Déjà confrontés à une pénurie d'eau potable depuis de nombreux mois, les Mahorais ont encore plus de mal à s'approvisionner depuis le passage du cyclone Chido. Une entreprise normande va envoyer sur l'île ses machines qui produisent de l'eau avec de l'air.
Durant plusieurs mois, entre l'été 2023 et le début 2024, les Mahorais ont été privés d'eau courante deux jours sur trois. L'île était frappée par un épisode de sécheresse le plus grave depuis 1999. Si le retour de la pluie en abondance a permis de recharger les deux retenues dont dépendent les habitants pour s'approvisionner en eau, la crise n'a pas été résolue pour autant. En novembre dernier, de nouvelles restrictions ont été imposées. La production ne parvient pas à couvrir les besoins d'une démographie en pleine croissance. Certains pointent également la vétusté des infrastructures (40% de fuites sur le réseau). Et le 15 décembre, le cyclone Chido a frappé de plein fouet Mayotte.
Au lendemain de Noël, soit près de deux semaines après la catastrophe, plusieurs navires militaires ont acheminé sur l’île près de 40 tonnes d'eau. Si l'alimentation est désormais rétablie pour près de 90% du territoire selon les autorités, la production reste largement insuffisante (moitié moins que d'habitude) et impropre à la consommation, comme le rapportent nos collègues de Francetvinfo. Près de 2,8 millions de pastilles d'iode doivent être distribuées sur le territoire mahorais selon le ministère de l'Intérieur. La Normandie, région bien connue pour sa pluie, va, d'une certaine manière, être mise aussi à contribution.
"La matière première, c'est l'air"
À Livarot, dans le Calvados, l'entreprise Sanchez industrie fabrique depuis 2003 des chariots de manutention destinés notamment aux hôpitaux ou aux hôtels. Il y a trois ans, son dirigeant, Hubert Bayer, a développé une nouvelle activité sous la marque Awa (Air Water activity). "La matière première, c’est l’air. On ne manquera jamais d’air, en principe", résume l'intéressé. Avec cette matière première, la société assure pouvoir fournir de l'eau potable. Les services de l'Etat lui ont commandé seize machines. Les six premières devraient prochainement être expédiées.
Le produit phare d'Awa, c'est la centrale d'eau atmosphérique. Elle capte l'humidité de l'air pour en faire de l'eau. "Vous avez un ventilateur qui vient aspirer l’air extérieur. On filtre l’air pour qu’il n’y ait pas de sable ou de poussière. L’air est ensuite projeté dans une tubulure en inox - un échangeur - un système qui permet de refroidir ou réchauffer. L’eau redescend dans un bac de rétention. Elle est ensuite filtrée", explique Hubert Bayer. Ne reste plus qu'à tourner le robinet pour se servir en eau potable.
Aussi gourmand qu'un radiateur
Les premiers modèles qui seront expédiés à Mayotte sont capables de produire un millier de litres par jour. Ces générateurs tiennent dans un container. "Elles sont idéales pour Mayotte. Grâce à la température élevée et la forte hygrométrie (ndlr : taux d'humidité dans l'air), on aura une production d’eau maximale", assure le dirigeant de la société Awa. Autre atout vanté par le fabriquant de ce générateur d'eau potable : la faible consommation en énergie. "Celle-ci ne consomme que 3 kilowatts heure, ce qui est très très faible. C’est l'équivalent d'un radiateur." Ce besoin peut être couvert par des panneaux solaires.
L’entreprise normande devrait livrer dix autres centrales de 5 ou 10 000 litres d’eau. Quatre semaines sont nécessaires pour les fabriquer. La société compte former de la main d'œuvre sur place pour assurer la pose et l'entretien (notamment des filtres) de ces centrales d'eau atmosphérique. Pour Awa, la commande mahoraise n'est pas une première. La société a déjà installé certaines de ses machines au Kenya, au Sénégal ou au Mexique. À l'automne dernier, elle a accueilli dans ses locaux une délégation menée par le directeur de cabinet du ministre de l’Hydraulique, de la Salubrité et de l’Assainissement de Côte d'Ivoire. Une commande estimée à 5 millions d'euros a été passée auprès de l'entreprise normande pour des livraisons programmées en 2025.