Coronavirus : peut on vraiment dire que nous sommes en guerre ? Réponses avec ceux qui l'ont vécue ou étudiée

"La France est en guerre !" C'est en ces termes belliqueux qu'Emmanuel Macron a présenté la crise du coronavirus. Excés de langage ou parallèle justifié ? On en parle avec une dame qui a vécu la seconde guerre mondiale, et un historien passionné par la période.


Henriette Leprovost a 93 ans, et fait partie de cette heureuse catégorie de personnes dont l'âge n'a altéré ni le physique ni la mémoire .

Henriette avait 13 ans en 1940, et la guerre s'est chargée rapidement de lui montrer la cruauté de la vie. La jeune femme vivait au Havre avec sa famille lorsque une bombe est tombée sur leur maison.

"Mes parents et ma soeur ont été tués. Moi je venais de partir au collège, et mes frères avaient été évacués à la campagne. A 17 ans, je me retrouvais orpheline avec deux petits frères de 7 et 8 ans. J'ai arrêté l'école, pris des cours de sténo dactylo et commencé à travailler"

Alors que pense t-elle, Henriette, de tous ces termes guerriers employés pour caractériser la lutte contre la coronavirus ?

Pour moi ça n'est pas la guerre. On était pas confinés, il y avait bien un couvre feu le soir après 20 heures. Mais rester enfermée comme ça, non je n'ai pas connu.

"La guerre c'est plus terrible quand même. Il faut l'avoir vécu. quand on entend les avions et qu'on se dit est ce que c'est pour nous ? Là on sait que si l'on prend des précautions, si on reste bien chez soi, on des chances de s'en tirer. Avec les avions on était jamais sûr de rien "


Des soldats sans armes

Pour Nicolas Bucourt, passionné par l'histoire de la seconde guerre mondiale, il est tout de même possible d'établir quelques parallèles entre ces deux périodes.
 

"En france, et particulièrement en Normandie, la menace est arrivée de l'est comme en 1940 avec la "guerre éclair". Le virus est arrivé très rapidement aussi.  En 1940 on a déjà une guerre de retard : le soldat français ressemble à celui de 1918, comparé à celui de l'armée allemande qui d'un point de vue physique et matériel a beaucoup évolué. Les soldats français étaient valeureux et courageux, mais n'avaient ni les bonnes directives ni le bon équipement." 

Aujourd'hui on déclare que nous sommes en guerre mais il y a pénurie de masques, de respirateurs, de gel hydroalcoolique...tout ce qui serait nécessaire pour lutter contre cette menace.


Vie quotidienne

"Au début du confinement, je suis allée faire mes courses normalement, pour une semaine comme j'en ai l'habitude", nous raconte Henriette Leprovost. "Pendant la guerre on ne pouvait pas faire de réserves, on ne s'attendait pas à être rationné comme on l'a été. Ma mère ramassait des escargots et en faisait des fricassées. On avait aussi un jardin et on mangeait nos légumes. On faisait avec, on se plaignait jamais ".

A l'époque on dévalisait pas les magasins, on achetait ce dont on avait besoin avec nos tickets, et ceux qui avaient les moyens faisaient du marché noir.


Nicolas Bucourt voit dans le comportement de la population actuelle des réflexes égoïstes assez classiques.

"On annonce que nous sommes en guerre, donc les gens paniquent et vont stocker beaucoup de denrées. Ils accumulent assez égoïstement, accentuant la pénurie. C'est le cas des oeufs, des pâtes ou de la farine que l'on trouve difficilement dans les supermarchés. En 1940 on a eu la même chose, il y avait même des affiches pour dire aux gens qu'en accumulant ils privaient les autres et notamment les plus faibles comme les personnes agées "

"Autre similitude, l'appel des agriculteurs ces dernières semaines -privés de la main d'oeuvre étrangère- pour trouver des bonnes volontés. Pendant la guerre aussi on a fait appel aux volontaires pour soutenir le milieu agricole et aider aux récoltes"
Un reportage de Karima Saïdi et Anne-Laure Meyrignac au Havre
Avec Henriette Leprovost, 93 ans et Nicolas Bucourt, passionné par l'histoire de la 2nde guerre mondiale


Restrictions des libertés

"Quand les allemands sont arrivés, il a fallu rendre les postes de radio. On avait des infos par le bouche à oreilles, on avait le droit de sortir, on entendait les gens parler " nous explique Henriette Leprovost

A l'époque on allait pas non plus dans des résidences secondaires -sauf ceux qui en avaient- se mettre à l'abri, on quittait la ville quand il y avait un ordre d'évacuation !

"Aujourd'hui je me sens presque un peu en vacances, au soleil, confinée à la campagne chez des amis.."

Pourtant Nicolas Bucourt voit encore quelques similitudes entre la guerre dans les années 1940 et la crise que nous traversons.

"Avec l'arrivée de l'armée allemande, la menace de l'époque, on a vu de grandes villes se désengorger d'une certaine partie de sa population, préférant aller se réfugier dans leurs familles à la campagne.
Au moment de la mise en place du confinement, on a eu les mêmes images avec les parisiens qui ont quité la vill
e ".

Quant aux restrictions de libertés de circulation, il fallait à l'époque disposer d'un "laisser passer" et aujourd'hui des attestations sont nécessaires pour aller travailler ou faire ses courses. 
Sous peine d'amendes, voir de prison, pour les récidivistes.

Enfin à la différence de la seconde guerre mondiale, nous sommes littéralement submergés par des informations souvent anxiogènes, créant le sentiment que l'ennemi est là, tout près, tapi derrière notre porte prêt à nous sauter à la gorge...sentiment malheureusement partagé par toutes les victimes de guerres, réelles ou supposées. 

 
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