La méditation de pleine conscience pourrait-elle être une alternative à la pharmacothérapie communément utilisée aujourd'hui dans le traitement de l'anxiété ? C'est du moins ce que révèle une étude qui vient de paraître, co-conduite par Eric Bui, professeur en psychiatrie et chercheur à l'université de Caen.
Eric Bui est titulaire d'un diplôme spécialisé en psychiatrie et d'un doctorat en neurosciences. Après avoir été chef de clinique des universités-assistants des hôpitaux au CHU de Toulouse, il s’envole pour les États-Unis pour un contrat post-doctoral d’un an à l’université de Harvard et au Massachusetts General Hospital… Il y restera finalement 10 ans.
À Boston, je me suis spécialisé dans le stress post-traumatique et les troubles anxieux, mais surtout dans le deuil prolongé. Cette question était progressivement en train d’émerger, seules six équipes de recherche, à travers le monde, s’y intéressaient alors.
Eric Bui, professeur en psychiatrie, chercheur à l'université de Caen
Entre 2012 et 2017, il a notamment été directeur-adjoint de la Recherche du Center for anxiety and traumatic stress disorders du Massachusetts General Hospital. « Nous avons notamment effectué quelques essais cliniques randomisés (de façon aléatoire), dont un autour de l’efficacité du yoga pour traiter les troubles anxieux, en comparaison avec la thérapie cognitive comportementale, qui reste la référence pour le traitement des troubles psychiatriques. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication, en août 2020, dans la prestigieuse revue américaine JAMA Psychiatry.
Après avoir enseigné pendant 10 ans à la faculté de médecine de l’université de Harvard, Éric Bui a rejoint l’UFR Santé de l’Université de Caen Normandie en septembre 2020. Ses recherches se concentrent sur l’amélioration de la prise en charge du stress post-traumatique. « L’objectif est de développer, en France, les recherches et traitements sur la question du deuil prolongé. Depuis, le deuil prolongé a été reconnu comme une pathologie psychiatrique en mai 2021, ce qui fait bouger les choses. »
Membre de la Société internationale d’étude du stress post-traumatique, Éric Bui en est le président de 2020 à 2021. Cette société savante, créée en 1985, regroupe près de 2 000 membres issus de 40 pays.
Une étude pour comparer méditation de pleine conscience et anti-dépresseurs
Après une première étude publiée en 2013 à Boston comparant la méditation de pleine conscience à la psycho-éducation, Eric Bui, en collaboration avec deux chercheuses en psychiatrie des universités de Georgetown et de New-York, a mené un essai clinique comparant un programme de méditation de pleine conscience à un anti-dépresseur de première intention dans le traitement des troubles anxieux.
Réalisée sur un échantillon de 276 personnes qui ont reçu de manière aléatoire, soit la méditation de pleine conscience, soit l'antidépresseur (essai randomisé), cette étude démontre que l'efficacité de la méditation de pleine conscience est équivalente à celle du médicament pour le traitement des troubles anxieux. La méditation de pleine conscience étant, en outre, mieux tolérée, avec moins d'effets indésirables que l'antidépresseur.
En quoi consiste la méditation de pleine conscience ?
La formation à la pleine conscience concentre l'attention sur le moment présent. Les individus s'entrainent à considérer les pensées et les sensations comme des phénomènes transitoires qui ne sont pas nécessairement le reflet de la réalité. Ce processus améliore la régulation des émotions et les patients deviennent moins réactifs aux pensées et aux sensations. En outre, la pleine conscience est pratiquée avec une attitude de non-jugement envers soi et d'acceptation qui, avec le temps, semble accroître l'acceptation de soi et l'auto-compassion.
Lorsque je suis inquiet, j'observe mon inquiétude sans la juger ni me juger. Je la laisse passer comme un nuage.
Eric Bui, professeur en psychiatrie et chercheur à l'université de Caen
276 adultes souffrant d'un trouble anxieux ont participé à l'essai. Pendant 8 semaines, ils ont reçu, soit le programme de méditation de pleine conscience (MBSR), soit un anti-dépresseur, l'escitalopram.
Le programme de méditation en pleine conscience consiste en des cours de 2,5 heures hebdomadaires, une retraite d'une journée en cinquième ou sixième semaine et des exercices quotidiens de 45 minutes à faire individuellement à la maison. Les patients ont ainsi bénéficié d'un enseignement sur la théorie et la pratique de plusieurs formes de méditation de pleine conscience, telle que la conscience de la respiration (focalisation de l'attention sur la respiration et sur les mouvements du corps), le balayage du corps (diriger l'attention sur une partie du corps) et le mouvement en pleine conscience (étirements et mouvements destinés à faire prendre conscience du corps et à augmenter la conscience interoceptive).
La médication à l'escitalopram
La dose d’escitalopram était initialement de 10 mg par jour par voie orale, portée à 20 mg par jour dès la deuxième semaine si le médicament était bien toléré ou retardée dans le cas contraire. Le respect du traitement était mesuré par le comptage des pilules et le rapport du patient. Des points réguliers étaient réalisés avec un clinicien en semaines 1, 2, 4, 6 et 8. A l’issue de l’essai, les patients souhaitant continuer à prendre de l'escitalopram ont été accompagnés par un soignant pour ce faire.
Des conclusions probantes
L'étude de non-infériorité visait à prouver que la méditation de pleine conscience était aussi efficace que l'escitalopram sur les troubles anxieux. Au terme de l'étude, il s'est avéré que l'efficacité clinique était équivalente entre les deux traitements. Par ailleurs, au moins un évènement indésirable lié à l'étude est survenu chez 78% des participants qui ont reçu l'escitalopram contre seulement 15% qui ont reçu la méditation de pleine conscience.