A partir de ce samedi 29 mai, le musée des Beaux-Arts de Caen présente l'exposition "L'école du regard" qui s'appuie sur la collection de Roberto Longhi, un historien d'art spécialiste du Caravage et des artistes qu'il a inspirés.
Il y a une semaine, pour les musées de France, c'était l'heure de la réouverture. A Caen, le musée des Beaux-Arts, dans l'enceinte du château, était au rendez-vous. Mais ses équipes sont déjà à pied d'oeuvre pour la prochaine échéance, une grande exposition, réalisée en collaboration avec la fondation Roberto Longhi, autour du Caravage qui sera présentée à partir de ce samedi 29 mai et jusqu'au 17 octobre.
Mort à moins de 40 ans (1571-1610) après une vie tumultueuse marquée notamment par la violence, le peintre italien Michelangelo Merisi, qui emprunta à son vvillage natal près de Milan son nom d'artiste, n'eut pas le temps d'avoir des disciples. Mais fit de nombreux émules tout au long du XVIIe siècle. Quatre siècles plus tard, certains grands cinéastes comme Martin Scorcese mais aussi des photographes revendiquent l'influence de ce grand maître du naturalisme et du clair-obscur dans leur travail.
Redécouvert au début du XXe siècle
Sans être totalement tombé dans l'oubli, l'ombrageux Caravage, ou du moins son aura sur la peinture, a finit par s'estomper. Avant qu'un historien d'art s'empare, à sa manière, de son oeuvre. Roberto Longhi, né en 1890 en Italie, est en quelque sorte le fil conducteur de cette exposition présentée au musée des Beaux-Arts de Caen. "Roberto Longhi a littéralement redécouvert le Caravage. Aujourd'hui, ça peut paraître étonnant : c'est un peintre dont on connait les chefs d'oeuvre. Mais à ce moment-là, c'est un peintre qui est peu étudié, dont on connait peu la vie, dont on ne connait pas si bien l'oeuvre", raconte Emmanuelle Delapierre, directrice et conservatrice en chef du musée.
De sa thèse présentée en 1911 à l'uiversité de Turin jusqu'à sa monographie publiée en 1952 à la suite d'une grande exposition organisée un an plus tôt à Milan, Roberto Longhi consacra la plus grande partie de sa carrière de chercheur universitaire au maitre italien et à ses "disciples" qu'il surnommera les Caravagesques. "Il redécouvre Le Caravage avec un regard qui est complètement neuf, c'est à dire qu'il cesse de le considérer comme le dernier des peintres classiques, des derniers peintres de la Renaissance, mais comme le premier peintre moderne", souligne Emmanuelle Delapierre, "Il renverse complètement la perspective et il voit en lui l'origine de toute la modernité en peinture : Courbet, Manet, etc. Caravage signe une révolution, une révolution luministe - la lumière au centre de la peinture - et une révolution réaliste, naturaliste : comment le réel de son temps entre dans la peinture."
Le travail sur l'ombre et la lumière ainsi que le naturalisme, ces deux clés de voûte qui charpentent l'oeuvre du Caravage transparaissent dans le tableau "Le jeune garçon mordu par un lézard" qui ouvre l'exposition et que nous décrypte ci-dessous la directrice du musée des Beaux-Arts de Caen.
En parallèle de son travail d'historien, Roberto Longhi a, au fil des années, "acheté des oeuvres et et constitué une merveilleuse collection personnelle de près de 250 tableaux, dont le noyau dur, le coeur, était vraiment attaché à Caravage et aux Caravagesques". La quarantaine de tableaux exposés du 29 mai au 17 octobre au musée des Beaux-Arts de Caen proviennent de cette collection. Aux côtés du "Jeune garçon mordu par un lézard" (la seule oeuvre de Caravage présentée à Caen mais les spécialistes n'en recensent aujourd'hui qu'une cinquantaine dans le monde), le public pourra découvrir des oeuvres de Carlo Saraceni, Battistello Caracciolo, Orazio Borgianni, Matthias Stomer, Giovanni Lanfranco, Mattia Preti, Jusepe de Ribera et Valentin de Boulogne.
Le regard de Roberto Longhi
Outre ces 44 tableaux, le musée des Beaux-Arts de Caen présente également une vingtaine de dessins réalisés par Roberto Longhi. "Il étudiait, il collectionnait et il regardait, avant toute chose. C'est une école du regard, c'est comment construire une histoire de l'art par l'observation directe des oeuvres. Dessiner fait partie de cette manière de former son regard", explique Emmanuelle Delapierre.
L'exposition "L’école du regard : Caravage et les peintres caravagesques dans la collection Roberto Longhi" débute ce samedi 29 mai. Elle sera exceptionnellement gratuite de 11 h à 13 h en ce jour d'ouverture. À découvrir jusqu'au 17 octobre au musée des Beaux-Arts de Caen.