Faute de médecin, un service ferme à l'hôpital de Lisieux : la douche froide de l'après-Covid 19

La fermeture du service de médecine prévue le 1er juillet ne sera sans doute que temporaire. Mais c'est une mauvaise nouvelle de plus pour les agents hospitaliers qui avaient déjà été très vexés de devoir se contenter d'une prime Covid "réduite". Le monde d'après commence dans l'amertume.

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Des bouts de papier ont été collés sur les vitres comme on jette une bouteille à la mer, avec le vague espoir que le message sera reçu. Ils disent en quelques mots le sentiment général : "peine, tristesse, dépit". La crise sanitaire aura été une parenthèse. Aujourd'hui, comme le déplore le syndicat Force Ouvrière, c'est "le retour à l'anormal".

Il y a quelques jours, la direction de l'hôpital a informé le personnel que le service de médecine interne allait fermer le 1er juillet. L'un des deux médecins est en arrêt de travail. Son collègue prend sa retraite. "Pendant la crise, des médecins d'autres spécialités sont venus en renfort pour faire face au Covid. Mais aujourd'hui, ils ont réintégré leur service, explique le docteur Isabelle Landru qui préside la Commission Médicale d'Établissement. On ne peut pas laisser un service ouvert sans médecin et risquer que les patients ne soient pas bien pris en charge".

Un brutal retour "à l'anormal"

Au plus fort de la pandémie, le service de médecine interne a été placé en première ligne. "On a été les premiers à ouvrir. On a encore deux lits Covid, souligne Florent Wullen, délégué du syndicat CFDT. Les gens sont épuisés. Vraiment." La direction de l'établissement a beau plaider que cette fermeture n'est que provisoire, et que les autres services rouvriront des lits pour accueillir tous les patients, cette annonce est perçue comme un brutal retour à la réalité.

©France 3 Normandie

De là à imaginer une mesure d'économie cachée... "Le problème, c'est qu'on a une direction qui avait un plan de retour à l'équilibre avant le Covid, et qui ne l'a pas abandonné, souligne Côme Nesterowski, le secrétaire général de Sud Santé. On est inquiet de ce côté-là. C'est une atteinte à l'hôpital de Lisieux et à la capacité de pouvoir soigner les gens qui viennent". L'Établissement, qui compte environ 1400 agents, doit encore supprimer une quarantaine de postes en 2020 pour réduire ses dépenses.

La présidente de la Commission Médicale d'Établissement assure que tout est mis en oeuvre "pour péréniser le service". "On comprend l'inquiétude du personnel. Ce sont des gens investis. La période est difficile, on en a bien conscience", assure Isabelle Landru. L'hôpital a réactivé ses réseaux afin de dénicher un médecin. Mais l'affaire n'est pas si simple.

"On a des carences en effectif, en praticiens, en matériel."

"On n'est pas un hôpital attractif, s'alarme Franck Paris, le délégué du syndicat FO. Les jeunes ont l'embarras du choix. Ils préfèrent aller travailler dans des CHU. Ils ne veulent pas venir s'enfermer ici." Le docteur Landru relativise : "nous venons de recruter un ophtalmo alors qu'on n'en avait plus depuis des années. Un diabétologue arrive en septembre. Et nous développons des partenariats avec le CHU pour mettre en place des consultations."

Mais dans certaines disciplines, la pénurie est telle que l'hôpital de Lisieux est bien en peine de trouver la perle rare. "En pneumologie, nous avons des praticiens qui ne sont plus très jeune, on le sait bien. On est déjà en train de travailler pour trouver des remplaçants", ajoute la présidente de la CME qui fonde quelque espoir dans les travaux du Ségur de la santé.

 

Comment rendre l'hôpital public attirant ? C'est toute la question. La charge de travail n'est pas rémunérée à sa juste valeur, et les services souffrent de défauts d'investissements.

 Isabelle Landru, présidente de la Commission Médicale de l'hôpital de Lisieux.

Aujourd'hui, beaucoup de jeunes médecins préfèrent opter pour des spécialités qui leur permettront de travailler dans de meilleures conditions. Dans le privé...

Franck Paris, délégué FO Lisieux ©France 3 Normandie

Les agents de l'hôpital de Lisieux ont participé aux manifestations pour la défense de l'hôpital public ce mardi 16 juin. En ordre dispersé. Pas tous au même endroit et au même moment. "Mais on sent que les gens retrouvent de l'énergie pour se battre", observe le délégué Force Ouvrière venu avec quelques collègues devant le siège de l'Agence Régionale de Santé à Caen. Il y a quelques semaines, l'affaire de la prime Covid les avait assommés. "Ils ont revu leur copie. Mais seuls 40% des gens vont toucher 1500 €. Ce sont ceux qui ont travaillé dans les services Covid. Les autres vont se contenter de 500 €".

Aujourd'hui, la fermeture, même provisoire, du service de médecine interne ravive les colères qui s'étaient largement exprimées l'hiver dernier. "On a des carences en effectif, en praticiens, en matériel. On n'a pas de place, pas une pièce de libre pour développer quoique ce soit, s'emporte Franck Paris. Ça fait un an qu'on est dans la crise, et on maintient le cap. L'ambiance est tendue par l'épuisement et par le dégoût."

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