Deuxième journée d'audience au tribunal maritime du Havre dans l'affaire du "Naufrage du Breiz", mercredi 3 avril 2024. C'est le capitaine du bateau de la SNSM d'Ouistreham, poursuivi pour négligence, qui était appelé à la barre.

"Une fois que la patte d'oie est tapée, on embraye", lance Philippe Capdeville, patron du canot SNSM d'Ouistreham, à la cour. "C'est-à-dire ?" demande le président du tribunal.

En ce deuxième jour de procès, le sauveteur, âgé de 62 ans et poursuivi pour négligence, parle la langue de la mer, à la barre. Il est expérimenté avec 900 missions de sauvetage au compteur.

Le patron du canot SNSM d'Ouistreham se justifie

Durant trois heures d'audience, le bénévole raconte "cette maudite sortie en mer" dans la nuit du 14 janvier 2021. Dans le mauvais temps, il fait froid, il fait nuit. Le canot se porte au secours du Breiz, victime d'une avarie de barre. 

Sa mission, ramener le bateau en difficulté à Port-en-Bessin. Mais il prend la décision de faire plutôt route sur Ouistreham où le convoi sera plus abrité dans le chenal : "Je ne me serais pas aventuré à Port-en-Bessin, avec le temps qu’il faisait. Il y avait un vent de six à sept (échelle de Beaufort, Ndlr) de Nord-Ouest", dit-il.

Mais rien ne se passe comme d'habitude. Il faut s'y reprendre à deux fois pour accrocher le câble, l'un des deux cède. Il décide de passer en "centrale". Pendant le remorquage, tout se passe bien durant une heure et demie, puis le patron pêcheur, Quentin Varin - décédé ce soir-là - signale que son bateau embarque de l'eau. Philippe Capdeville se justifie : "J'ai molli et on a modifié le cap". 

"Je ne suis pas malhonnête"

À quoi, le président s'interroge : "Rien qui fasse penser à un problème de stabilité ? Auriez-vous pu lui demander de se délester ?". Philippe Capdeville lui répond : "On ne connaît pas tous les bateaux et on ne connaît pas toutes leurs caractéristiques. Je ne me vois pas demander à un pêcheur de mettre sa pêche à la mer et normalement, on a affaire à des professionnels".

Ce dernier se défend d'avoir manqué de réactivité. Il justifie ses choix, son cap cette nuit-là. "Et si c'était à refaire ?", lance le résident. "J'aurais peut-être un peu plus parlé", répond-t-il.

Et puis a eu lieu long débat sur un problème de concordance entre ce qui est écrit sur le journal de bord et sur les données de trajectographie relevés pendant l’enquête. "Je ne suis pas malhonnête. Être accusé de faux, ça ne passe pas", martèle Philippe Capdeville.

Il se défend aussi d’avoir manqué de réactivité et ses choix de navigation, son cap. Il conteste également d'avoir navigué trop vite : "Avec le vent dans le dos et avec les vagues quand on part en surf, la vitesse ne peut pas être constante".

Dans la salle, les nombreux sauveteurs de la SNSM, venus soutenir leur collègue, font bloc ensemble, dans le silence.

En sortant de trois heures d'audience, Philippe Capdeville, refusera de nous parler, mais il lâche tout de même à notre journaliste sur place : "C'était dur".

De nombreuses erreurs de la SNSM pointées du doigt 

Pour rappel, le 14 janvier 2021, Quentin Varin, 27 ans, patron du Breiz, avait appelé les secours pour une avarie de barre lors d'une pêche à la coquille Saint-Jacques au large de Port-en-Bessin.

Remorqué par un canot de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) d'Ouistreham, le navire avait fait naufrage en pleine nuit pendant l'opération, entraînant la mort du patron et de ses deux matelots, les frères Jimmy et Steven Gibert, âgés de 19 et 26 ans.

Mardi 2 avril, lors du premier jour d'audience, le directeur d'enquête de la brigade de surveillance du littoral de Biéville-Beuville (Calvados) avait passé en revue durant plus de quatre heures devant la cour la succession de manquements ayant conduit, selon lui, au naufrage. Il a pointé les nombreuses erreurs ayant mené au drame. "Il a coulé en quelques secondes", avait précisé ce dernier.

Selon l'enquêteur, Quentin Varin avait été enregistré indûment par les autorités comme capitaine du bateau de pêche sans avoir le diplôme requis. Le major avait aussi incriminé l'action de la SNSM lors du remorquage fatal : l'absence de veille par les équipiers du canot SNSM dont "cinq étaient malades, et trois dormaient", provoquant un délai de 46 secondes entre l'alerte du remorqué et la réaction du remorqueur, suffisant pour laisser couler ce dernier "en une minute".

Il avait enfin mis en cause une vitesse trop élevée lors du sauvetage et un itinéraire "dangereux" au-dessus de hauts-fonds.

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