Mercredi 5 février 2025, le petit poucet normand de la Coupe de France de football va jouer un historique 1/8e de finale très loin de chez lui, à Cannes. Hôtel, train, terrain d'entraînement, il a fallu tout organiser en dépensant un minimum
"On va tous sacrifier trois jours de congés, exprès." Ce 1/8e de finale de Coupe de France, c'était un rêve pour eux. Le président de Dives-Cabourg, Stéphane Gilquin, et ses joueurs s'imaginaient déjà jouer le PSG ou Lille pour LE match de leur vie, mais le tirage au sort en a décidé autrement.
Le 5 février prochain, le petit poucet de la compétition (N3, la 5e division française) n'aura pas la chance de jouer un club de l'élite, et plus frustrant encore, il ne peut même pas défendre ses chances devant son public. La qualification se jouera à Cannes (N2). "Le stade d'Ornano était déjà négocié, on voulait rassembler tout le monde pour une grande fête du football normand, d’autant plus que Caen n'est pas très en forme en ce moment. Redonner le sourire aux gens, on l'a vu aux tours précédents, on l'a vécu, ça n'a pas de prix !"
Aller jouer à Cannes, ça coûte cher
Tous sont amateurs, avec un travail à côté : professeur, livreur, commercial, kinésithérapeute... Budget du club : 450.000 euros, loin, très loin des "6 millions de Cannes", leur futur adversaire. "C'est du bricolage" depuis que ce beau parcours a commencé, affirme leur entraîneur Philippe Clément.
Ils seront 45 à faire le voyage pour cette rencontre tant attendue, 25 joueurs, plus le staff et l'équipe administrative. Départ en train le mardi matin, arrivée en fin d'après-midi dans le Sud. Un petit entraînement le mercredi matin, "sur un synthéthique prêté par Mougins, un club amateur local" et puis repos l'après-midi avant le match le soir à 20h45. Le lendemain matin, déjà, le train de retour vers la Normandie les attend.
Pour faire du tourisme sur la Croisette il faut des moyens, et ce n'est pas le cas de mes joueurs.
Philippe ClémentEntraîneur de Dives-Cabourg (N3)
Même pas le temps pour profiter de Cannes et aller sur les marches du festival ? "Non, on est en mode mission", nous répond le coach, "pour faire du tourisme sur la Croisette il faut des moyens, et ce n'est pas le cas de mes joueurs." Mais en insistant un peu auprès du président, il y a peut-être une ouverture... "On a sûrement quelque chose de prévu, mais on ne veut pas le dire, un temps libre en parlant foot."
Avec deux nuits d'hôtel, le coût de ce déplacement est estimé entre 8.000 et 10.000 euros, "sans aide, ni du département, ni de la fédération française de football", qui estime qu'elle donne déjà des primes à chaque victoire. "Pour l'instant, on a touché 143.000 euros de prime, la moitié a été reversée aux joueurs." Cette année, pour économiser de l'argent, le président avait négocié avec eux, notamment les anciens, de baisser les primes de championnat, en compensant un peu avec la coupe... "Bizarrement, on n'a jamais été aussi loin en coupe", sourit-il.
L'aventure coupe de France, un chèque précieux pour le club
Les 70.000 euros restant vont donc financer en partie le voyage à Cannes. Et pour le reste ? "Des clubs comme Granville ou Avranches se sont construits sur des tours de Coupe de France, pour construire des installations pérennes. Là, nous ne sommes pas perdants, on sera plus riches qu'avant, mais sans avoir les moyens nécessaires pour aller plus haut. Peut-être cela va servir pour un mini-bus, mais ce n'est pas assez pour participer à un nouveau terrain synthétique. Sauf si on va en quart..."
En cas de nouvelle qualification, Dives-Cabourg touchera 90.000 euros, mais pas question pour le président de dépenser de l'argent qu'il n'a pas. Ce directeur de casino n'est pas du genre à jouer avec le hasard ! "Le Puy avait fait le pari de venir en avion pour nous affronter au tour précédent, ils ont perdu pas mal d'argent sur ce coup."
Rêver d'un nouvel exploit
Face à Cannes, club une division au-dessus, Dives-Cabourg ne partira pas favori, loin de là. "Ce sera tout sauf facile, mais on va essayer", assure le coach. "Quand on a vécu ces ambiances de coupe dans un stade bouillant, on en redemande."
Sauf que leur forme récente en championnat n'est pas des plus rassurantes, avec seulement trois nuls et trois défaites... Ce vendredi, avant le match de coupe, l'adversaire est Borgo, le leader de N3. "Depuis qu'on est lancé en coupe, on n'a pas gagné un match (NDLR : mi-octobre) ! Inconsciemment, les mecs ont peut-être peur de se blesser ou de prendre un carton qui leur ferait rater la coupe de France. Ils sont un peu moins agressifs, un peu moins concernés, c'est toute la difficulté."
Il faut plusieurs vies pour vivre ça normalement en tant que footballeur amateur, mes joueurs seront déjà à jamais les premiers.
Philippe ClémentEntraîneur de Dives-Cabourg
Philippe Clément compte sur d'autres leviers pour cette rencontre tant attendue de 1/8e de finale. "Il va falloir un surpassement sur chaque instant dans l'engagement, au-delà de l'aspect tactique et technique où on est moins fort qu'eux." Il espère "un grain de folie".
Le druide de Dives-Cabourg se plaît à répéter que ses joueurs seront "à jamais les premiers", le premier club amateur du Calvados, dans l'histoire, à jouer un 1/8e de finale de coupe de France. Mercredi prochain, près de 200 supporters traverseront la France pour les soutenir et vivre le rêve le plus longtemps possible, "dont certaines familles avec les enfants", se réjouit le président Stéphane Gilquin.
Les autres pourront suivre la rencontre devant un écran géant au stade Heurtematte, à Dives-sur-Mer.