Les militants de l'AG de lutte contre toutes les expulsions ont discrètement investi un vaste local le 29 octobre. Quarante migrants y ont déjà trouvé refuge. Le collectif estime pouvoir loger jusqu'à 150 personnes. Le conseil départemental du Calvados, propriétaire du bâtiment va saisir la justice.
"C'était ouvert, donc nous sommes rentrés", assure Luma, un membre de l'AG de lutte contre toutes les expulsions. Le squat n'a été officialisé que le 1er novembre, mais sur une affichette placardée à l'entrée, le collectif annonce : "Nous sommes installé-e-s ici depuis le samedi 29 octobre 2022, comme le prouve la facture ci-contre. Les bâtiments étaient vides et ouverts lorsque nous sommes arrivé-e-s."
L'assertion fait quelque peu tousser dans les services du conseil départemental du Calvados, propriétaires des lieux. Jusqu'au mois de juin, le bâtiment abritait la pouponnière départementale. Ce service d'urgence accueille des enfants "âgés de 0 à 6 ans en grande difficulté, confiés provisoirement au Département au titre de sa mission de protection de l’enfance en danger". Au mois de juin, le service s'est installé dans de nouveaux locaux à Fleury-sur-Orne.
La serrure avait été changée
"Il a fallu vider les locaux et les nettoyer. Mon service n'a récupéré les clés qu'au mois d'octobre, explique Nathalie Payen, directrice générale adjointe en charge des Finances et des Moyens au conseil départemental. Un agent s'est rendu sur place la semaine dernière. Il a constaté qu'une des clés ne rentrait plus dans une serrure et que le barillet était neuf. Il avait manifestement été changé".
Quelques familles et des personnes seules ont commencé à s'installer dans ce bâtiment situé au 138, rue d'Auge près de la gare de Caen. s'y sont installées dans la plus grande discrétion. Le collectif estime être en mesure d'accueillir 150 migrants pour l'hiver. Les militants préfèrent employer le mot "exilés". Sur la porte, l'affichette prévient : "Ce lieu est dorénavant notre domicile ainsi que notre résidence principale".
"Si nous avons déménagé la pouponnière, c'est que le bâtiment n'était plus adapté. Il y a lieu de penser que les personnes vont être accueillies dans des conditions précaires", ajoute Nathalie Payen. Le service juridique du conseil départemental a été saisi. Le Département va saisir la justice pour obtenir l'expulsion des squatteurs. "Ils sont occupants sans titre du domaine public. La justice étudiera la situation des personnes et les propositions de relogement de l'État".
"Le lieu est vide et il n'y a pas de projet d'en faire quoique ce soit pour l'instant", justifie Luma. L'AG de lutte contre toutes les expulsions, qui est passée experte en ouverture de squat, lorgnait ces vastes locaux, en bon état, équipés de sanitaires et de cuisines.
Ici on peut accueillir les gens dignement. Ce bâtiment aurait pu être réquisitionné. C'est inadmissible que ce soit à nous de nous organiser pour que ces personnes ne soient pas à la rue.
Luma, militant du collectif.France 3 Normandie
"On sait que beaucoup de gens attendent d'avoir un toit, s'indigne Lumla. Les rares solutions de logement proposées par l'Etat ne sont pas satisfaisantes. Au centre d'hébergement d'urgence, les gens doivent arriver le soir et repartir le lendemain matin. Et on sait que des hôtels qui accueillaient des exilés par le 115 ne veulent plus le faire". Sur sa page Facebook, le collectif lance un appel à l'aide : "Venez dès à présent nous soutenir sur place, besoin kits ménage et nourriture."