Coronavirus et cours à distance en Normandie : la parole aux professeurs

Depuis le 16 mars, les cours à distance ont démarré pour les dizaines de milliers d’élèves en France. CNED, Pronote, ENT, autant de plateformes qui permettent aux professeurs de donner des cours et de communiquer avec les enfants et les parents. Première semaine, premier bilan.
 

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"Là je réponds aux mails et après j’arrête !" Il est 15h45 lorsqu’Emilie, professeur de mathématiques au collège de Blainville-sur-Orne, s’accorde une pause pour répondre au téléphone. Depuis lundi 16 mars, date du début de la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus en France, les cours à distance ont commencé. Et ce n’est pas de tout repos. "Sur les premiers jours, ma journée commençait à 8h30 et se terminait vers 21h30-22h avec les derniers messages", raconte Kevin, professeur-stagiaire de Physique-Chimie pour les classes de cinquième du collège de Villey-Desmeserets à Caen. "Ce n’est pas des vacances ni pour eux ni pour nous (…) Je travaille même plus qu’en situation normale", souligne  Christel, professeur d’Histoire-Géographie au collège des Douits de Falaise.

Entre le CNED, l’ENT et Pronote, chaque établissement et professeur a choisi sa méthode pour donner les cours, les devoirs et communiquer avec les élèves. Les débuts ont été un peu laborieux comme le raconte Sandra, professeur d’histoire au collège Charles Lemaître d’Aunay-sur-Odon :

La mise en place a été difficile car les plateformes, dédiées à l’enseignement, l'ENT et Pronote, ont été surchargées lundi matin car tous les élèves de Normandie ont voulu se connecter en même temps


Mais l’optimisme est de mise pour cette dernière :

Les difficultés sont pointées, les élèves avec des situations particulières ont été identifiés ca devrait aller mieux. La semaine prochaine on espère que ca sera plus facile !

Des solutions pour ceux qui ne sont pas connectés


Les cours numérisés supposent un ordinateur et une bonne connexion internet, ce qui n’est pas une évidence pour tous. Certains établissement ont trouvé des solutions comme celui de Sandra :

On a eu des sollicitations de parents qui n’ont pas d’ordinateurs, le collège a prêté des tablettes

Et pour ceux qui n’ont pas d’imprimantes, c’est le principal du collège qui imprime les documents que les élèves ou les parents viennent chercher. "Les enfants ont une autorisation que donne le chef d’établissement pour sortir de chez eux pour ça", explique Kevin.

Gérer enfants… et parents !


"Chaque professeur a sa façon de fonctionner. Pour ma part, j’envoie tout en une fois pour que l’élève puisse s’organiser. Je leur envoie une fois dans la semaine tout le travail de la semaine", explique Sandra. "J’ai fourni suffisamment de choses papiers pour occuper les enfants et les parents pendant 15 jours", raconte, pour sa part, Pauline, professeur des écoles à Henri Sellier, en charge des CP.

Après avoir donné le travail et les consignes, c’est les parents qui prennent le relais… Un moment de stress pour certains : "Il y a des parents très stressés de passer à côté des éléments du programme donc ils me contactent et je leur donne des directives, des enchaînements d’exercices, sur une semaine", détaille Pauline.

Une grande souplesse et disponibilité des professeurs donc, car tous ont conscience que les parents, eux-mêmes, ont du télétravail pour certains. "Les parents, c’est sûr, ne peuvent pas se substituer aux professeurs. On dit aux parents qu’on reprendra l’école là où ils en étaient, on ne va pas s’acharner sur les élèves parce qu’on aura perdu ‘un mois’ donc on va faire en fonction de leur rythme mais on ne va pas non plus se mettre à stresser les enfants", rassure la professeur des écoles.

Au-delà de la gestion des cours, des élèves et des parents certains profs sont également fortement sollicités par la gestion administrative de cette nouvelle façon de faire cours. "La gestion administrative, je trouve ça oppressant. On reçoit beaucoup de messages de la mairie. Parfois on a l’impression qu’on veut s’assurer qu’on travaille", explique l’enseignante.
 

"Je devais me faire 'visiter' le 30 mars"


Entre les cours, les corrections, les quelques soucis techniques et la gestion des messages et des interrogations des parents et des enfants, les professeurs sont sur tous les fronts en cette première semaine de confinement et de cours à distance. Tandis qu’ils sont, pour la plupart, eux même parents. "À côté de tout cela on a aussi nos enfants on doit trouver une organisation différente…", explique Sandra.
 
"A la maison, ce qui me pose souci, c’est les trucs du quotidien il faut faire, comme les courses. Je n’ai pas envie de traîner mes enfants dans les magasins. J’ai peur qu’ils choppent un truc", explique Pauline.

De son côté, Emilie a trouvé une solution pour créer de la "normalité" dans une situation exceptionnelle :

Ma priorité c’était d’abord de rassurer mes filles. Elles voulaient descendre les bureaux pour faire une salle de classe dans la salle de jeux. On se lève le matin, on s’habille, on va à l’école, dans un lieu réservé pour elles.

D’autres sont confrontés à leur propre évolution professionnelle. C’est le cas de Kevin, professeur stagiaire. C’est sa première année d’enseignement et son année de titularisation. "Je devais me faire ‘visiter’ le 30 mars donc je pense que c’est annulé, j’ai pas encore eu d’information, mais je pense. Je n’ai pas plus d’information sur les modalités pour la titularisation."

"On sera jamais autant contents de revenir au collège"

Si la plupart des élèves connaissaient le virus et ses conséquences, des explications ont été nécessaire le vendredi 13 mars dernier, jour de cours avant le confinement : "On avait un ton plus grave qu’avant. J’ai jamais vécu ça et eux non plus donc certains étaient contents mais il fallait leur expliquer que ce n'était pas des vacances", explique Christel.

"Les enfants, au début, n’étaient pas inquiets. Mais vendredi s’est monté. Quand on a donné les consignes, qu’on ne savait pas quand on se verrait", raconte Christel. "Quand on est parti et qu’on s’est dit au revoir, cette fois, ils me disaient vraiment ‘au revoir’... Un élève m’a dit ‘On sera jamais autant contents de revenir au collège, ajoute-t-elle. Quand j’ai fini les cours, le vendredi soir, j’étais épuisée, d’abord parce qu’on a couru dans tous les sens et émotionnellement c’était fort."
 

Combien de temps ça va durer ?


Malgré les problèmes techniques, la charge de travail et le contexte pesant, les professeurs sont positifs. "C’est un lien social qui se créée avec les enfants. On peut communiquer. Les parents sont reconnaissants de voir qu’on est là et ils se sentent épauler", constate Pauline.

Même son de cloche du côté de Sandra :

On continue la solidarité entre les profs, la solidarité entre élèves se développent et là ils sont plutôt solidaires entre eux, je suis optimiste. On n’a pas eu de retours négatifs. La question qui se pose c’est, combien de temps ca dure ? Ça fait une semaine, y aura-il une lassitude ? Un décrochage?

Autre crainte du côté de Kevin au sujet de la prolongation de l’école à la maison : "Le fossé entre les élèves qui ont un contexte social avantagé et ceux qui ne sont pas favorisés, va s’agrandir."
 
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