Cet après-midi, les femmes d'agriculteurs du Bessin ont manifesté pour la première fois en soutien à leurs maris ou compagnons. Elles ont monté un collectif qui s'appelle " Les foulards noirs " pour apporter leurs paroles de femmes sur la crise.
" Nous avons appelé notre collectif " les foulards noirs" , foulards en référence aux femmes paysannes qui jadis portaient un foulard dans leurs cheveux et noirs...parce que nous sommes en deuil". Face à la crise qui secoue le monde agricole, les femmes à leur tour entrent dans la danse. Le mouvement part du Bessin, autour de Bayeux. " Aujourd'hui, c'est mon salaire seul qui fait vivre toute la famille, qui permet de nous nourrir, de permettre aux enfants de participer aux activités scolaires par exemple", explique Peguy Morieult qui travaille à l'extérieur de l'exploitation. Un cas de figure désormais ultrarépandu. La nécessité économique, couplée à l'émancipation féminine, a ces dernières décennies installé ce modèle. Un modèle très différent des générations précédentes où " la femme travaillait à la ferme mais dans l'ombre du mari', explique Michel Granger, agriculteur à la retraite à Vaubadon et dont la fille Astrid a repris l'exploitation.La peur du suicide, le poids de la lignée
Si ces femmes sortent de l'ombre aujourd'hui, créent une page Facebook, organisent leur premier défilé, c'est disent-elles parce que " la situation n'est plus tenable". Entre les lignes, à mots couverts, elles font part de leurs angoisses : " ma crainte, c'est que le téléphone sonne et qu'on nous dise qu'untel s'est suicidé, à bout...". Depuis le début de la crise, plusieurs agriculteurs ont mis fin à leur jour, "encore plus que d'habitude" . Elles sont nombreuses à mettre le nez dans les trésoreries, ne veulent pas ignorer la situation, veillent au grain: " Je ne veux pas découvrir du jour au lendemain que nous n'avons plus rien", raconte l'une d'entre elles." Ce qui est dur à gérer pour nos maris et compagnons, c'est le poids de la lignée, leurs grands-pères ont fait tourner la boutique, leurs pères aussi et avant eux, parfois des générations et des générations...Du coup, la pression n'est pas seulement économique"
Libération de la parole
" Nous voulons juste vous expliquer notre vie, peut-on-lire sur la page Facebook des Foulards noirs. " Le mouvement de nos maris et compagnons ne passe pas toujours bien dans l'opinion, nous voulons porter leurs paroles autrement et aussi parler avec la population, expliquer que d'autres modes de consommation peuvent avoir des répercussions sur nos vies de familles... Nous sommes tous liés les uns aux autres" . Cet après-midi, à 14 heures, les Foulards noirs ont battu pour la première fois le pavé à Bayeux.