Des cafés, des speed-dating pour convaincre les employeurs : la tension sur le marché du travail on connaît. Mais sur ce salon 24h emploi-formation, la tension qui flotte dans l’air est parfois en faveur des salariés.
« On est heureux, on travaille en équipe, on est imaginatif » et de l’imagination, il en faut visiblement pour attirer les candidats sur le stand : ils sont rares, beaucoup trop selon la responsable RH de Proxiad, une entreprise chasseuse de têtes pour des clients. Les têtes en question, ce sont des consultants et développeurs informatiques - ingénieurs ou non. Profil recherché : bac +3 à bac+5.
A bac +3, un consultant informatique peut espérer toucher entre 24 et 28 000 euros par an, parfois sans expérience. Les centaines de diplômés chaque année dans la région sont immédiatement (sauf cas particulier) embauchés à la sortie de leur formation.« Aujourd’hui, on doit les séduire et eux aussi, il y a une réciprocité dans la séduction. Ça passe par le salaire, mais ça ne suffit pas. On doit surtout aller les chercher directement dans les écoles : dès le mois de juin, on est en contact avec les écoles et les centres de formation pour avoir des stagiaires en alternance dans les entreprises en septembre. » Fanny Cannessant, resp RH et c om chez Proxiad
Preuve que le métier est en tension, Fanny Cannessant constate :"il y a 8 ans, j'étais seule à recruter, aujourd’hui, nous sommes 3 recruteurs pour assurer la même mission. Les jeunes diplômés ne sont pas assez nombreux chaque année pour répondre à la demande des entreprises ».
Les travaux publics sous tension
Autre secteur, traditionnellement en tension quant à lui : le BTP. Au stand « Travaux publics » de la région Normandie, la chargée de communication Marion Reulet a une lourde tâche.
« Il faut changer l’image des travaux publics : on doit convaincre qu’avec l’automatisation et la technicité, les métiers ne sont plus aussi pénibles qu’auparavant. Les femmes peuvent bosser sur des chantiers, il y a une accessibilité à tous. » Marion Reulet, Travaux publics Normandie
D’ailleurs, elle vient de rencontrer une candidate, chauffeur de poids lourds, qui aimerait s’engager sur des chantiers comme conductrice d’engins. C’est cette voie qui séduit le plus de femmes dans cette branche.
Jouer pour se faire repérer des employeurs
Dans la notion de jeu de séduction entre candidats et potentiels employeurs, le mot « jeu » est parfois appliqué au 1 er degré : un escape-game est proposé aux candidats.
Derrière une porte, une équipe de 4 candidats aux profils variés se retrouvent nez à nez avec une armure moyen-âgeuse, des blasons, une grande carte et une mission à relever : libérer une épée de son carcan afin d’être adoubés chevaliers.
Ils ont 20 minutes pour y parvenir en résolvant une série d’énigmes, tout cela sous l’œil d’une recruteuse de l’Afpa, Céline Marie. Elle adhère à ce concept qui permettrait « d’identifier le savoir-être des candidats : ils doivent gérer une situation de stress, en trouvant des solutions collectivement. Cela permet aussi de sentir si une future intégration dans une structure sera facile. »
Céline Marie est attentive aux situations de collaborations qui naissent spontanément, à l'entraide. « Autant de choses qu’il est difficile de cerner lors d’un simple entretien protocolaire ».
Et le ressenti des candidats-joueurs ?
Côté candidats, le ressenti est positif. Emmanuelle, 30 ans, estime que "cela donne une autre dynamique au recrutement". Cette ancienne animatrice est elle-même une adepte des escape-games. Quant à Christine, 40 ans, elle revient tout juste de Montréal, et dans ce salon 24h emploi-formation, elle est surtout venue comprendre « comment se comporte le marché de l’emploi dans la région, et faire du réseautage ». Sa stratégie lui permettra peut-être de cibler une voie professionnelle qui lui plairait, en demande de candidats.
Joris et Ilona, tous deux diplômés en arts du spectacle, espèrent s’orienter vers le métier de conseiller clientèle. Mais ils regrettent tous deux que « le diplôme soit plus important que les compétences elles-mêmes ».
Pourtant, entre 10 000 et 15 000 postes ne sont pas pourvus en Normandie, un paradoxe dans une région qui affiche le meilleur taux de croissance du pays (+8% en 2018 selon le rapport annuel publié par la Banque de France).