La réforme des retraites et le report de l’âge légal à 64 ans a ouvert un autre débat, celui de la place du travail dans notre société à l’heure où certaines valeurs sont remises en cause. Franck Besnier lance le débat avec ses invités dans Dimanche en politique.
Travailler jusqu’à 64 ans, dans quelles conditions ?
"Comment on va finir ? " s’interroge Léa, cette jeune étudiante d’à peine 20 ans qui a rejoint, ce mardi 7 mars, cette 6ᵉ journée d’action contre la réforme des retraites et les quelques 30 000 personnes qui participent au défilé dans les rues de Caen. "Il faut qu’on prenne soin de notre santé" déclare un jeune salarié.
Je comprends ces préoccupations parce qu'il est clair qu'à l'heure actuelle, bon nombre de jeunes s'interrogent sur le sens à donner à leur vie. On a connu l'épisode sanitaire avec le confinement, les différentes crises sanitaires. Il y a une réorientation, des envies, des attentes de nos jeunes. À un moment donné, ces jeunes ont besoin de redonner un sens à leur métier. À l'heure actuelle, le travail est un moyen de vivre correctement.
Freddy SertinDéputé Renaissance du Calvados
Au fil des témoignages recueillis, on devine rapidement que le travail n’est plus la priorité pour tous, un phénomène déjà observé lors de la crise du Covid où de nombreux jeunes ont quitté leur métier ou leur formation pour chercher une autre manière de s'épanouir. C'est d'ailleurs ce qu'affirme le sociologue Patrick Vassort :
Il y a cette proximité avec les générations précédentes et puis incontestablement, les jeunes se posent des questions, non pas uniquement par rapport à cette retraite, mais sur le mode de vie qu'on leur promet. Que signifie aujourd'hui travailler ?
Patrick VassortSociologue
Aujourd'hui, seulement 24% des Français estiment que le travail est important contre 60% en 1990. Les mentalités évoluent.
Faut-il augmenter les salaires pour rendre les métiers plus attractifs ?
Les études d’opinion le montrent, le salaire n’est pas la priorité pour les employés qui sont davantage en quête d’épanouissement dans leur métier plutôt que de rechercher une meilleure rémunération. Les jeunes aspirent d’abord à une qualité de vie plutôt qu’à un bon salaire, tout en reconnaissant que le travail en France n’est pas assez bien payé, comme on peut le voir ici :
Aujourd'hui avec l'inflation, les Françaises et les Français ne s'y retrouvent pas. C'est de plus en plus difficile de payer ses factures, son alimentation. Travailler, oui, parce que ça peut être épanouissant, ça peut aussi se permettre d'avoir de l'estime de soi-même à travers le travail, mais à condition que les conditions soient réunies. Malgré tout, ça pose quand même la question qu'on est beaucoup plus productifs qu'avant, qu'on produit beaucoup plus de richesse avec moins de force de travail. Oui, se pose la question d'un temps libre, non contraint, plus élevé à l'échelle de la journée, d'une semaine, mais aussi de la vie. Cette réforme des retraites, elle va à contre-sens de cela.
Emma Fourreau23 ans, militante LFI-Nupes
Honnêtement, si notre secteur d'activité d'un établissement qui cherche quelqu'un, s'il a vraiment besoin, il va essayer de mettre au maximum de ce qu'il peut mettre pour l'avoir et aujourd'hui, ce n'est plus forcément le nerf de la guerre.
Philippe LefèvrePrésident de l'Union régionale des métiers et des industries de l’hôtellerie
Le travail est-il encore une priorité ?
C’est la question qui est posée au regard des chiffres, en Normandie, on estime que plus de 30 000 postes ne sont pas pourvus, les abandons en plein cursus de formation se multiplient, c’est le cas dans les filières traditionnelles de l’apprentissage où désormais ¼ des élèves ne vont pas au bout de leurs stages. Dans d’autres secteurs comme la santé qui manquent cruellement de candidats, les démissions se multiplient, dans les écoles d’infirmiers, 40% des élèves ne vont pas au bout de leurs études, l’image que se font les jeunes de certains métiers se heurte à la réalité du terrain.
Va-t-on au travail à reculons ? À ce jour, 56% des employés pensent que le travail est une contrainte alors que seulement 44% disent qu’ils s’épanouissent dans leur métier.
Cette émission est à découvrir ce dimanche 12 mars à 11h30 sur France 3 Normandie et en replay sur la plateforme France.TV
La prochaine émission Dimanche en politique sera à suivre le dimanche 19 mars 2023 et sera présentée par Émilie Leconte.