Une dizaine d'exilés sans-abri ont établi un squat dans un ancien couvent de Lisieux, samedi 5 octobre. Le collectif qui les a aidés à s'emparer du lieu pensait que le bâtiment appartenait au diocèse. En réalité, il a été racheté par un promoteur immobilier qui porte un projet d'hôtel hospitalier.
Ce samedi matin, un nouveau squat a été officialisé à Lisieux par le collectif lexovien de défense des personnes privées de droit. Une dizaine d'exilés et des bénévoles ont ainsi investi ce qui était à l'origine la Clinique des Buissonnets, puis un couvent géré par la congrégation des sœurs de la Providence.
Le collectif et les exilés ont-ils vraiment occupé les lieux durant 48 heures ?
Pour justifier de la prise de possession des lieux, les membres du collectif ont assuré qu'ils y habitaient depuis au moins 48 heures, comme l'exige la loi. Or, le propriétaire des lieux remet en cause cette version.
C'est absolument faux ! J'ai visité hier vendredi les locaux avec un clerc de notaire jusqu'à 17h30. Il a fait des photos de toutes les pièces et il n'y avait personne, le bâtiment était totalement vide. Le voisin qui m'a prévenu de l'arrivée des migrants n'a jamais vu personne à l'intérieur, et la sœur qui m'a vendu le couvent y passe encore tous les jours. Elle non plus n'a vu personne.
Erick Blandin, propriétaire de l'édifice squatté
Le collectif pensait que le bâtiment appartenait encore au diocèse, et pensait convaincre les religieux d'accorder la charité aux exilés, jouant sur "les écrits de la Bible et les discours du Pape François en faveur de l'aide aux migrants". Raté, car l'édifice appartient depuis décembre 2023 à Erick Blandin, président du groupe immobilier Creadimm, basé à Caen.
Celui-ci explique qu'il travaille depuis plusieurs mois sur un projet de réhabilitation de l'ancien couvent en hôtel hospitalier, des chambres non médicalisées permettant d'offrir une alternative à l'hospitalisation complète de certains patients. "Là, tout le projet est mis par terre par des squatteurs, se désole Erick Blandin, précisant qu'il n'a "rien contre les migrants" et qu'il comprend qu'il "faille les héberger".
Deux plaintes déposées
Le collectif, de son côté, a affiché les preuves de l'occupation sur une boîte aux lettres située à l'entrée des locaux. Il s'agit de photos géolocalisées prises avec l'application Certiphoto, qui génère des preuves numériques et authentifie les clichés pris avec un smartphone. Ces documents ont une valeur juridique.
On est rentré dans le bâtiment jeudi 3 octobre à 0h29, on y a passé les nuits, on a des preuves. Durant la journée, on a fait des allées et venues. On n'est pas non plus assigné à résidence.
Philippe Morice, collectif lexovien de défense des personnes privées de droit
Le bras de fer est donc engagé. Il se joue en premier lieu avec la Préfecture, qui peut ordonner l'expulsion en début de semaine prochaine. Il se jouera aussi devant la justice car le propriétaire des lieux a déposé deux plaintes. L'une pour violation de domicile, et l'autre pour coups et blessures car lorsqu'il s'est rendu sur place pour constater l'occupation, il explique avoir été frappé au visage par le meneur du collectif. "J'avais le nez et la lèvre en sang", commente-t-il.
Ce dernier reconnaît pour sa part l'avoir simplement repoussé aux épaules, détaillant qu'il s'est "éraflé le menton en exagérant sa chute" après qu'il l'a repoussé en dehors du bâtiment.