire reculer les moins frileux comme Eric Colsenet, ostréiculteur.
"On ne pouvait pas ne pas être là. C’est à 10 km de la plage de Veules-les-Roses donc il fallait que l'on soit présent sur ce marché. Il y a un peu de moins de passage mais on garde notre clientèle habituelle. Les gens viennent chercher leurs produits, malgré le temps."
Il y a les clients habitués... et les commerçants ! Marie-Jo Georges est présente sur cinq marchés chaque semaine. La crémière participe au marché de Luneray le dimanche depuis cinq ans. Et elle est bien connue ici ! "Il y a beaucoup de gens qui m’appellent par mon prénom."
L’avantage le marché le dimanche, c’est un marché familial. Les gens viennent beaucoup plus en famille qu’en semaine. Là, les gens viennent un peu moins parce qu’il ne fait pas beau, mais l’été oui, beaucoup !
Marie-Jo Georges - Crémière
"Si c’est un client fidèle, on peut faire un petit geste"
Pour les habitants, le marché leur permet de retrouver des commerçants que l'on ne verrait pas forcément en ville.
"Le dimanche, je viens toujours acheter quelque chose. Ça, ce sont des pensées pour mettre au cimetière. Je les rempote après dans des gros pots et puis je les porte au cimetière", explique Henri Thomassin.
Très souvent les clients négocient au marché. Théo Periers, horticulteur, le constate. "Le monde devient dur. Tout le monde négocie. Si c’est un client fidèle, on peut faire un petit geste, mais pas sur tout…"
À la mercerie aussi, les temps sont durs. La famille de Danielle et Valéry tient ce commerce depuis plus de 50 ans, sur les marchés du Pays de Caux.
Depuis quelque temps, le couple s’est diversifié dans la vente d’articles manufacturés. Les boutons, les rubans, les galons ne font plus recette. "Notre clientèle varie en général de 45 à 80 ans mais les jeunes sont très rares", explique Valéry Cadot.
Le couple sait déjà qu’il n’aura pas de repreneur. Dans quelques années, sa petite mercerie fermera définitivement.
Val-de-Reuil, un marché qui s'adapte au pouvoir d'achat
Contrairement aux idées reçues, les marchés ne sont pas toujours plus chers que les supermarchés. À Val-de-Reuil dans l'Eure, c'est le cas. Ce marché se déroule le vendredi après-midi.
Ici 73 nationalités vivent ensemble. Une ville cosmopolite et populaire où beaucoup ont leurs habitudes, et depuis longtemps, à l'image de Samy, le pizzaïolo. "Je suis né ici, je suis né à Val-de-Reuil. Même en étant tout jeune, on faisait le tour du marché avec ma mère pour faire le plein de courses. Ensuite, plus les années ont passé, plus j’ai fait le tour du marché avec des amis. Et maintenant, je suis installé ici pour vendre mes produits !"
Sylvie et son mari Alain font le marché de Val-de-Reuil depuis 17 ans. Maraîchers à Martot, ils sont les seuls producteurs locaux du marché. "L’été, les gens viennent pour acheter 40, 50 kg de tomates pour une famille."
La négociation, tradition du marché
Les autres commerçants sont des revendeurs et pratiquent des prix bas. Cela permet d'attirer les clients sur ce marché. Ici, le pouvoir d'achat des habitants est limité, et les exposants en tiennent compte.
Cette entraide, Mohamed le poissonnier, en tient compte. Au moment de payer, une cliente est un peu juste.
Il y a deux solutions : c’est soit je lui retire une dorade, elle va se retrouver avec une, elle va payer 10 euros. Elle va rentrer à la maison et je sais qu’il n’y en aura pas assez.
Mohammed Jahed - Poissonnier
"La cliente était super contente, elle m’a dit 'Ne t’inquiète pas Mohamed, la semaine prochaine, je viens', explique le commerçant. Donc je suis sûr qu’elle va venir, et ça me pose aucun problème parce que les gens je les connais, et ce sont des gens très sérieux."
Avec une très jeune population, le marché hebdomadaire de Val-de-Reuil a encore de beaux jours devant lui.
L'un des plus beaux marchés de France est à Dieppe
Il fait partie des plus beaux marchés de la région, et même de France. Le marché de Dieppe est le point de convergence de la ville et même au-delà !
Lieu de rencontre, espace d'expression et de liberté, le marché s'étend sur plus de deux kilomètres entre la Grande Rue, la rue Saint-Jacques et la Place Nationale.
220 exposants sont là chaque semaine, dont Eric. Depuis 20 ans, il est accompagné par son fils Pierre. Ensemble, les maraîchers d'Angiens proposent leurs fruits et légumes de saison.
"C’est un marché historique. L’avantage de ce marché, c’est que par tous les temps, qu'il neige, qu’il vente, qu’il pleuve, vous avez du monde. Et c’est un marché de producteur", explique Pierre Roussel.
On voit toujours les mêmes, les gens discutent entre eux. On a réussi à maintenir un contexte social, ce n'est pas 'je vous prends dix balles, et au revoir madame'.
Eric Roussel - Maraîcher
Hervé et Caroline apprécient aussi cette ambiance. Chaque samedi, ils vendent systématiquement la totalité de leurs volailles.
Depuis dix ans, la renommée de leurs produits a dépassé les frontières dieppoises. "On a des parisiens qui viennent pour les week-ends et qui font leurs courses ici", explique-t-elle.
La réputation du marché de Dieppe est due au poisson, et en ce moment, la Saint-Jacques. Toute la semaine, Paquita vend la pêche d'un bateau, à côté sur le port.
Le samedi, c'est son petit bonus. "Le marché du marché samedi matin, cela attire vraiment du monde. C’est le petit rituel de la semaine d’aller faire ses courses au marché le samedi."
C’est le bonheur. Même si je n'ai besoin de rien, il faut que je vienne au marché. Il y a du monde, on rencontre des amis, on se boit un petit café... C’est d’ailleurs pour ça que j’ai loupé mon bus de 10h30, mais ça ne fait rien !
Liliane King - Cliente
Le marché : un moment convivial
Le marché est aussi un prétexte pour savourer les petits moments de la vie. Illustration avec quatre amies venues de Beauvais. Elles ont trouvé le bar, au cœur du marché.
"Si on pouvait le faire tous les jours, on le ferait ! On a décidé il y a un mois de partir entre copines. Pas de mecs, pas de maris, personne !", s'amuse Denise.
Des derniers achats chez le charcutier et il est déjà temps de partir ! Treize heures, l'heure de remballer pour les exposants.
Le temps passe vite, c'est la fin du marché. Ils reviendront, comme chaque semaine, servir leurs habitués et les curieux de passage.