Gastronomie. Le Gault et Millau séduit par ce couple de jeunes normands, à la tête du Roze

Ils ont moins de 30 ans et ont ouvert leur restaurant à Mathieu, près de Caen, il y a moins d'un an. Clémence Goupil et Alex Néel font déjà parler d'eux. Le couple normand reçoit ce lundi 30 septembre le trophée jeune talent du prestigieux guide Gault et Millau.u

Quand ils ont posé leurs valises à Mathieu, près de Caen, Alex a tout de site voulu apposer sa marque à ce lieu déjà chargé d'histoire. Dans la cour attenante à cette bâtisse du XVIIIe siècle, le jeune cuisinier s'est aménagé un petit jardin où il vient chaque matin chercher ce qui viendra sublimer ses plats et envoûter les papilles de ses clients.

"Avoir les fleurs aromatiques, les plantes, un peu de cerfeuil frais, ça fait la différence, quand on vient juste de le cueillir le matin et le poser juste sur une assiette. On travaille ça comme des assaisonnements : on a des acides, des goûts d’ail, des goûts poivrés, ça vient finir le plat. Et c’est gratuit", explique Alex Néel, qui espère un jour y faire pousser ses légumes. "Pour l’instant, c’est en cours de construction mais c’est un peu comme le restaurant, on n’a que six mois d’ouverture."

Un nom comme un manifeste

Le 5 avril dernier, le jeune cuisinier de 28 ans, natif de Granville, et sa compagne, Clémence Goupil, ouvraient le Roze, en lieu et place du restaurant "La sauce y est" à Mathieu. Un nouveau nom, en hommage à Mathurin Roze de Chantoiseau, l'inventeur du concept du restaurant moderne, qui sonne comme un manifeste. Et l'établissement n'a pas tardé à faire parler de lui.

Moins de deux mois après l'ouverture, nos confrères du Monde célébraient la cuisine terre et mer du jeune couple et les associations avec le cidre de la région (produit par la famille de Clémence). Quelques mois plus tard, c'est célèbre guide gastronomique Gault et Millau qui met en lumière le travail des deux Normands en leur décernant le trophée du jeune talent.

Maître chez soi

Derrière ses fourneaux, Clémence a encore du mal à réaliser. "Ça va très vite quand même. On a ouvert que depuis six mois. On est beaucoup dans les starting-blocks depuis le début (...) On réalise tout doucement mais ça prend un peu de temps. Je pense que d’ici un an, on en verra vraiment les bénéfices", confie la cuisinière de 27 ans, originaire du pays d'Argentan.

Pour l'heure, c'est le plaisir d'être maître chez soi qui l'emporte : "C’est ce qu’on attend avec Alex depuis un moment. Avec notre ancienne activité, on n’était pas forcément libre de nos gestes. Là, on a un bel outil, on peut faire ce qu’on veut et quand on veut, et maîtriser l’ensemble des procédures."

Car si le couple s'estime chanceux - "Il y a de l’ancien et c’est ce qu’on cherchait. Et en plus on a la chance que les prédécesseurs ont fait un très beau travail de rénovation", raconte Alex - il n'a pas ménagé sa peine pour en arriver là. "Même si on est jeunes, on commence tôt (dans ce métier). Mis bout à bout, ça fait quand même un petit moment qu’on fait pas mal de sacrifices, beaucoup de travail."

Six ans chez les plus grands

Clémence Goupil et Alex Néel se sont rencontrés il y a dix ans sur les bancs du lycée hôtelier de Granville. Les deux jeunes cuisiniers ont fait leurs armes pendant six ans chez les plus grands. Pour elle, Beatriz Gonzalez, Ken Kawasaki ou le chef mexicain Enrique Casarrubias. Pour lui, Yannick Alléno, dans les cuisines du Cheval blanc à Courchevel mais aussi au Pavillon Ledoyen à Paris, où il était responsable des cours de cuisine.

Clémence et Alex se sont associés une première fois derrière les fourneaux au Quai Liberté, un restaurant péniche parisien qui emploie des détenus et des personnes sortant de prison. Puis ils reviendront là où tout a commencé, à Granville, durant deux saisons, diriger l'établissement installé dans le jardin Christian Dior.

Seulement dix ans, mais déjà un beau parcours. "Quand on travaille, ça paye à un moment donné", veut croire Alex Néel, "Ce trophée jeune talent, ça récompense aussi l’entrepreneuriat. C’est aussi de dire que ce sont des métiers de consécration : si on travaille, on peut avoir son affaire un jour. C’est donc un beau message pour les autres jeunes."

Les deux ensembles dans l'aventure

Outre le talent consacré aujourd'hui par Gault et Millau, ce qui fait la force du duo c'est aussi son couple. "On se dit avec Alex : heureusement qu’on est tous les deux ensemble dans l’aventure", confie Clémence, "Tout seul, c’est beaucoup plus compliqué. Heureusement qu’on est tous les deux pour tenir le coup. Tous les jours, ce n’est pas facile. Faut s’accrocher." Et de citer : "La pression de bien faire, de servir tous les jours la même qualité, d’être à la hauteur. On commence à avoir une petite réputation, donc les gens attendent de plus en plus de nous."

Pas de quoi freiner les ambitions de son compagnon. "On veut agrandir notre cuisine, avoir plus de monde aussi."  Alex le reconnaît, "maintenant, on rencontre d’autres difficultés mais c’est un bon défi, c’est de la bonne pression. Et puis, on essaye aussi de savourer, de prendre du plaisir surtout."