Emmanuel Macron a annoncé la reprise obligatoire pour tous les élèves de maternelle, élémentaire et collège, le 22 juin. Atout pour les élèves décrocheurs ou casse-tête d’organisation, à deux semaines des vacances d’été ? Réactions d’enseignants et de parents d’élèves.
La cloche a sonné pour tous les élèves de la maternelle au collège. Un retour en classe obligatoire est prévu lundi 22 juin 2020, alors que les vacances d’été débutent le samedi 4 juillet.
Le casse-tête de l’organisation
Pour Carole Lecomte, présidente de l’association de parents d’élèves FCPE Calvados, le respect de la distanciation impose un retour des élèves en demi-groupe. « On ne peut pas pousser les murs ! », ironise-t-elle. Laurence Guillouard, enseignante à Eterville (14) et représentante du SNUipp-FSU 14 s’interroge : « dans les écoles, il n’y a pas toujours de tables individuelles. Comment aménager les classes sans le matériel ? ».
Autre point sensible, le lavage des mains. « C’est techniquement compliqué » à pratiquer pour un groupe entier, souligne Laurence Guillouard. Sans compter « le nombre de lavabos insuffisant » au regard du nombre d’enfants accueillis, rappelle la FCPE.
Déplacer le mobilier, installer des barrières et des rubans de signalisation. Les enseignants avaient pris les choses en main pour accueillir au mieux leurs élèves, mi-mai. Mais changement de programme. « On casse toute l’organisation mise en place jusqu’à présent pour un bénéfice qui n’est pas évident à quinze jours des vacances », relève Mario Bardot. Il est enseignant au collège de Livaro (14) et secrétaire académique du SNES Caen. Pour ce prof de maths, même si les consignes sanitaires sont plus souples, toutes les modalités du protocole ne sont pas gommées. Difficile notamment de faire en sorte que les groupes ne se croisent pas.
Des consignes sanitaires moins strictes
Le président de la République Emmanuel Macron l’a annoncé lors de son allocution du 14 juin : « les crèches, les écoles, les collèges se prépareront à accueillir à partir du 22 juin tous les élèves, de manière obligatoire et selon les règles de présence normale ».
Dès demain, en Hexagone comme en Outre-mer, les crèches, les écoles, les collèges se prépareront à accueillir à partir du 22 juin tous les élèves, de manière obligatoire et selon les règles de présence normale.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 14, 2020
Le protocole sanitaire « va être allégé », a annoncé le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer au micro d’Europe 1, ce lundi 15 juin. Les règles de distanciation physique sont désormais moins contraignantes dans les écoles et les collèges. L’obligation des 4m2 par élève disparaît au profit d’un mètre latéral entre eux.
Un décret, publié ce même jour au Journal officiel, indique : « dans les écoles élémentaires et les collèges, l'observation d'une distanciation physique d'au moins un mètre s'applique uniquement dans les salles de classe et tous les espaces clos, entre l'enseignant et les élèves ainsi qu'entre chaque élève lorsqu'ils sont côte à côte ou qu'ils se font face. L'accueil est assuré par groupes qui ne peuvent pas se mélanger. »
Un plus pour les « élèves décrocheurs »
« Deux semaines, c’est très important. Chaque jour compte dans la vie d’un élève », lance le ministre Jean-Michel Blanquer dans la matinale d’Europe 1.
Deux semaines ce n’est pas rien!
— Jean-Michel Blanquer (@jmblanquer) June 15, 2020
Avec, en plus, la semaine qui commence pour monter en puissance.
Il était décisif que nous réussissions, étape par étape, le déconfinement progressif du 11 mai au 4 juillet.
Vive l’école ! pic.twitter.com/M3yhzk9TNq
Pour l'instutrice syndiquée Laurence Guillouard, le caractère obligatoire « est une bonne chose, parce que trop d’élèves, surtout ceux en difficultés, ne sont pas revenus ». Avis partagé par Carole Lecomte de la FCPE. Elle est favorable à cette rentrée pour rattraper les « élèves décrocheurs ». Certains enfants qui apprennent à lire sont presque restés trois mois sans lecture. Elle lance : « deux semaines, c’est toujours ça de pris ».
« Le gain pédagogique sera minime ! », estime toutefois l’enseignant en collège Mario Bardot. Cette période « n’est pas propice aux apprentissages ». Il considère qu’une reprise moins tardive, à un mois de la fin de l’année scolaire, aurait été plus favorable aux élèves sur le plan pédagogique.
A deux semaines des grandes vacances, les élèves semblent avoir la tête ailleurs. Au collège, les conseils de classe du troisième trimestre ont déjà eu lieu ou se tiendront cette semaine. Et les manuels scolaires sont sur le point d’être rendus. Mario Bardot détaille : « on fera quelques révisions, mais les élèves ne sont pas dans les meilleures dispositions ». Il affirme : « le travail de remise à niveau ne se fera pas sur ces jours-là ».
Faire rentrer les élèves à deux semaines des vacances d’été, est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? - Aude Gautier - institutrice SNUipp-FSU
« Il faut deux semaines aux élèves pour se remettre dans le rythme de l’école », signale Aude Gautier du SNUipp-FSU. Pour elle, retrouver les salles de classe aurait été bénéfique si les élèves avaient déjà le rythme de travail. « Ce n’est pas en deux semaines, soit huit jours de classe, qu’on va rattraper les inégalités qui se sont creusées », remarque l'institutrice. Elle préconise une reprise en septembre, afin de réaliser « des évaluations diagnostiques », pour repérer les manques des élèves lors de la constitution des classes.
La santé en jeu ?
« On nous dit que le virus circule encore ! », s’insurge Aude Gautier, enseignante remplaçante en classe de maternelle et de primaire. « Pourquoi prendre autant de risques pour deux petites semaines de classe ? ». L’institutrice s’interroge. D’après elle, c’est l’argument économique qui prime. « Je ne peux pas comprendre quand l’économie passe avant la santé et la sécurité des élèves et des enseignants », s’indigne-t-elle.
Asthme, hypertension et surpoids : je fais partie des personnes fragiles qui cochent trois pathologies - parent d'élèves dans le Calvados
Avec l’obligation d’aller à l’école, l’association FCPE 14 s’inquiète du sort réservé aux élèves atteints de maladies chroniques ou aux familles fragiles. « On souhaite que leur santé soit préservée et qu’ils puissent poursuivre leur scolarité à distance sans être sanctionnés », explique Carole Lecomte. « L’école prendra-t-elle soin des cas les plus fragiles ? » C’est la question que se pose un père de trois enfants, scolarisés en primaire et au collège dans le Calvados. « Asthme, hypertension et surpoids : je fais partie des personnes fragiles qui cochent trois pathologies », précise ce parent d'élèves. Remettre les enfants dans le bain de l’école questionne. Très impliqué dans leur scolarité, il souhaite que les règles soient appliquées avec discernement et intelligence, lorsque le suivi pédagogique est assuré.