Ce confinement peut être l'occasion de vrais moments de partage, mais aussi source de tension et d'anxiété. Alors que le cercle familial n'a jamais aussi bien porté son nom, quelles sont les pistes à privilégier et les erreurs à éviter pour préserver l'harmonie?
Tout d'abord il faut expliquer et rassurer. Rien ne sert de cacher la vérité aux enfants car ils ressentent tout, votre anxiété ou votre calme. Les pédopsychiatres le reconnaissent :
L'angoisse est aussi virale que le virus.
Alors que dire, quels mots utiliser ? Eviter des termes comme "la mort" est un bon début. Pour la suite, interrogeons Didier Pleux. Ce pédopsychiatre de Caen a publié de nombreux ouvrages chez Odile Jacob, dont le plus récent qui s'intitule "De l’enfant roi à l’enfant tyran".
Son conseil pour aborder la question du Coronavirus avec les enfants ?
ça peut prendre la forme d'un jeu ou on peut s'aider de dessins, comme la BD qu'a écrite ma consoeur américaine Manuela Molina
La BD pour parler du coronavirus aux enfants
L'histoire commence par "Bonjour, je m'appelle Coronavirus, j'adore voyager et je me promène de mains en mains. As-tu entendu parler de moi ?""Les parents peuvent ainsi questionner les émotions de l'enfant," indique Didier Pleux, et les inviter à dessiner ou colorier ce qu'ils éprouvent "Comment te sens-tu quand tu entends mon nom : curieux, anxieux, détendu, nerveux, triste ?"
L'adulte peut ainsi se laisser prendre par l'empathie et rassurer "Moi aussi, j'éprouverais la même chose, tu sais." Dans cette histoire, le coronavirus n'est ni méchant ni gentil, il explique qui il est, tout simplement.
"Quand je viens te rendre visite, j'amène un manque de souffle, de la toux et de la fièvre. Je pars vite et presque tout le monde guérit. Tu peux être confiant, les adultes qui t'entourent prendront bien soin de toi.
Vous pouvez télécharger cette histoire en français sur ce lien. C'est simple à comprendre pour les enfants et ça permet de poser les bases pour parler du lavage des mains et des raisons pour lesquelles on ne peut plus embrasser mamie ou papy.
C'est une source d'inspiration pour parler du confinement, comme par exemple : pour éviter que coronavirus voyage partout et embête les copains, on reste chez soi et à nous d'inventer une nouvelle vie, une parenthèse enchantée.
Le confinement : une parenthèse enchantée ?
Car c'est là que ça peut se compliquer, explique Didier Pleux. "Nous vivons dans une société du plaisir et là nous allons vivre un moment intense de frustration". Ceux qui n'ont jamais éprouvé ce sentiment-là vont avoir un choc.Il va falloir apprendre à réguler la satisfactation immédiate, sinon ça va être difficile à vivre pour le couple et pour la famille."
A ce sujet, l'écrivain Baptiste Beaulieu twittait ce lundi soir avec une pointe d'ironie "Petite pensée pour tous ces couples qui s’apercevront dans les prochains jours que, non, hélas, ce n’était plus de l’amour (...) , et tous ceux qui s’apercevront de l’inverse : sous l’habitude, l’amour intact, à l’épreuve de l’Épreuve.
Petite pensée pour tous ces couples qui s’apercevront dans les prochains jours que, non, hélas, ce n’était plus de l’amour, mais bien le vernis coagulé du quotidien posé sur trop d’habitudes.
— Baptiste Beaulieu (@BeaulieuBap) March 16, 2020
Mais revenons aux enfants, ah non pardon aux parents car c'est bien de nous qu'il s'agit si on tend vers l'harmonie, nous dit Didier Pleux : "Les parents qui avaient tendance à fuir sous prétexte du boulot vont devoir apprendre à devenir parents, et non des animateurs de club med."
Et il insiste sur l'importance de la frustration pour les enfants sinon le retour à la réalité va être dur. "Si vous les laissez toute la journée devant les écrans, c'est sûr c'est plus facile, mais cela ne va pas être structurant pour eux.
Il faut donner des repères, partager des moments de plaisir : la cuisine, le bricolage, la lecture, même les tâches ménagères"
Le retour à l'imagination et l'importance des rituels
Les enfants aiment les rituels, alors pourquoi ne pas commencer la journée par un tableau ... de maîtres.ses, où les enfants écriraient eux-mêmes le programme de la journée. Mais attention, prévient Didier Pleux : "Ce n'est pas eux qui le dictent, c'est aux parents de garder la main et de proposer des activités assez variées chaque jour "Ecole à la maison le matin, lecture, jardinage, jeux, tout est à inventer. Place à l'imagination.
"C'est bien de s'ennuyer, rappelle Didier Pleux. C'est valable aussi pour les ados. "On peut craindre avec le confinement que les ados, comme les adultes passent leurs vies devant les écrans et deviennent accros.
Il faut réussir à mettre des garde-fous, instaurer des règles, revenir à un code familial par exemple."
Dans son dernier livre, Didier Pleux décrit noir sur blanc le profil de l'enfant tyran : "Est-ce un problème de société ou une question d’éducation " Il veut ainsi aider les parents à renouer avec une éducation qui ne ressemble ni au laisser-aller ni à l’autoritarisme destructeur.
A chacun d'inventer ses journées, mais profitons de cette période calfeutrée pour lire ou relire Didier Pleux, vous y trouverez des béquilles, et vos enfants vous remercieront peut-être ... un jour.
A écouter en podcast :
➕ L'émission de France Inter "Grand bien vous fasse" avec Didier Pleux