Dans un communiqué publié lundi 13 novembre, Eau du Bassin Caennais a alerté la population sur la présence d'un résidu de pesticide dans l'eau courante distribué dans l'agglomération. Si la pollution ne semble pas dangereuse, le manque de recul sur la substance inquiète quand même.
Depuis le début de la semaine, les habitants de l'agglomération caennaise se familiarisent avec un nouveau mot, pas simple à prononcer : le chlorothanil. Ce fongicide utilisé dans les cultures céréalières et légumineuses est interdit par l'Union européenne depuis mai 2020. Toutefois, comme pour bon nombre de pesticides, on en découvre des résidus, appelés métabolites, dans la terre et dans l'eau.
Autour de Caen, surtout au nord, les analyses effectuées en octobre ont démontré qu'il y en avait trop par rapport à la norme fixée par les services de santé. Faut-il s'en inquiéter, en avoir peur ? Difficile d'être complètement rassuré à la lecture des communiqués du syndicat Eau du bassin caennais et de l'Agence Régionale de Santé.
On attend les conclusions des études de l’ANSES, on n’a pas de restriction pour l’instant. Aujourd’hui, les autorités compétentes sur la consommation de l’eau n'établissent pas de restrictions d'usage. A partir du moment où on veut être transparent avec la population, Il faut accepter de dire qu’on n’a pas encore toutes les conclusions.
Nicolas Joyau, Maire adjoint à Caen chargé de l'urbanisme et président Eau du bassin caennais
De nombreux résidus de pesticides dans l'eau courante
Les métabolites de chlorothanil détectés lors des derniers relevés sont peut-être là depuis longtemps. Les analystes commencent seulement à les rechercher. La parole officielle est qu’il n’y a pas de danger pour la population. Les seuils d'alerte et les seuils de toxicologie n'étant pas les mêmes.
"C'est bien de prévenir les usagers, d'informer le plus possible, relève Yves Ronfard, de l'UFC Que Choisir de Caen. "Ce qui est problématique, c'est de ne pas encore avoir de réponse de l'ANSES (agence nationale pour la sécurité sanitaire) sachant qu'on ne sait pas à quel dosage c'est dangereux ou pas". Les résultats des études sont en effet prévus pour le début de l'année 2024.
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"Il n'y a pas de quoi faire paniquer la population", dédramatise le Dr Michel Nicolle, du réseau Alerte des Médecins sur Les Pesticides. Mais il tempère toutefois, "il y a encore beaucoup d’incertitude. Vu que la substance mère est cancérigène, j’ai tout lieu de penser que les métabolites vont être classés de manière identique par l'ANSES".
Ce qui inquiète le praticien, c'est surtout l'effet cocktail. Quand plusieurs métabolites interagissent entre eux, ils ne s’additionnent pas, ils se multiplient. "Dans le captage de Rots, il y a eu en même temps du chloridazone, du chlorotalonil, du métazachlore, en tout dix substances dérivées de pesticides, jusqu'à 9 microgrammes par litres… C'est beaucoup, beaucoup plus que les seuils réglementaires".
Un traitement très coûteux
Afin de rétablir une eau courante de meilleure qualité, plusieurs procédés sont mis en place par Eau du bassin caennais. Le plus simple et efficace rapidement est le mélange d'eau, prendre l'eau de plusieurs sources différentes pour diluer les résidus et ainsi baisser leur concentration.
⚠️ Nous assistons à une dégradation de la qualité de l'eau sur le bassin caennais. L'utilisation massive des pesticides en est la principale cause. En 2020, j'avais pris un arrêté en ce sens. L'eau est un enjeu majeur. Il y a urgence à lutter contre les pesticides. pic.twitter.com/jdxWK4wnED
— Franck Guéguéniat PhD 🐝 (@fguegueniat) July 26, 2023
"C'est une solution d'urgence, mais à l'avenir la seule solution est d'arrêter d'utiliser des pesticides", clame le Dr Michel Nicolle, car le traitement de tous ces pesticides coûterait des milliards d'euros selon l'association Alerte des Médecins sur les Pesticides. À Caen, où une unité pilote pourrait voir le jour prochainement, on compte quand même mettre en place des solutions de traitement de l'eau, même si les prestataires n'en sont encore qu'au stade de la recherche et développement. Il faudra donc encore patienter pour avoir les réponses à nos questions.