La construction d'un parc photovoltaïque dans une prairie du Calvados divise les agriculteurs

Le projet d'un éleveur ovin du Calvados, qui souhaite installer des panneaux solaires sur 27 hectares de sa prairie tout en continuant l'élevage, provoque l'opposition d'autres agriculteurs du département. Ils craignent que les fermes soient cannibalisées par le photovoltaïque, freinant l'activité paysanne et la transmission des exploitations aux jeunes générations.

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Le développement d'installations photovoltaïque sur des terres agricoles échauffe les esprits dans le département du Calvados. Depuis la mi-octobre, une enquête publique est ouverte pour la mise en place de 34 112 panneaux solaires sur 27 hectares de pâturage à Croissanville, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Caen.

Le projet, porté par le fournisseur d'énergie italien Nadara (ex-Renantis), devrait prendre place sur la prairie de Sébastien Marie, éleveur de brebis installé depuis sept ans à Croissanville, commune déléguée de Mézidon-Vallé d'Auge. Le revenu locatif dégagé lui permettrait d'investir dans son cheptel, qui continuerait à pâturer entre les panneaux, et d'embaucher un salarié, avance l'éleveur. Ce parc photovoltaïque produirait 11 000 mégawattheures (MWh) par an, informe Nadara.

Mais d'autres agriculteurs du département s'y opposent avec ferveur, convaincus que le développement de "l'agrivoltaïsme", qui consiste à faire cohabiter une production agricole et une production d'électricité photovoltaïque sur un terrain, se fait au risque d'une baisse des activités paysannes. "On va détourner l'objectif principal de la terre et de notre métier, qui est éleveur ou cultivateur, au profit de la production d'énergie. Et nous ne sommes pas des producteurs d'énergie, nous sommes des paysans et des paysannes", déclare Stéphane Bourlier, porte-parole dans le Calvados de la Confédération paysanne, organisation d'agriculteurs opposée de longue date à l'installation de panneaux solaires sur des parcelles agricoles.

Artificialisation des terres agricoles

Pour la Confédération paysanne, l'agrivoltaïsme porte atteinte "à la vocation nourricière de la terre" en l'artificialisant, réduisant ainsi la disponibilité foncière des terrains agricoles. "L'agrivoltaïsme éloigne de l'autonomie : il ajoute à la dépendance au complexe agro-industriel", ajoute l'organisation.

La redevance versée par les opérateurs des panneaux solaires aux agriculteurs pourrait les désinciter à céder leurs terres à des jeunes éleveurs, compliquant l'installation de ces derniers, craignent aussi les détracteurs.

Dans ce combat, les agriculteurs anti-agrivoltaïsme peuvent compter sur le soutien d'Hervé Morin, le président (Les Centristes) de la Région Normandie. "J’engagerai systématiquement un recours contre tous les projets tant que nous n’aurons pas examiné les conditions d’expérimentation", déclarait-il en janvier dernier. "À cause de l’agrivoltaïsme, ce sont des zones agricoles et d’élevages entières qui risquent d’être cannibalisées par la présence des panneaux photovoltaïques. (...) Si la production de matière première disparaît, les usines agroalimentaires de première transformation sont vouées à fermer", alertait le conseil régional à la même période, inquiet pour les 150 000 emplois de la filière agroalimentaire en Normandie.

Sébastien Marie, l'éleveur ovin de Croissanville, argue pourtant que le projet photovoltaïque l'aiderait à étendre son élevage. Grâce aux revenus de l'énergie, il espère faire passer son cheptel de 120 à 300 brebis. "On n'a pas la capacité financière aujourd'hui de pouvoir investir dans tout le matériel spécifique pour l'élevage des moutons. Il y a les clôtures de parc, il y a l'aménagement de la bergerie. Donc l'agrivoltaïsme va nous permettre d'aller rapidement pour pouvoir le faire". Il souhaite ainsi "monter en qualité technique et pouvoir récupérer un peu de qualité de vie".

Alimenter des milliers de foyers

La production serait raccordée au réseau d'Enedis via le poste électrique de Percy-en-Auge, fournissant plusieurs milliers de foyers aux alentours. Selon Nicolas Thelliez, le responsable des relations avec les territoires de Nadara, les panneaux pourraient produire "l’équivalent de la consommation de 5 400 foyers normands". En octobre 2023, le conseil municipal de Mézidon-Vallé d'Auge avait toutefois émis un avis défavorable au projet, craignant une importante modification du paysage.

Le développement de parcs photovoltaïques dans les zones agricoles est porté par l'État depuis la loi de mars 2023 sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables. L’objectif de l'État est de multiplier par dix la production d’énergie solaire pour dépasser les 100 gigawatts (GW) en 2050. La loi prévoit que tout projet agrivoltaïque soit conditionné au "maintien ou au développement d'une production agricole". L'un des prérequis est que la production d'énergie ne diminue pas les revenus issus de l'agriculture.

Dans le Calvados, il n'existe qu'une seule structure agrivoltaïque déjà implantée, sous la forme d'une expérimentation sur trois hectares dans une ferme de Souleuvre-en-Bocage.

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