A Evrecy, dans le Calvados, LINportant attend ses machines pour lancer la fabrication de sa première ligne de tee-shirt en lin bio 100% normand. Il manque encore quelques aides financières pour boucler l'opération. Alors partenaires privés ou publics, A votre bon coeur!
Le challenge est double : d’abord, il s’agit de créer de toute pièce une industrie du t-shirt bio dans un village au sud de Caen, à Evrecy.
Ces t-shirts ont la particularité d’être fabriqués à partir de fibre de lin - dont la Normandie est la principale région productrice en France.
Et deuxièmement, le lancement a lieu sous un climat quelque peu … glacial. Si la température de l’air est douce, celle des investissements économiques est passée sous 0, et les financements sont en suspens.
A la barre de ce projet d’usine textile locale : Paul Boyer et Morgane Ermeneux, qui sont respectivement le directeur et la responsable marketing de LINportant.
L’urgence : financer les machines
« On a déjà trouvé les machines spécifiques comme la table de découpe et la machine à tricoter par exemple. Mais les financeurs sont frileux. On attend un soutien de la Région et de réseaux comme France Active, qui pourrait amener 150 000 euros… Mais tant que personne ne fait le premier pas, les autres ne se lancent pas ! » regrette Morgane Ermeneux.
Alors pour ne pas rester inactifs, ils ont décidé de lancer une production en sous-traitance auprès d’usines partenaires à Troyes notamment et à Rouen.
« Mais cette solution de secours n’est pas rentable. Ce que l’on souhaite, c’est lancer notre propre production dans nos locaux, à Evrecy, le plus rapidement possible » insiste Morgane.
Pré-vente de t-shirts jusqu’au 7 mai
Pour naviguer en ces temps économiques troublés, la coopérative a lancé fin mars des pré-ventes de t-shirts sur une plate-forme de financement participatif.
Le principe : vous achetez un t-shirt sans préciser de taille ni de couleur, il sera réellement livré plus tard, avec les options que vous souhaitez.
Le prix fixé pour cette vente directe qui s’arrête le 7 mai est « incitatif ». « Les produits sont proposés moins chers sur la plateforme –comptez environ 35 euros le T-shirt à l’unité. Plus tard, la production sera vendue à des marques chargées de la redistribuer auprès du grand public » précise la responsable marketing.
L’argent récolté est réinvesti dans l’achat des premières machines nécessaires à la production. C’est surtout un signal fort aux financeurs et investisseurs.
Si les particuliers et les privés s’emparent de notre idée de textile normand bio, c’est bien la preuve que le concept est valide. Morgane Ermeneux
Une fois l'atelier de confection sur pied, l'objectif final serait de produire 100 000 t-shirts la première année.
Du champ au vêtement en direct
D'où leur est venue cette idée de relocaliser dans le Calvados une industrie textile?
Paul Boyer s’explique : « je suis tombé amoureux de la Normandie et de ses champs de lin aux fleurs bleues en 2009. Et comme je travaille dans le secteur de la mode éthique depuis 20 ans, je suis déjà en contact avec des acteurs de la filière. J’ai envie de valoriser la production de cette fibre 100% naturelle. »
Cette envie prend une forme concrète quatre années plus tard, quand une association Lin et chanvre bio est créée en Normandie.
« A cette occasion, une jeune créatrice parisienne de vêtements s’est retrouvée dans un champ de lin bio, à discuter désherbage mécanique avec l’agriculteur. »
L’anecdote de ce tête-à-tête dans un champ vaut moins par son charme champêtre que par sa rareté dans un secteur textile d’habitude complexe et mondialisé.
On a réussi à établir un circuit court du textile, qui colle très bien à l’esprit du bio Paul Boyer
Des peigneurs aux filateurs en passant par les tisseurs, toute une filière bio a ainsi été montée.
Reportage de S. Lemaire, B.Goulet avec la participation de Paul Boyer, directeur de Linportant; Morgane Ermeneux, directrice marketing LINportant; et Méline Schmi, agricultrice en conversion bio
Paul Boyer a conscience que « pour inciter les producteurs liniers normands à prendre le risque d’une transition alors que la filière conventionnelle marche bien, il faudra qu’on leur montre que les débouchés sont bien présents. »
Mais avant cette étape, les fondateurs de la coopérative tiennent compte du contexte.
Ils ont acheté trois machines et font travaillé trois couturières depuis le 4 mai pour coudre des masques. Morgane Ermeneux espère que 2 500 masques par semaine pourront sortir de l'atelier de confection. "C'est notre manière de participer à l'effort collectif en attendant nos machines et des partenaires finançiers complémentaires".