Quand la guerre de 14 recompose les familles... témoignage à Burcy

Même si tous les poilus ont aujourd'hui disparu, le souvenir de leurs vies continue de se transmettre au fil des générations. Le centenaire de la Grande guerre est l'occasion de partager ces souvenirs, comme celui de la famille Maupas, originaire de Burcy, près de Vire dans le Calvados. 

Même cent ans après la signature de l'armistice, la Grande guerre de 1914-1918 suscite encore beaucoup d'émotion dans certaines familles. C'est le cas de la famille Hamel originaire de Burcy, près de Vire, dans le Calvados, dont un aïeul, Maurice Maupas, est mort pour la France en 1918 à l'âge de 28 ans.

Ca me fait toujours quelque chose quand je pense à lui, et pour mon fils de 10 ans qui étudie le sujet à l'école, il est encore une référence dans notre mémoire familiale. E. Hamel


Emmanuel Hamel, fidèle témoin de la vie de son arrière grand-père, témoigne :

Maurice Maupas est né le 22 juin 1890 à Burcy, près de Vire (Calvados). Ses parents sont cultivateurs au village du Douit, à Burcy. Sa mère, agée de 41 ans décède lorsqu'il a 14 ans, l'une de ses soeurs décède deux ans plus tard. Son père se remarie, puis à nouveau veuf, a convole en troisièmes noces sans avoir d'autres enfants.
 

Une vie entière donnée à la France


Maurice Maupas, 21 ans, part pour deux ans au service militaire de 1911 à 1913, au 43e Régiment d'artillerie
Le 12 mai 1914, il épouse Albertine Aumont, dernière d'une fratrie de 14 enfants, native de Burcy également.
Trois mois plus tard, il est mobilisé et part au front avec son régiment pour quatre longues années de guerre.
 
Comme son cousin germain René Maupas, soldat au 6e Dragons de cavalerie, qui deviendra le second époux de sa femme Albertine, Maurice a participé aux pires combats: le Bois des Caures, Verdun, le Chemin des Dames.
 


Il ne semble pas avoir été blessé au combat, alors que René l'a été deux fois, mais légèrement. Il leur arrivait parfois d'être deux semaines sans combattre. Pour occuper leur temps, des soldats transformaient des douilles d'obus en véritable œuvres d'art. Maurice ou René ont eux aussi ouvragé deux douilles d'obus en cuivre sur lesquelles on peut lire les mentions "Verdun 1917" et "Vailly 1917".

 


Au cours de la guerre, Maurice avait écrit de nombreuses lettres à son épouse. Elles avaient été postées de villages très divers, montrant ainsi son parcours à travers l'est de la France. Elles semblent toutes avoir été détruites.
 
Fin 1918, Maurice sentait la fin prochaine de ces 4 années de guerre. Il écrivait alors à son épouse qu'enfin ils allaient se retrouver et pouvoir respirer.
 

 
Au bout de ces quatre longues années, il est épuisé et meurt officiellement de bronchite (peut-être la grippe espagnole mais sans certitude), à l'hôpital militaire anglais n°4 de Longuenesse (Pas-de-Calais).
On peut peut-être dire qu'il a figuré parmi les plus malchanceux de cette guerre, car après avoir accompli 2 ans de service militaire, puis 4 années de guerre, il meurt quatre jours après la fin du conflit, le  15 novembre 1918, à l'âge de 28 ans.

 


Une famille recomposée


Il laisse sa femme Albertine et leur unique enfant, Lucien, né le 15 avril 1917 à Burcy. Ce dernier est mon grand-père maternel. Il a été déclaré Pupille de la Nation.

Le 23 septembre 1924, Albertine épouse en secondes noces René Maupas, cultivateur, cousin germain de Maurice, cité plus haut.
René Maupas était veuf lui aussi et avait deux enfants, Hélène et André. René et Albertine auront un fils, Bernard.
Tant et si bien qu'à la maison René et Albertine ont élevé leurs enfants Hélène, André, Lucien et Bernard, issus de trois lits différents. C'était déjà une famille complètement recomposée !
 


Une histoire qui se répète d'une guerre à l'autre


Lucien Maupas succédera à ses parents comme agriculteur sur la ferme du Douit. Il fait son service militaire à la veille de la seconde guerre mondiale, à Alençon (Orne), et au moment de rentrer chez lui... c'est la mobilisation et comme son père avant lui, il doit rester soldat dans l'armée. Les mois s'écoulent, c'est la drôle de guerre, Lucien attend que le temps se passe dans le nord de la France. Dans ses mémoires, il indique qu'il est passé sur les traces de son père, dans l'Aisne.

Le 10 mai 1940, c'est la guerre pour de bon, les Français entrent en Belgique et affrontent les Allemands qui prennent rapidement l'avantage. Lucien est blessé par un tir de char. Un petit éclat d'obus a transpercé son casque et il saigne. Toute sa vie, il a gardé cet éclat dans le crâne. Le fusil qu'il tenait entre ses mains a été coupé en deux ! Mais par miracle Lucien n'a pas d'autres blessures. Il est évacué sur la France, ce qui lui permettra d'échapper aux Allemands.

Quelques jours plus tard, alors que les Allemands arrivent dans l'Ouest, Lucien réussit à rentrer chez lui, au Douit à Burcy. Il a pour cela utilisé le train, fait du stop en voiture puis avec un marchand de bestiaux, et a terminé sa route à pied. Le lendemain même, 17 juin 1940, les Allemands passaient à côté de Burcy et arrivaient à Vire ! Lucien est resté chez lui, alors que sa mère Albertine lui avait conseillé de se rendre aux Allemands ! Il a pu rester chez lui tout le restant de la guerre, et a repris son métier d'agriculteur tandis que ses camarades capturés ont connu la captivité en Allemagne de 1940 à 1945.
 
Toute sa vie, mon grand-père Lucien Maupas est resté profondément attaché au souvenir de ce père qu'il n'a pas connu, et auquel il ressemblait physiquement. 
 

Moi-même, dans mon enfance, j'ai régulièrement entendu parler de cet arrière-grand-père, cultivateur malchanceux, mort à 28 ans au bout de 6 ans d'armée dont 4 ans de guerre, au moment précis où la guerre venait de se terminer et où il espérait qu'une chose, reprendre le cours de sa vie avec son épouse et leur fils. E. Hamel


Moi-même, dans mon enfance, j'ai régulièrement entendu parler de cet arrière-grand-père, cultivateur malchanceux, mort à 28 ans au bout de 6 ans d'armée dont 4 ans de guerre, au moment précis où la guerre venait de se terminer et où il espérait qu'une chose, reprendre le cours de sa vie avec son épouse et leur fils.
 
Ca me fait toujours quelque chose quand je pense à lui, et pour mon fils de 10 ans qui étudie le sujet à l'école en ce moment, il est encore une référence dans notre mémoire familiale.
J'interviendrai d'ailleurs prochainement dans son école pour faire un petit exposé sur les soldats locaux de 14-18.


Emmanuel Hamel, novembre 2018.

 


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