Bruno vit à Merville-Franceville (14). Parti à la mi-mars au Sénégal, il attend de pouvoir regagner la France et ses proches. Depuis trois mois, ses vols sont successivement annulés. Résultat : une vie familiale et professionnelle bouleversée.
Bruno s’est envolé pour Dakar le 15 mars 2020. Ce quadragénaire d’origine camerounaise a longtemps vécu au Sénégal. Il n’a jamais connu son père et il a perdu sa mère à l’adolescence. En Afrique de l'ouest, il a conservé des attaches avec sa « famille de cœur » à qui il rend visite régulièrement.
Au départ, son escapade devait durer neuf jours. Mais depuis trois mois, Bruno attend désespérément de retrouver sa compagne et sa fille à Merville-Franceville, dans le Calvados. Impossible pour lui de quitter le Sénégal en raison de la crise sanitaire et de la fermeture des frontières.
7 annulations de vols en 3 mois
« Bruno pète un plomb ! », lance Marie pour décrire l’état d’esprit de son conjoint. Au mois d’avril, l’ambassade encourage le Français bloqué en Afrique à acheter un billet d’avion avec Air France. « Les prix étaient exorbitants ! », se souvient la compagne de Bruno restée à Merville-Franceville. Le tarif était dix fois plus élevé que celui du billet dont il disposait. Il avait déjà déboursé 200 euros, pas question de payer un retour à 2 000 euros. Elle précise : « Royal Air Maroc nous assurait une date de départ. On y croyait.». Bruno ne suit pas le conseil. Erreur.
L’entreprise marocaine de transport n’a cessé de reporter les vols. Le quadragénaire devait quitter le Sénégal le 21 juin prochain. Mais son départ a été annulé pour la septième fois .
J’espère voir Bruno revenir le plus tôt possible, mais je n’y crois même plus. Je n’ai plus d’énergie.
« Pendant le confinement, ça pouvait encore s’entendre mais au bout de trois mois, ça m’interpelle », remarque Olivier Paz, maire de la commune de Merville-Franceville. Dans un tweet, l’élu interroge le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian : « La France ne peut pas faire mieux ? ». Pour lui, l’Etat « n’a pas été à la hauteur pour rapatrier des Français qui se trouvaient à l’étranger pour des raisons professionnelles ou familiales ».
Depuis le mois de mars, Bruno, un habitant de @MervilleFrPlage bloqué au Sénegal attend de pouvoir regagner la France et sa famille. Son vol de retour vient, pour la septième fois, d’être annulé. @JY_LeDrian après plus de 100 jours, la France ne peut pas mieux faire ?
— Paz Olivier (@paz_olivier) June 18, 2020
Marie a décidé d’agir par ses propres moyens. « J’espère voir Bruno revenir le plus tôt possible, mais je n’y crois même plus. Je n’ai plus d’énergie », confie la Calvadosienne. Son compagnon a toujours son billet retour avec Royal Air Maroc. Mais désormais, il est prêt à prendre n'importe quel autre vol pour rejoindre son pays et ses proches. Le sort s'acharne : aucune réservation, toutes compagnies confondues, n’est possible avant le 1er août.
Une fillette loin de son père
« Mon petit poussin vit très mal l’absence de son papa », s’émeut Marie, qui partage la vit de son conjoint depuis 13 ans. Ses journées de travail sont longues. Habituellement, la petite fille de six ans passe beaucoup de temps avec son père. A la maison, son absence se fait sentir.
Au quotidien, Marie peut compter sur ses parents pour garder sa fille et lui faire quelques courses. « Heureusement, ils sont là pour qu’on souffre le moins possible financièrement », admet-elle.
C’est foutu ! Entre le confinement où je n’ai rien vendu et mon compagnon qui perd son entreprise : c’est la totale !
Son entreprise met la clef sous la porte
Après avoir été militaire de l’armée française pendant douze ans, Bruno s'installe comme autoentrepreneur à Mondeville, dans le Calvados. Après trois mois d’absence loin de son bureau, la société n’a pas résisté. Il met la clef sous la porte.
« On a tout perdu et tout le monde s’en fiche », s’insurge sa compagne. Remontée, elle ne comprend pas l’inaction des autorités. Elle est résignée. « J’ai l’impression qu’on a été oublié », se désole-t-elle.
Marie est commerçante dans la commune balnéaire de Merville-Franceville. « C’est foutu ! Entre le confinement où je n’ai rien vendu et mon compagnon qui perd son entreprise : c’est la totale ! », s’inquiète-t-elle.