L'expulsion du squat de la Grâce de Dieu à Caen vécue par les enfants

C'est la 7e opération de ce genre dans l'agglomération depuis la fin de la trêve hivernale. Les évacuations de squat comme celle de la Grâce de Dieu à Caen ont éparpillé dans la nature 160 personnes, parmi lesquelles des familles. Et des enfants, qui auraient dû se préparer à la rentrée scolaire. 

"C'est trop dur, on se sent très mal". Rudina ne cesse de répéter cette phrase. Du haut de ses 17 ans, il s'inquiète pour son petit-frère de 11 ans et sa soeur de 14 ans. Leur journée a été traumatisante : ils se sont levés vers 3h00 du matin et depuis, ils sont dans la rue, avec leurs parents, après l'évacuation de l'immeuble squatté à la Grâce de Dieu. Un vieil immeuble, certes, qui leur permettait d'avoir un toit sur la tête.

C'est la troisième évacuation de squat que Rudina vit, depuis 5 ans qu'il est arrivé en France. Sa famille est venue d'Albanie. Les enfants vont à l'école dans des collèges et lycées de secteur. 

"On a envie de faire la rentrée, mais il va au moins falloir se laver "

"J'ai eu mon CAP en maçonnerie cette année, j'aimerais continuer en apprentissage, ou même apprendre un autre métier", se projette Rudina, mais "là,  on n'a pas dormi, nos parents sont stressés, c'est vraiment dur, et les petits sont au bout", répète-t-il. Leur priorité n'est plus la rentrée scolaire, mais c'est bien de se trouver un hébergement pour la nuit et les suivantes. "On a envie de faire la rentrée, mais il va au moins falloir se laver, être propre, pour que ça se passe bien au lycée, et il faut au moins pouvoir travailler au calme", insiste le jeune homme. 

Edouard, Albanais lui aussi, est encore sous le choc d'avoir perdu leur logement de fortune. Lui est père de trois garçons. Edouard, sa femme et ses fils, dont un bébé de deux ans et demi, ne savent pas encore où dormir. Ses deux "grands" de 9 et 11 ans étaient scolarisés cette semaine à l'école de la Demi-Lune, un quartier de Caen. "Leur enseignant a appelé ce matin pour que les enfants viennent  à l'école, mais ce n'est pas possible, ils sont bien trop fatigués et on est trop stressé là. Les trois ont pleuré ce matin, ils avaient peur de la police. Pour la rentrée, je ne sais pas comment je vais faire, Pourtant l'école c'est important, mais  là, on n'a déjà pas de couches pour pouvoir changer notre bébé..."

L'incertitude pour horizon

Siranush quant à elle, semble moins inquiète pour ses deux filles âgées de 8 et 12 ans. "Je dors à l'hotel cette nuit. L'expulsion ça a été dur surtout pour la plus jeune. Ma grande de 12 ans pense que c'est comme ça." Siranush est très fière de ses bons résultats scolaires, après un an au collège Henri Brunet.  "Elle a beaucoup de copines et travaille très bien! Il me manque juste un compas pour la rentrée. Je ne veux pas la changer d'école, c'est trop important pour elle. Mais je ne sais pas non plus où je vais loger...

Un accompagnement réduit à néant à cause de l'évacuation du squat

Pour aider ces enfants, un collectif - l'école nomade - a été mise sur pied il y a 3 ans. Elle apporte son aide et son soutien aux petits après les cours. Certains bénévoles sont aussi enseignants, et retrouvent les enfants dans leur classe. L'une des co-fondatrices, Peggy, estime que "cette expulsion provoque en nous énormément d'inquiétude pour ces enfants que l'on suit parfois depuis plusieurs années dans nos classes. On a mis sur pied tout un accompagnement qui va être réduit à néant si les élèves ne font pas leur rentrée."

Ces enfants ne parlent souvent pas du tout le français quand ils arrivent avec leur famille, mais Peggy trouve en eux "une telle énergie d'apprendre, une envie qui ne peut que nous toucher". 
"C'est une évacuation de plus, qui crée une vraie cassure avec ces enfants. On sait que certaines familles ont été relogées chez des amis, mais à 120 km de Caen. L'école c'est pourtant le seul élément de stabilité et le seul repère pour des petits qui ont parfois déjà vécu 4 expulsions", souligne-t-elle.
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