Aux coeur des enchères de pur-sang à Deauville: l'étrange ballet des "bid spotteurs"

Ils sont toujours à l'affût d'un clin d'oeil ou d'un geste très discret...Julie Lemesle, "bid spotteuse" aux prestigieuses enchères de pur sang à Deauville, relaye les offres des clients souvent prêts à payer des sommes très importantes pour acquérir un poulain au pédigree prometteur.

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100 000 euros, qui offre 100 000 euros ?

"100.000, qui offre 100.000 pour débuter, pour cette fille de Dubawi, un des meilleurs étalons d'Europe ? " : c'est Philippe Augier qui lance les enchères. Le maire de Deauville revêt le costume de "crieur". Il est chargé de mener la vente de yearlings, les pur sang de 18 mois. La vente est organisée par Arqana, la deuxième agence de ventes de yearlings en Europe. Les offres tombent en cascade autour de la piste où évolue l'élégante pouliche. En une minute, les 900.000 euros sont atteints.

Pour un observateur, assis dans les arènes au milieu des acheteurs potentiels, impossible de voir d'où pleuvent ces centaines de milliers d'euros. Mais les "spotteurs", répartis autour du ring et qui scrutent en permanence le public, eux, le savent. Ils poussent un cri, voire lèvent la main, dès qu'ils ont repéré une offre. Perché sur une tribune à près de deux mètres de haut, au dessus de la piste, le "crieur" en chef répète le prix proposé et le nom du spotteur qui l'a relayé. "600.000 Grégoire, 800.000 Guillaume", scande M. Augier.

Le reportage à Deauville, tourné ce dimanche, par JB Pattier et M.Descoubes, France 3 Normandie :



Le rôle des spotteurs dans les ventes de chevaux 

Les spotteurs sont les "yeux supplémentaires" du crieur qui pilote la vente. Ils lui permettent de ne pas rater une offre émanant d'un amphithéâtre en demi cercle empli de plusieurs dizaines d'acheteurs potentiels. Le public, lui, assiste aux ventes, par centaines de personnes, depuis un balcon circulaire. Mais le but de ce métier, qui n'existe plus que dans les enchères de chevaux, "c'est (aussi) d'être le plus discret possible", explique Julie Lemesle, spotteuse depuis huit ans aux ventes d'août d'Arqana. Le nom de l'acheteur est, sauf exception, connu une fois le cheval adjugé. Mais, durant l'enchère, la plupart des acheteurs souhaitent rester anonymes. Et derrière une offre se trouve parfois le vendeur du cheval qui pousse le prix à la hausse. Ainsi, la fille de Dubawi a-t-elle été adjugée pour un million d'euros au haras qui la vendait et qui en attendait bien plus que les 900.000 euros, dernière offre faite sur la pouliche la plus cotée du jour.

Ne jamais perdre le contact avec l'acheteur potentiel

Tandis que le "crieur" se livre à une véritable performance physique et vocale, les spotteurs scrutent silencieusement les arènes, dans un exercice de haute concentration. Ils se hissent sur la pointe des pieds pour ne pas perdre le contact avec le client repéré. Leurs sourcils se froncent et se défroncent. "Il faut détecter le plus vite possible. Pour certains clients, ça sera juste un clin d'oeil, d'autres bougent leur catalogue. Certains peuvent juste avoir un regard insistant", explique la jeune femme de 29 ans, conseillère bancaire à Angers, qui prend des jours de congés pour venir spotter à 120 euros brut la journée de quelques heures.

Le crieur en chef fixe le rythme de l'enchère (de 20.000 en 20.000 ou 50.000 en 50.000). Si l'acheteur veut surenchérir plus doucement, il montre un doigt pour 10.000, forme un zéro avec sa main pour arrondir le montant. Même dans le cri poussé pour faire officialiser l'offre, la mesure est de mise : il ne s'agirait pas d'effrayer un cheval qui entrent en piste, ces jeunes spécimen qui n'ont jamais monté ayant la réputation d'être assez ombrageux...

Ce dimanche, le prix moyen des chevaux vendus s'est établi à 187.813 euros. Les ventes se poursuivent jusqu'à mardi soir.

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