Dans le centre-ville caennais, l’établissement L’Escobar est sur le point d’ouvrir ses portes. Ce bar à thème, à la gloire du narcotrafiquant, indigne des Colombiens. Une pétition est en ligne pour réclamer un changement de concept.
« Je suis en colère ! C’est un manque total de respect pour notre pays. » Angélica est outrée et blessée. Colombienne originaire de Bogota, elle a signé la pétition pour dénoncer le concept de L'Escobar à Caen (14). Cet établissement est à l’effigie du trafiquant de drogue Pablo Escobar.
« La rage » des Colombiens
Le collectif Colombia Indignada est à l’origine de cette pétition, lancée le 11 juin 2020 sur la plateforme change.org. Soutenus par près de 200 signataires, ces Colombiens dénoncent la volonté de faire « l’apologie d’un fléau social et économique » et de « banaliser une des périodes les plus violentes et tragiques » pour leur pays.
Angélica et son compagnon Samuel tiennent un blog Mon voyage en Colombie. Leur objectif ? Faire disparaître les clichés sur le pays et « montrer tout ce qui fait sa richesse », détaille-t-elle. « Un bar comme celui qui ouvrira à Caen, ça me blesse, ça me met la rage au cœur », reconnaît la jeune femme à l’accent espagnol. L'ouverture d'un club parisien avait aussi fait polémique en novembre 2018. Sur son blog, le couple avait alors dit « stop aux clichés » et au « concept morbide ».
On ne fait pas l’apologie d’un terroriste.
Un bar à thème
« On ne fait pas du tout l’apologie d’un terroriste. On parle du personnage de Pablo Escobar, on n’est pas politisé », se défend le gérant de L'Escobar, Thibault Pieplu. Ce bar-brasserie-pub installé à Caen rue des Jacobins, n’a pas encore accueilli de clients. Pourtant, il fait déjà parler de lui. Pour l'exploitant, « c’est disproportionné ».
L’appellation « L’Escobar », c’est avant tout parce que « le jeu de mot sonnait bien », explique Thibault Pieplu. L’idée est de proposer un « bar à thème et un lieu festif », précise-t-il.
Portrait de Pablo Escobar peints sur les murs, musique latino, cocktails à base de rhum… Les références au narcotrafiquant sont nombreuses, notamment sur les réseaux sociaux de l’établissement. Les serveurs y sont appelés « hommes de main » et le bar est désigné sous le nom de « Cartel de Medellín ».
« On joue le concept jusqu’au bout », lance le gérant. Des allusions qui ne sont pas vraiment de bon goût pour le couple franco-colombien. « Comment les gens peuvent-ils jouer à Pablo Escobar ? », s’insurge Angélica.
L’histoire de mon pays a été racontée comme une anecdote amusante proche de la fiction, qui en réalité a fait beaucoup de souffrances et de morts.
Thibaut Pieplu ne s’en cache pas, il surfe sur la tendance : « la série Narcos sur Netflix a fait un carton ». La Colombienne Angélica dénonce cet « effet de mode vendeur ». Elle insiste : « Pablo Escobar n’est pas un personnage de fiction ».
Avis partagé par la Colombienne Paula, qui prévoit de s’installer à Caen prochainement. Pour cette signataire de la pétition, « divertir sans éduquer » n’a pas de sens. « L’histoire de mon pays a été racontée comme une anecdote amusante proche de la fiction, qui en réalité a fait beaucoup de souffrances et de morts », martèle-t-elle.
Thibault Pieplu comprend la réaction des Colombiens mais n'a pas l'intention de changer le nom de son établissement. « Il ne faut pas voir le mal partout », conclut le gérant.