En France, l’eau du robinet est l’un des aliments les plus contrôlés et surveillés. En Normandie, plus de 16% de la population a été exposée à une eau contaminée par des pesticides selon l’Agence Régionale de Santé. Quelle est la qualité de l’eau potable dans votre commune ?

Boire l'eau du robinet de sa cuisine ou de sa salle de bain, un geste quotidien que font de nombreux Français. Et les autorités le répètent, à raison, l'eau potable est l'un des aliments les plus surveillés et contrôlés dans l'hexagone.

Quelle est la qualité de l’eau en Normandie?

Quand on regarde de plus près, des molécules sont retrouvées dans l'eau du robinet de certaines communes en Normandie. C'est le cas par exemple à Cherbourg, dans la Manche. Entre janvier 2022 et mars 2023, des prélévements ont été faits dans certains quartiers de la commune. Il s'avère, selon les données du Ministère de la Santé, que plusieurs sont "non-conformes aux exigences de qualité" et contiennent notamment de l'ESA metolachlore, des résidus d'un herbicide utilisé dans la culture du maïs, du lin ou encore du tournesol. 

(Pour vérifier la qualité de l'eau de votre commune, taper son nom dans le moteur de recherche, le code postal ne suffit pas)

L'Agglomération du Cotentin, que nous avons contactée, nous explique qu'elle procède à des analyses quotidiennes des eaux distribuées. Ces analyses se font à chaque étape du process, à savoir du prélèvement à la distribution en passant par la production. Elle précise également que : "Pour être déclarée impropre à la consommation, il faut qu'une eau dépasse régulièrement le seuil réglementaire et ce n'est pas le cas".

En effet, aucune restriction d’usage n’a été́ prononcée dans la région car les valeurs mesurées sont largement inférieures aux valeurs sanitaires à partir desquelles un risque existe pour le consommateur. En réalité, les molécules prélevées en Normandie ne dépassent que légérement les 0,1 microgrammes par litre (μg/L), seuil limite de la qualité de l'eau. Par conséquent : "Ces dépassements ne signifient pas que boire l'eau du robinet est toxique, nous alertons la population mais il n'y a pas de quoi s'inquiéter" explique l'ARS."Dans 80% des cas, il n'y a rien n'a signaler, plus de 20 000 prélèvements d’eau sont réalisés en Normandie".

En 2021, en Seine-Maritime et dans l’Eure, entre 90 et 98% de la population a été alimentée par de l’eau conforme en permanence aux limites de qualité pour les pesticides. Dans le Calvados, c’est entre 80 et 90%. Et moins de 80% dans l’Orne et la Manche. Ce sont les pesticides qui demeurent à l’origine de la majorité́ des non-conformités mises en évidence par les contrôles sanitaires.

Des pesticides de plus en plus recherchés

Comme à Cherbourg, de l'ESA-métolachlore (métabolite du S-métolachlore) est également régulièrement retrouvée dans l'eau potable à Vire Normandie. D’après l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), c’est l’un des herbicides les plus utilisés en France."50% des agriculteurs en utilisent dans le bocage virois" explique Nicolas Declomesnil, vice-président de la Chambre d’agriculture du Calvados.

Ce produit phytosanitaire est utilisé un peu partout dans le Calvados et la Manche par les agriculteurs qui cultivent des céréales comme le maïs ou le lin. Dans les départements où l'on produit surtout de la betterave, comme en Seine-Maritime ou dans l’Eure, les recherches de pesticides dans les eaux potables vont plutôt cibler les molécules de chloridazone (pesticide interdit depuis le 1er janvier 2021).

Ces pesticides ont été présents dans plus de 20% des prélévements en 2021 alors que le chiffre tournait autour de 6% en 2020. Des chiffres qui ont fait un bond par rapport aux années précédentes, pour une raison : certains métabolites n’étaient pas recherchés avant janvier 2021. "On s'aperçoit maintenant qu'il y a des pesticides dans l'eau potable car les autorités sanitaires ne les recherchaient pas tous avant 2021" confirme Stéphane Donckele, éleveur et élu à la chambre d'agriculture de Seine-Maritime. 330 pesticides et métabolites sont actuellement recherchés en Normandie.

Des traces de pesticides vingt ans après leur interdiction 

L'analyse des données sur la qualité de l'eau du robinet met en lumière un autre phénomène : en 2022, on mesure toujours des niveaux parfois élevés de molécules de pesticides (ou de leurs métabolites), interdits depuis des années. C'est le cas du chloridazone, dont l'utilisation est interdite depuis le 1er janvier 2021 et dont on retrouve toujours des métabolites dans les eaux destinées à la consommation. Comme dans les départements de la Seine-Maritime ou de l'Eure alors que l’Orne ou la Manche sont épargnés.

Mais cela se vérifie aussi sur des substances interdites depuis bien plus longtemps. L'atrazine est un herbicide qui a été largement épandu pendant 40 ans, notamment sur les cultures de maïs, avant son interdiction décidée en 2001. Encore aujourd’hui, à Le Mêle-sur-Sarthe, dans l’Orne, la molécule persiste, et on retrouve dans l’eau distribuée chez les particuliers des traces d’atrazine. Sur 27 prélèvements d’eau, la moitié en contenait. Des dépassements qui restent toutefois en dessous des valeurs sanitaires maximales de ces molécules.

Les agriculteurs pointés du doigt se défendent

Les pesticides s'infiltrent dans les sols et les nappes phréatiques. Mais une agriculture sans produits phytosanitaires est aujourd'hui inimaginable pour beaucoup d'exploitants. C'est le cas de Sébastien, 52 ans, producteur de maïs dans le Sud-Manche : "Si on pouvait s'en passer, on s'en passerait. Mais cela a un coût, on a nos charges à payer" lance ce dernier."On utilise des herbicides ou encore des fongicides pour détruire les champignons au pied de nos cultures. On en met beaucoup moins qu'avant. On fait attention en faisant du curatif et non du préventif. En traitant tôt le matin ou le soir, on baisse largement les doses de produits". 

D'ailleurs, pour que les agriculteurs puissent utiliser des produits phytosanitaires, ils doivent valider un certificat nommé "Certiphyto". Sans ce précieux sésame, impossible pour eux de s'approvisionner en herbicides chez les vendeurs spécialisés : "Nous sommes beaucoup plus encadrés, on ne va pas s'amuser à tricher car les sanctions sont très sévères", assure Jean-Michel Hamel, président de la FDSEA de la Manche. 

Et quand on lance la filière agricole sur les pesticides interdits depuis plus de 20 ans que l'on retrouve encore aujourd'hui dans l'eau du robinet, la réaction ne se fait pas attendre :

"Les agriculteurs n'utilisent plus ces produits depuis des années, pourtant ils sont toujours dans les sols. Ils n'ont pas encore été totalement éliminés"

Stéphane Donckele

Elu à la chambre d'agriculture de Seine-Maritime

Il ajoute : "Et puis certains produits comme le glyphosate ont été autorisés par le gouvernement par le passé à tous, les particuliers en utilisaient autant qu'ils voulaient en se rendant simplement au supermarché, ça il ne faut pas l'oublier", rappelle l'élu à la chambre d'agriculture de Seine-Maritime.

"On utilise les produits phytosanitaires sans aucun abus aujourd'hui. C'est raisonnable et raisonné. La preuve puisque lorsque des pesticides sont détectés dans l'eau potable, ce ne sont jamais des quantités monstres" ajoute Stéphane Donckele. De son côté, Jean-Michel Hamel, président de la FDSEA de la Manche, souligne :

"C'est usant d'entendre que nous sommes des pollueurs ! Quel autre pays au monde fait autant attention à ce que ses habitants mangent ?"

Jean-Michel Hamel

Président FDSEA de la Manche

"Il y a de moins en moins d’agriculteurs, on aimerait bien que des jeunes s'installent. Si on n’a plus de paysans en France, on s’approvisionnera ailleurs et je ne suis pas sûr que les normes sanitaires soient mieux à l’étranger" conclut ce dernier.

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