À Caen, les habitants d'un immeuble du centre-ville sont désemparés. Régulièrement intimidés, parfois menacés par le locataire d'un appartement du rez-de-chaussée, certains envisagent de quitter les lieux, d'autres l'ont déjà fait. Le mis en cause est hébergé par une association qui essaie en vain de le déplacer.
Emma* est encore traumatisée du retour à son domicile dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 septembre. Vers 0h30, la jeune étudiante rentre seule d'une sortie entre amies. Elle s'apprête à ranger son vélo dans le garage commun aux habitants de son immeuble. Sur sa terrasse du rez-de-chaussée, son voisin a sorti un piano. Visiblement ivre, il joue et chante à tue-tête.
Une attitude intimidante et menaçante
Lorsqu'il la voit, il se rue sur elle pour lui prendre son vélo. Un passant intervient et protège la jeune femme qui reprend sa monture, la range et file se cloîtrer chez elle. "Ma fille n'a pas dormi de la nuit. Le lendemain, elle n'est pas allée en cours, et n'a pas mangé pendant trois jours", rapporte sa mère. Inquiète, elle l'accompagne chez le médecin. Même si elle ne présente aucune marque visible de l'agression, le praticien constate "un état psychologique choqué, accompagné de stress et d'anxiété".
Partie au commissariat pour porter plainte, elle ne pourra déposer finalement qu'une simple main courante. En réponse à ses interrogations et ses craintes sur la suite des évènements, les policiers lui recommandent... de quitter son appartement.
Je me sens bien dans ce logement, j'ai envie de rester, ce n'est pas à moi de partir, mais à lui".
Emma*, une voisine menacée et agressée
Depuis, si Emma est parvenue à réintégrer son logement et à retourner en cours, elle vit dans la peur de croiser à nouveau un voisin dont elle se méfiait déjà auparavant. Car l'homme, réfugié soudanais, n'en est pas à son premier fait d'armes. Son attitude intimidante et menaçante effraie depuis des mois les autres locataires de l'immeuble.
Les filles particulièrement visées
"Il terrorise tout le monde, mais s'en prend plus particulièrement aux filles", rapporte Olivia*, qui s'occupe de la gestion de l'immeuble. Elle aussi a vécu un moment traumatisant il y a de ça quelques semaines. Alors qu'elle vient observer l'avancée des travaux de réfection des parties communes, elle se retrouve nez à nez avec l'indésirable locataire à la mine patibulaire.
Il a commencé à s’approcher et à me menacer. Il parlait de ma tenue. J’avais une robe noire, il m’a fait comprendre que ce n’était pas approprié et m'a demandé de ne plus revenir dans l'immeuble.
Olivia, victime de l'intimidation du locataire
Choquée, la professionnelle s'enfuit et s'enferme dans sa voiture. "Je suis habituée à gérer des situations compliquées dans mon métier, mais je n'ai jamais eu peur comme ça", relate-t-elle. Ces deux femmes sont loin d'être les premières victimes.
Au printemps dernier, apeurée par le comportement bizarre de son voisin, et ses fréquentes intimidations et invectives en arabe, Elise* s'est même résolue à quitter son logement. Étudiante en médecine, elle rentrait parfois tard de ses gardes et se sentait en insécurité. "À différentes reprises, il a interpellé et menacé ma fille lorsqu'elle passait dans le couloir", rapporte son père. À tel point qu'elle redoutait de retourner dans son appartement et qu'elle était partie vivre chez sa mère.
Un réfugié soudanais hébergé par une association
Mais qui est donc cet individu au comportement si oppressant qu'il fait fuir ses voisines ? Il s'agit d'un réfugié soudanais de 45 ans qui a obtenu un titre de séjour pour plusieurs années. Il vit dans cet immeuble car il occupe un appartement mis à disposition par l'association Revivre, qui vient en aide aux personnes sans abri et en détresse. Mais même au sein de la structure, l'homme inquiète, tant et si bien qu'un signalement a été fait auprès du procureur de la République.
"Dans ce genre de cas, nous apportons une réponse graduée, explique-t-on à l'association. Cela va de la simple rencontre au recadrage, puis aux courriers recommandés. Nous l'avons invité à modifier son comportement", mais visiblement rien n'y a fait. La semaine dernière, l'individu a été invité à déménager vers un autre logement dans une commune de l'agglomération, mais il n'y est pas allé. "On est dans la demande d'une potentielle expulsion", précise-t-on à Revivre.
C'est quelqu'un qui pose souci, on sait que c'est compliqué pour les personnes dans l'immeuble. On continue d'alerter les instances, on ne laisse surtout pas la situation sans rien faire, mais on ne peut pas non plus mettre les gens dehors manu militari.
Communication de l'association Revivre, qui héberge le locataire mis en cause
Au-delà de ses comportements déplacés vis-à-vis des femmes, il est aussi pointé du doigt pour ses ivresses fréquentes et des soupçons de trafic de drogue. Pour autant, il n'est pas connu de la police pour d'autres faits qu'un tapage nocturne récent.
Désemparé par la situation et inquiet pour ses locataires, le fils de la propriétaire de l'immeuble remue ciel et terre pour expulser le fauteur de troubles de son logement. "Il a clairement quelque chose contre les femmes ! On va attendre qu'il y ait un viol ou un meurtre pour intervenir ?", s'emporte-t-il, en dénonçant l'inaction des autorités. "Quand on va au commissariat, on nous dit qu'on ne peut rien faire tant qu'il n'y a pas eu de réelle agression. On est à deux pas du campus, on attend qu'il y ait un drame pour agir ?"
Un appartement dégradé, des odeurs nauséabondes
En plus de son comportement, le locataire aurait sérieusement dégradé son hébergement. Outre le fait qu'une odeur nauséabonde s'échappe de son appartement et embaume les parties communes, il a cassé une canalisation et laissé l'eau s'écouler pendant plusieurs semaines. Cela a occasionné une facture de plusieurs milliers d'euros.
Alors que les propriétaires n'avaient jusqu'alors jamais eu de problème avec les locataires hébergés par l'association Revivre en plus de 15 ans, ils envisagent désormais de casser le bail. Toutefois, ce pourrait ne pas être suffisant pour faire partir l'habitant inquiétant, en à quelques semaines du début de la trêve hivernale.
*Les prénoms ont été modifiés