En 2018, Marie-Agnès Gillot, célèbre danseuse étoile, met fin à une exceptionnelle carrière à l’Opéra de Paris. Pour la danseuse normande, il était hors de question de raccrocher ses chaussons. Aujourd’hui installée à Houlgate, elle transmet sa passion grâce à son école de danse et continue, bien sûr, à danser. Une occasion de revenir sur son parcours, depuis ses premiers entrechats en danse classique à Caen il y a 40 ans.
"Pliez, demi, pointe, tendu !" C'est sous l'œil expert et attentif de la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot que des petites danseuses au chignon bien serré évoluent avec grâce. En novembre dernier, cinq ans après avoir fait ses adieux à l'Opéra de Paris, Marie-Agnès Gillot a ouvert sa propre école de danse à Houlgate, dans le Calvados.
Houlgate a son étoile
"C'est ma ville et j'ai la chance que la mairie ait créé ce studio de danse. C'est un truc de fou : exprès pour moi !". Ses petites élèves n'en reviennent pas d'avoir pour professeure celle qui a interprété les plus grands rôles et travaillé avec la crème des chorégraphes.
C'est une chance incroyable, on progresse beaucoup.
Lisa, élève de M.A Gillot
C'est lors de la pandémie de Covid-19 que Marie-Agnès Gillot a renoué avec ses racines normandes. Elle a fini par s'installer définitivement dans la propriété qui appartient à sa famille depuis cinq générations. Comme elle l'explique : "J'ai appris à nager ici et c'est un beau cadre de vie pour mon fils. C'est un beau challenge de m'installer ici."
Et c'est là qu'elle transmet sa passion, son rêve de petite fille, elle qui a commencé la danse à cinq ans. "Moi, j'aime démocratiser la danse, ouvrir des portes, j'aime donner ! Un professeur enseigne le vrai chemin d'un mouvement, le parcours sans tricher". Elle ajoute avec malice : "Ce n'est pas une volonté de repérer des talents, mais s'il y en a un qui passe devant mes yeux, je ne vais pas le rater !"
"Je levais les jambes tout le temps, j'ai même cassé une télé !"
Marie-Agnès Gillot, née à Caen il y a presque 50 ans, a toujours voulu être danseuse. "Je marchais sur demi-pointes depuis toute petite, ma mère a dit, je n'en peux plus, je te mets à la danse". Elle a cinq ans, et c'est là que tout commence. C'est au studio de Chantal Ruault, niché sous les toits caennais, qu'elle fait ses premiers pas dans la discipline. Sa professeure va déceler chez elle des qualités exceptionnelles. À seulement neuf ans, Marie-Agnès est admise à l'Opéra de Paris. "C'était quand même très dur, je montais seule en train à Paris, on était dans un foyer au-dessus de Saint-Lazare".
Et là, elle découvre "une machine à broyer les faibles". "La première année, j'ai vraiment eu une peau de vache... c'était sévices sur sévices, il fallait tenir". Elle avoue avoir tenu aussi grâce à son socle normand. Quadrille, coryphée, sujet et enfin première danseuse à 24 ans, Marie-Agnès s'épanouit. Décrochant le Graal enfin à 28 ans, elle est nommée danseuse étoile, le titre le plus prestigieux de cette discipline en dansant une œuvre contemporaine de Carolyn Carlson. "ça a été le premier choc de ma vie, une joie inimaginable !"
La fin de ma carrière : on peut parler d'un deuil !
Maurice Béjart déclarait sur France 2 en 2014 : "Nommez-la étoile, c'est la meilleure que vous ayez et, enfin, ils se sont décidés !". Marie-Agnès Gillot a enchaîné les rôles exceptionnels et dansé pour les plus grands chorégraphes : Roland Petit, Angelin Preljocaj, Pina Bausch, Rudolf Noureev, Maurice Béjart...
Brigitte Lefèvre, directrice de l'Opéra de Paris, la décrit à Libération en 2012 comme "quelqu'un de complexe, à la fois dans le doute et dans l'assurance". C'est peut-être cette dualité qui lui a permis de tout jouer, mais aussi de devenir chorégraphe et s'intéresser à tous les styles de danse. "J'ai appris au fur et à mesure à me laisser prendre par le contemporain, à aimer cette forme de danse plus actuelle, peut-être plus universelle."
Le 31 mars 2018, Marie-Agnès Gillot tire sa révérence à l'Opéra de Paris en dansant Orphée et Eurydice sous la houlette de Pina Bausch. Vingt minutes d'ovation, beaucoup d'émotions teintées de tristesse : "J'ai fait monter sur scène les gens qui me sont proches, parce qu'une carrière est aussi sur les épaules de ceux qui aident derrière". "Quand on a été 33 ans dans cette maison, c'est toute une vie... on n'est pas préparé, on s'arrête direct et on se prend une porte, c'est un vrai deuil !".
"L'Opéra de Paris, ma grande histoire d'amour"
L'étoile est loin d'avoir dit son dernier mot. Marie-Agnès Gillot s'investit, parallèlement à son école d'Houlgate, dans différents projets qui lui permettent de briller encore sur scène. Et la vie est bien faite, puisque les répétitions de son spectacle solo se passent dans les studios de son cher Opéra de Paris. Elle y est chez elle, là où elle a usé ses fonds de justaucorps...
"J'aime bien revoir les gens du métier : les habilleuses, les techniciens, les gens de la cafétéria... On a tous des cheveux blancs et des lunettes, mais sinon, on n'a pas bougé ! C'est comme les grandes histoires d'amour et d'amitié, on revient et ça repart là où on en était, comme en 40 !"
Houlgate, son équilibre
Marie-Agnès ne reste jamais très longtemps dans la capitale. Elle a posé ses bagages à Houlgate, sur la côte normande et compte bien y rester. "J'ai eu une vie tellement frénétique que j'aime ce calme. Ici, on se pose. Tout est grandeur nature, pas démesuré." "C'est super beau, Houlgate est une ville gracieuse". Et en matière de grâce, on peut la croire sur parole.