Les 18-24 ans sont-ils en train de révolutionner notre rapport au travail ? Les études se succèdent et disent toutes la même chose : ils veulent que leur job ait un sens. Ils veulent travailler dans une entreprise vertueuse, souhaitent un management plus collaboratif, veulent concilier vie privée et vie professionnelle et ne sont pas prêts à tous les sacrifices.
78% des 18 - 24 ans n'accepteraient pas un emploi qui n'a pas de sens pour eux (source : Yougov pour le site Monster, septembre 2021).
Débadoc : "les jeunes en quête de sens au travail", présenté par Émilie Flahaut
Diffusé le jeudi 12 janvier à 23 h 40
Rediffusion le mardi 17 janvier à 9 h 05.
Et à tout moment sur notre site.
Moi, j'ai fait une fac à Paris, Paris Dauphine, orientée économie - gestion. J'ai conscience d'avoir été formée pour faire partie des "leaders". Le premier jour où je suis arrivée à Dauphine, on m'a dit : "Work hard, play hard, be a leader." Je ne me retrouve pas dans cette manière-là de penser. J'aurais pu m'orienter dans une carrière dans la finance, l'audit, la banque, mais ça n'avait pas de sens pour moi de travailler dans une grande entreprise qui ne va pas dans le sens de la société que j'aimerais voir advenir. Finalement, j'ai décidé de partir dans l'Orne, dans un milieu très rural, pour travailler dans une coopérative, la Coop des Territoires et faire du développement territorial, accompagner les collectivités publiques dans la transition environnementale et démocratique. Au SMIC. Et je suis heureuse.
Albane Gélin, 26 ans
J'ai suivi un parcours scolaire et académique assez classique, j'ai intégré une école de commerce. J'ai fait une expatriation en Finlande et ça a été un réel déclic pour moi. Ils ont des modes de vie bien plus sobres que les nôtres et puis j'ai assisté à des cours qui intégraient, qui prenaient en compte les enjeux environnementaux, ce que je n'avais pas forcément eu précédemment. Et quand je suis revenue en France, j'ai repris mes cours, j'ai eu mes premières expériences professionnelles et là j'ai vraiment eu une dissonance cognitive qui m'a fait ouvrir les yeux et qui m'a donné envie de repenser mon modèle de réussite.
Anna Mojzesz, 24 ans
Mais c'est quoi ce "sens au travail" recherché par cette génération Z ?
Dans notre débadoc diffusé ce jeudi 12 janvier à 23 h 40, Maëlezig Bigi, sociologue, chercheuse affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail (CNAM) donne une définition :
"Cette définition combine trois aspects :
- se sentir utile (pouvoir apporter sa contribution à un travail collectif, savoir à quoi on contribue, être reconnu dans son travail).
- Deuxièmement que cette utilité ne vienne pas violer nos valeurs morales. Typiquement en ce moment, les enjeux écologiques dominent et peut-être aussi les questions d'inégalités. Donc ne pas contribuer à travers son travail à dégrader la situation voire l'améliorer.
- Et puis dernier élement, c'est se développer. Construire ses compétences, son identité, sa santé en travaillant. C'est une aspiration très forte chez les Français, à tous les âges."
Depuis la sortie du premier confinement, la France connaît effectivement une vague de démissions : 123 800 ruptures conventionnelles au 3ᵉ trimestre 2022 (source DARES). Un chiffre qui n'a jamais été aussi élevé.
Comment les employeurs s'adaptent-ils à ces nouvelles exigences ?
Martin Besançon, directeur général adjoint du MoHo à Caen :
"On se pose beaucoup de questions sur notre façon de fonctionner, et pas qu'avec les plus jeunes. Comment les accompagner ? Comment leur ouvrir les portes ? Comment ne pas leur couper les ailes ? Les potentiels, les talents qui se révèlent... c'est comment faire en sorte que justement, ils arrivent à prendre leur envol. C'est souvent ce qu'on dit à l'équipe de MoHo : on est là pour accompagner des projets de vie.
Un projet de vie, il peut se faire avec nous, mais aussi sans nous, et donc si on peut vous aider, par exemple à créer une boîte ou vous former davantage sur quelque chose pour partir vers une autre entreprise, on sera très contents parce qu'on aura participé à votre projet. Ça nécessite de remettre en cause beaucoup de choses dans notre mindset."
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Gaëlle Baucheron, directrice du cabinet de rerutement Alphéa Conseil de Caen :
"C'est toute une éducation à faire... Malheureusement, on est encore dans une société assez archaïque au niveau des employeurs : j'ai le pouvoir, c'est moi qui emploie, c'est moi qui paie. Oui, mais votre société, elle ne fonctionne pas sans vos collaborateurs. Il faut aussi qu'ils s'épanouissent, il faut exploiter leur potentiel.
Il y a beaucoup aussi de profils qui sont gâchés parce qu'on n'exploite pas les potentiels. On les met à faire une tâche, on a une belle fiche de poste qui est faite pour ça et on n'écoute pas trop les idées alors que la personne s'investirait plus au quotidien. C'est comme ça qu'on les garde aujourd'hui.
C'est toute une éducation auprès de nos clients : quand on propose des profils plus jeunes, ou des parcours qu'on appelait "atypiques" mais qui ne devraient plus exister maintenant : un parcours "atypique" c'était on change tous les deux ans, maintenant ce sont des parcours normaux donc il faut leur expliquer."
Débadoc : "les jeunes en quête de sens au travail", présenté par Émilie Flahaut
Diffusé le jeudi 12 janvier à 23 h 40
Rediffusion le mardi 17 janvier à 9 h 05
Et à tout moment sur notre site.