Des coups de pioches sur des terrains de golf, des pneus de véhicules type SUV retrouvés dégonflés ou encore une fausse alerte à la bombe à l'aéroport de Caen-Carpiquet. Ces actions, dans le Calvados notamment, seraient menées par des militants écologistes. L'un d'entre eux nous explique ces faits. Il a souhaité garder son anonymat.
Un trafic aérien totalement interrompu, des avions déviés, des voyageurs évacués, des forces de l'ordre et démineurs mobilisés et des kilomètres de bouchons à la sortie du site. Vendredi 17 novembre, 2023 une fausse alerte à la bombe est lancée à l'aéroport de Caen-Carpiquet.
Dans un courrier anonyme parvenu, la nuit précédente, à la rédaction de France 3 Normandie,"des militants écologistes français" revendiquaient une intrusion dans l'enceinte de l'aéroport : "Des explosifs ont été déposés autour du tarmac et seront déclenchés à 12h00. Nous vous laissons le soin de prévenir les forces de l'ordre et la direction de l'aéroport pour que les dégâts ne soient que matériels.". Vérification faite, le doute est levé.
Des actions pour susciter le débat
Un militant écologiste que nous avons joint par téléphone, mais qui souhaite rester anonyme et taire le nom de son collectif, nous explique : "Ça peut paraître spectaculaire, mais en réalité, c'est un moyen de nous faire entendre. Le but n'est pas de déranger le public ou de les mettre en danger. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un débat, une prise de conscience".
Ce jour-là, dans leur courrier, les signataires estiment que "la planète souffre". Pour eux, une "diminution du trafic aérien est essentielle". Ils préviennent aussi qu'un message a été écrit "sur le tarmac". En effet, sur le goudron, on peut lire : "Stop avions".
Pour le militant écologiste : "L'avion est le moyen de transport le plus polluant, il a un vrai coût écologique. Il participe largement aux émissions de gaz à effet de serre. À Caen, les avions desservent de petits trajets type Caen-Marseille ou Caen-Lyon. Ce sont des trajets qui pourraient être effectués par le train. Et puis, la plupart des voyageurs empruntent ces lignes pour le travail alors qu'une partie pourrait télétravailler. C'est un business qui entretien une économie et qui ne cherche en rien l'intérêt commun. C'est ce qu'on appelle la mondialisation. L'État sponsorise ces déplacements en avion !" lance ce dernier. Il ajoute :
"Vu l'état écologique de notre planète, on ne va pas dans le bon sens! Et on veut faire comprendre ça aux gens à travers ces actions !"
Un militant écologiste
Cette action n'a pas officiellement été revendiquée par un collectif. Mais ces derniers mois, d'autres actions ont également été menées par des activistes. Début septembre, deux golfs normands, ceux de Caen et Vire, ont été vandalisés. Plusieurs greens ont été attaqués à la pioche. Plusieurs slogans comme "Stop golf" et "Eau secours" y ont été tagués à la bombe, soit sur des draps blancs, soit à même le gazon.
"Parfois, on peut se tromper de victime"
C'est le collectif nommé "La Ronce" qui a revendiqué ces actions dans une lettre déposée à nos confrères de Ouest-France à Caen. Ils expliquent avoir "jardiné" les deux golfs "afin de dénoncer l’accaparement des terres et de l’eau, ainsi que la pollution des sols et des eaux, pour le loisir de quelques privilégiés".
Les dégâts sont impressionnants et se chiffrent à plusieurs milliers d'euros. À l’époque, dans un post Facebook, le gérant du golf virois répond : "Nous sommes un golf zéro phyto, l’école de golf débute à 80 euros l’année et nous n’arrosons que le strict minimum".
Pour notre militant écologiste : "C'est vrai que parfois, on peut se tromper de victimes, mais c'est compliqué pour nous d'atteindre directement les responsables qui polluent notre planète. Les grands patrons, les grands actionnaires sont inaccessibles, protégés".
"On est assez impopulaire. Si on mène des actions directement sur leurs structures, on va être pointé du doigt et être considérés comme des éco-terroristes".
Un militant écologiste
Les activistes préfèrent donc plutôt se lancer dans des "actions de désobéissances civiles". Mercredi 15 novembre 2023, la police a reçu une dizaine de signalements pour des pneus dégonflés à Caen. Des roues qui équipent des voitures type SUV (Sport Utility Vehicle).
Là aussi, c'est un acte militant se cacherait derrière. En effet, dès qu'un véhicule est pris pour cible, les coupables laissent le même message, imprimé sur du papier "Attention, votre SUV tue !". Et précisent : "Nous faisons cela, car, conduire un véhicule de cette taille est particulièrement néfaste. Vous pouvez vous déplacer sans conduire un tank, en marchant ou à vélo, ou en transports publics. Votre SUV est hybride ou électrique ? Peu importe, sa taille et son poids engendrent un coût environnemental démesuré".
Ne pas culpabiliser mais responsabiliser
"C'est une action connue par chez nous" explique le militant. "On ne veut pas culpabiliser les personnes qui utilisent un SUV, on veut les responsabiliser, sensibiliser encore une fois. Ce sont des véhicules qui polluent, les pièces sont construites à l'autre bout du monde, et sont parfois non recyclables. Il y a de vraies conséquences qu'on paie aujourd'hui. On constate une extinction massive de 70% des insectes et 30% des oiseaux. Nous, on est contre la mort !".
Pour lui, ces actions sont minimes et sans grandes conséquences pour les personnes qui en sont victimes : "Rien n'est dégradé, on dégonfle juste les pneus. Ça fait perdre du temps aux gens mais ça n'est en rien dangereux. On veut juste attirer l'attention et encore une fois créer le débat".
Des actions pas sans conséquences
Des propos qu'une source policière, qui souhaite, elle aussi, rester anonyme, veut nuancer : "Certes, au premier abord, dégonfler une roue, ça n'a l'air de rien. Mais en réalité, ça peut être une mise en danger de la vie d'autrui. Si le conducteur ne s'en rend pas compte tout de suite et qu'il se met à rouler à 50 ou 60 km/h et que la roue éclate, ça peut être très grave".
Et de ce qui est de la fausse alerte à la bombe, le policier est clair : "Un aéroport est une zone protégée. Il y a eu une intrusion dans un lieu privé. De plus, des vols ont été déviés avec des conséquences pour les voyageurs et les compagnies aériennes. Sans oublier que démineurs et forces de l'ordre ont été mobilisés alors qu'on a autre chose à faire ! Ce n'est pas une action sans conséquences. La ou les personnes qui ont fait ça risque gros" prévient ce dernier.
Une enquête a été ouverte, elle a été confiée à la police judiciaire de Caen.