La virologue caennaise Astrid Vabret a été nommée pour être décorée de la légion d'honneur pour son engagement dans la lutte contre le coronavirus. Une vie de travail récompensée puisque cette scientifique visionnaire fait des recherches sur les effets des coronavirus sur l'humain depuis 20 ans.
D'abord la surprise. "J'étais de garde le 1er janvier au laboratoire du CHU de Caen, je travaillais. Je reçois un coup de téléphone de mon compagnon et c'est lui qui m'annonce que je fais partie de la promotion 2021 de la légion d'honneur. Je ne m'y attendais pas du tout."
Puis la joie, avec humilité. "Je suis très contente de cette reconnaissance mais je n'arrive pas à être fière de moi, car ce n'est pas un sentiment que je ressens à mon égard. En revanche, je suis très contente que la virologie (étude des virus) soit enfin récompensée".
#COVID19 - Félicitations?au professeur Astrid Vabret, cheffe de service de virologie du @CHU_Caen, décorée de la légion d'honneur?️pour son engagement et son investissement dans la lutte contre le coronavirus ?https://t.co/1nZQIAdI6g#legionhonneur #normandie #Caen pic.twitter.com/ac3vUX5GPP
— CHU de Caen Normandie (@CHU_Caen) January 4, 2021
Astrid Vabret, cheffe du service de virologie au CHU de Caen, fait partie des 1.229 personnes nommées au Journal officiel pour recevoir la légion d'honneur. Une promotion particulière, à l'image de l'année qui vient de s'écouler, puisqu'elle a vocation à rendre hommage aux Français victimes de la covid-19. Et par extension, à tous ceux qui se sont engagés dans la lutte contre le virus.
Elle étudie le coronavirus depuis... 1997 !
Il se trouve que le temps a permis de rendre hommage au travail d'Astrid Vabret. Car depuis la fin des années 1990, elle étudie un certain virus qui contamine les animaux, appelé coronavirus. Elle est alors persuadée qu'un jour, il infectera les humains. Non sans solitude.
Quand les autres virologues travaillaient sur le SIDA et l'hépatite C, je me sentais parfois bien seule à étudier les corona chez les animaux.
En 2006, soit huit ans avant le début de la pandémie, Astrid Vabret soutient même une thèse à Caen sur le coronavirus humain. Une visionnaire qui donne modestement tout le crédit à son ancien patron, le professeur François Freymuth, qui l'a poussée à travailler sur ce virus. "C'est d'ailleurs la première personne que j'ai prévenue quand j'ai appris que j'avais reçu la légion d'honneur".
En plus de son expertise historique des coronavirus, elle est spécialiste des virus respiratoires et dirige le Centre national de référence (CNR) des virus de la rougeole, rubéole et oreillons. Avec ses nombreuses activités, les journées d'Astrid Vabret sont pour ainsi dire, à l'image de son CV, bien remplis.
"Il faut vacciner tout le monde !"
Très impliquée dans l'évolution de la pandémie, elle suit de près la campagne de vaccination qui a débuté le 27 décembre 2020 en France. Ces derniers jours, c'est la lenteur du programme qui exaspère les forces politiques de l'opposition, l'opinion publique ainsi que le président de la République lui-même qui a promis lors de ses voeux aux Français qu'il ne "laissera pas une lenteur injustifiée s'installer". Car au 1er janvier 2021, seulement 516 personnes se sont faites vaccinées en France, soit moins de 1% de la population, contre plus de 200.000 en Allemagne et 944.000 au Royaume-Uni, où la campagne de vaccination a commencé le 8 décembre.
Le gouvernement a donc décidé d'accélérer la cadence et d'avancer de plusieurs semaines la phase 2 du programme vaccinal. Ainsi, depuis le 4 janvier, en plus du personnel des EHPAD et de leurs résidents, les soignants âgés de plus de 50 ans et ceux qui présentent une comorbidité peuvent désormais bénéficier de l'immunité permise par le vaccin. Cela représente 1,2 millions de personnes.
Pour la virologue caennaise, la lenteur n'est pas permise.
Si on veut être efficace, il faut vacciner tout le monde !
"Le parti-pris du gouvernement a été de prendre son temps et de faire de la pédagogie pour convaincre un maximum de Français à se faire vacciner, ce n'est pas totalement aberrant. Mais ce que je note, c'est qu'on veut à la fois obtenir le consentement éclairé de tous et convaincre, et en même aller vite... ce n'est pas possible !"
En France, près de 6 Français sur 10 (58%) ne veulent pas se faire vacciner contre la covid-19, selon un sondage Odoxa-Backbone consulting pour Franceinfo et Le Figaro, réalisé fin décembre. Une mauvaise nouvelle pour les scientifiques qui rappellent que la moitié de la population doit être vaccinée ou avoir contracté le virus pour faire cesser la chaîne de transmission.
Pour convaincre les sceptiques à la vaccination, Astrid Vabret estime que la balance bénéfices / risques penche largement du côté des bénéfices. Et que si la vaccination tarde trop, des variants à la covid-19 plus contagieux, comme celui observé au Royaume-Uni, pourraient proliférer et ainsi, faire continuer la progression du virus dans la société.