Depuis un peu plus d'un an, sept rames pourrissent sur des voies de garages. Ce matériel financé par l'ex région Basse-Normandie a pourtant été acquis il y a moins de vingt ans. L'actuelle région Normandie n'y voit rien à redire. La SNCF espère les vendre.
Lorsqu'ils entrent en gare de Caen, les voyageurs en provenance de Paris ne manquent rien du spectacle (pour peu que les vitres de leur wagon ne soient pas trop sales). Sur des voies de garage, des trains en apparence presque neufs, toujours les mêmes, sont stationnés les uns à côté des autres. Ils sont là depuis plus d'un an. Manifestement, ils ne bougent plus.
Reportage de Guillaume Le Gouic, Eric Aubron et Cyril Duponchel
Ce matériel est en fait à l'abandon. Des images amateurs montrent les moisissures sur les fauteuils, des vitres brisées, des tags. "Quand vous voyez des trains comme ceux-ci en plein milieu du triages, à quelques mètres des quais de la gare de Caen, c'est choquant, surtout si votre train a été supprimé, ironise Alan Bertu du syndicat CGT Cheminots. Si on était dans le cadre d'un vrai service public, ce matériel pourrait au moins être en réserve pour pallier les problèmes techniques".
"Ces rames sont à vendre, répond Jean-Philippe Dupond, le directeur mobilité Saint-Lazare / Normandie à la SNCF. On espère trouver preneur en 2018", précise-t-il. À l'en croire, les moisissures et les vitres brisées ne constitueront surtout pas un obstacle : "ce qui intéresse un acheteur, ce sont les caractéristiques techniques de ces rames et le moteur. En général, les compagnies qui rachètent des rames refont l'intérieur".
Jean-Philippe Dupond, directeur SNCF Mobilité Saint-Lazare / Normandie
Ces sept rames ont pourtant tout juste vingt ans. Elles ne sont peut-être même pas totalement amorties. C'est l'ex-région Basse-Normandie qui en a financé l'achat en 1998 moyennant une facture de 400 millions de francs, soit un peu plus de 60 millions de nos euros d'aujourd'hui. Ce train de type 72 500, conçus et fabriqués par Alsthom, a d'abord été affecté à la ligne Paris-Granville. Mais le bel engin a souvent déçu. Il n'est pas très fiable.
Des trains encore presque neuf en retraite anticipée
En 2015, la région Basse-Normandie a donc choisi de le remplacer par du matériel Regiolis plus adapté, plus moderne. Une partie des 72 500 a été affectée à la ligne Caen-Tours. Une partie seulement. Sept rames n'ont trouvé d'utilité nulle part. Mais l'actuelle région Normandie n'y voit aucun mal. "Des trains qui ne sont plus utilisés, vous en avez dans toutes les gares, souligne Jean-Baptiste Gastinne, vice-président Conseil Régional. C'est la modernisation du matériel. Si ces trains ont été remplacés par d'autres plus confortables, je ne vois pas où est le problème, au contraire !"
"On pourrait les rénover, ils pourraient être utilisés pour le service public. Si on ne les rénove pas, ils finiront à la casse", se désole le syndicaliste Alan Bertu. Pour mémoire, les passagers en provenance de Paris, qui assistent à l'agonie de ce matériel, voyagent à bord d'antiques rames, dont le renouvellement n'est pas prévu avant 2020. Pas de doute au moins concernant les légendaires Corail, il a déjà été amorti : les wagons accusent souvent quarante-cinq ans d'âge.