A Nice, il y a la promenade historique des Anglais. Los Angeles a son Sunset Boulevard. Deauville, en Normandie, cumule les deux : une promenade chargée d'Histoire le long de la plage où l'on déambule aux côtés des stars de cinéma. Histoire d'un lieu mythique et pittoresque.
Il n'est pas rare de voir des Deauvillais assis sur leur transat, se faire bronzer au soleil juste devant leur cabine qui longe "les planches". Devant la porte verte du petit local qui leur sert de vestiaire de plage, encadré par deux lices blanches sur lesquels sont inscrits les noms de stars du cinéma américain, ils regardent défiler la foule des beaux jours, en short ou en maillot de bain. C'est ça le charme des planches de Deauville, station balnéaire normande qui chaque année au mois de septembre celèbre le cinéma US, ses films et ses stars.
Les origines
Le Duc de Morny, demi-frère de l'empereur Napoléon III décide d'investir et de créer une station balnéaire à la mode sur la côte de nacre vers 1860. Avec un petit groupe d'ami, il investit. Ensemble, ils créent un hippodrome, quelques hôtels, des villas. Le Tout-Paris daigne se déplacer sur ce tout petit bout de territoire normand. On joue aux courses. On vient avec ses amis et ses maîtresses, Second Empire oblige.Le Casino construit en 1912, l'hôtel Normandy en 1913, font de Deauville une destination intéressante. Une jeune modiste en vogue, nommée Gabrielle Chanel, y ouvre une boutique où les élégantes achètent leurs chapeaux de plage ou de soirée.
Les élégantes de Deauville deviennent exigeantes. Pour ne pas qu'elles abîment leurs toilettes de plage, on leur construit des planches. Ce parquet s'allonge entre plage et cabines, il leur permet de déambuler en discutant avec les connaissances, de tenir salon en plein air, de promener enfants et petits chiens.
Les Planches avec un P majuscule : pour s'aérer, réfléchir, s'aimer...
La liste des personnalités ayant un lien avec Deauville est longue. Elle inclut des cocottes du Second Empire, des barons de l'industrie, des aristocrates et beaucoup d'écrivains. Sagan, Kessel et bien d'autres ont tous aimé cet endroit aux ciels normands incroyables, au vent qui souffle sur la plage en hiver. Tous ont foulé les Planches pour s'aérer après une soirée au Casino, après une séance d'écriture au Normandy.Deauville a un petit charme désuet et romantique. Claude Lelouch ne s'y trompe pas quand il y pose ses caméras en 1966 pour tourner l'une des plus belles scènes de retrouvailles amoureuses cinématographiques et musicales.
Dans "un homme et une femme", Palme d'or au Festival de Cannes en 1966, oscarisé en 1967, Anouk Aimé, les cheveux au vent promène ses enfants sur la plage. Jean-Louis Trintignant, son amant, concentré au volant de sa Ford Mustang, fonce sur les Planches deauvillaises pour retrouver la femme qu'il aime. Leurs baisers donnent lieu à de magnifiques gros plans, en mouvement, au son des Chabadabadas de la voix de Nicole Croisille.
Deauville rendra hommage à Claude Lelouch pour ce regard amoureux sur ses Planches en donnant son nom à la place devant les Bains au tout début des Planches.
1990 : quand les Planches de Deauville prennent des airs de Sunset boulevard
Le Festival du film du cinéma américain de Deauville draine des stars d'outre-Atlantique depuis 15 ans déjà. Elisabeth Taylor, Yul Bruner, Clint Easwood, Sylvester Stallone, Kirk Douglas, Harrison Ford, sont passés et revenus à Deauville par amour de la France, par amour du cinéma.Anne d'Ornano, alors maire de la ville, a l'idée de faire peindre leurs noms sur les lices des cabines de plage. Une petite cérémonie s'organise avec la star qui laisse son empreinte à Deauville, sur les Planches. Cela réjouit les photographes de la presse people et les badauds. Les acteurs américains toujours très professionnels jouent le jeu avec gentillesse. Un sourire, des selfies, des autographes et une petite dédicace sur le livre d'or de la ville, c'est moins salissant que de mettre ses mains dans le béton d'une rue de los Angeles... Depuis 1990, la liste des stars "ayant leur cabine sur les Planches" s'allonge. La tradition continue, les générations de stars du 7eme art se succèdent.
2020 : les Planches avec le sourire et sans masques anti-virus
La foule, toute l'année, déambule sur les planches de Deauville pour voir et être vue. On y retrouve des amis. Des sportifs font des allers-retours entre Port Deauville et Tourguéville. Les poussettes glissent sur le bois.Cette année 2020 restera cependant un peu particulière. La promiscuité sur le marché quotidien de la ville a obligé la Municipalité a prendre un arrêté pour que les badauds portent des masques anti Covid-19. Pour l'heure, les Planches ne sont pas touchées par cette mesure sanitaire et les selfies continuent de pleuvoir sur Instagram pour s'immortaliser sur ce haut lieu touristique de la ville.