Coronavirus : le trafic de drogue s'adapte au confinement

Ne cherchez pas la case "approvisionnement en cannabis" sur l'attestation de déplacement dérogatoire... Depuis le 17 mars, clients et dealers ne peuvent plus circuler comme ils veulent. En Normandie le confinement a sacrement ralenti le trafic de drogue, mais cette économie illégale s'adapte.

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Nous l'appellerons Mathieu*. Ce jeune homme d'une vingtaine d'années habite Caen et consomme en moyenne 30€ de cannabis par semaine. Enfin ça c'était avant. Avant le 17 mars et le décret qui oblige tous les Français à rester chez eux pour endiguer l'épidémie de Coronavirus.

Qu’est-ce qui a changé depuis le début du confinement ?

"Entre l'annonce du confinement et son application, il y a eu un peu moins de 24 h. Ce délai a conduit pas mal de gens à faire leur stock. Ils se sont rués dessus en mode « on va acheter notre conso pour les deux prochaines semaines ». Du coup, suite à ça,  il y a eu une pénurie. La semaine suivante, il y a eu une livraison et tous les taros (tarifs) avaient augmenté.

 


Avec le confinement, il y a plus de demandes que d’offres. Les gens ne savent pas quand ils vont sortir à nouveau, ils ne veulent pas prendre de risques avec les nombreuses tournées de policiers, donc ils font des grosses commandes. En plus, les gars qui allaient aux terrains (nom donné aux bâtiments d’achat) ne peuvent plus trop y aller, donc ils font appel aux réseaux personnels. 
 

Et puis on n'a plus trop le choix dans le type de beuh qu’on achète. Ça part super vite. On change souvent de vendeur et on se fait plus souvent arnaquer.
Mathieu - consommateur régulier de cannabis


Par rapport au corona, j’avais peur quand je touchais le pochtar ( pochette en plastique où l'on range de la drogue). Je me disais « après faut plus que je touche mon visage ». On sait qu’il y a des risques."
 


Est-ce que les prix ont augmenté ? 

Oui. Avant pour 20 balles de beuh, tu avais 2g. Maintenant, le vendeur t’explique qu’il la touche à 23 (quand il la prend au grossiste). Du coup, il peut pas te la vendre moins cher que ce qu’il l'a acheté. Donc pour 20 balles tu vas avoir 1,4g à 1,6g.

A l’inverse, il y a des vendeurs qui ont flippé. On m’a déjà proposé un 12 g pour 70€, alors que normalement ce serait plutôt 90€. Le gars voulait s’en débarrasser.

Si les mesures de confinement se durcissent, je pense qu’après on n'aura soit des produits hyper restreints et chers, soit plus rien du tout. Sans parler des vendeurs qui sont rentrés chez eux pour passer le confinement en famille… 


Comment t’as fais toi concrètement ?

J’ai cherché de nouveaux « snaps » par l’intermédiaire d’un pote. J’ai eu 5 nouveaux contacts dont 3 vendeurs de shit qui ont répondu immédiatement.

 


Ça m’intéressait pas. 1 h 30 plus tard j’ai eu un gars qui vendait de la beuh. J’ai rempli mon attestation en cochant « achats de première nécessité » et puis je suis sorti le rencontrer. On a fait l’échange. C’est là que j’ai compris que les tarifs avaient vraiment augmenté. J’y retourne une fois par semaine.

Les policiers normands confirment le ralentissement du trafic

Côté police, on se félicite de ce ralentissement du trafic. "A Caen, c'est très très calme, explique Chedlia Saadaoui, secrétaire départementale d'Alliance Police dans le Calvados, le syndicat majoritaire en Normandie, même dans les cités, le confinement est bien respecté me disent mes collègues.

"Nous sommes en mode dégradé. La moitié des policiers sont chez eux, en repos, maladie ou garde d'enfants, explique Karim Bennacer, secrétaire départemental Alliance Police en Seine maritime.
La principale mission de ceux qui sont sur le terrain est de faire respecter le confinement, de contrôler les attestations, et bien sûr toutes les missions de police-secours, porter assistance aux personnes, patrouiller sur la voie publique, intervenir lors de conflits familiaux ou de voisinage et lutter contre la petite et moyenne délinquance commise sur la voie publique.

Que les trafiquants de drogue ne s'imaginent pas qu'on interviendra pas en cas de flagrant délit! Et de toute façon nos patrouilles les dissuadent. 
Karim Bennacer -syndicat Alliance Police 76


Du cannabis, il y en aura toujours explique Karim Bennacer. La production locale représente un tiers environ et les consommateurs arriveront de toute façon à s'en procurer mais à des tarifs plus élevés, selon la règle "tout ce qui est rare est cher". 

La drogue dure se fait rare

Ce qui va manquer très vite, ce sont les drogues dures, notamment la cocaïne.

Celle qui est consommée en France est produite essentiellement en Amérique du sud. Comme l'explique l'OFDT (l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies), elle transite par voie maritime, au sud par l’Espagne et au nord par les Pays-Bas, la Belgique et dans une moindre mesure l’Allemagne.

Mais depuis quelques années, la cocaïne transitant par le Venezuela puis les Antilles françaises pénètre sur le continent européen par le port du Havre
 
"Le port fonctionne encore mais il est encore plus surveillé. La drogue arrive cachée dans un container et je ne vois pas comment les dealers peuvent y accéder en cette période de confinement" explique Karim Bennacer. 

Mais ce qui est sûr c'est que, plus le confinement durera, plus il y aura de tensions chez les dealers et les consommateurs de drogue dure. Les policiers s'attendent à intervenir plus souvent pour des violences, des consommateurs qui craquent parce qu'ils n'ont pas eu leur dose.

*Mathieu est un prénom d'emprunt

 
Consommation de drogue : qu'encourez-vous?
Une amende forfaitaire de 200€. Ce montant peut être réduit ou majoré, en fonction du délai dans lequel le paiement est effectué. Le paiement de l'amende met fin aux poursuites judiciaires.
Si l'auteur des faits ne paie pas l'amende, un procès peut avoir lieu devant le tribunal correctionnel.
Dans ce cas, l'usager de drogues risque un an de prison et 3750€ d'amende.
Ces peines s'appliquent quelles que soient les substances concernées (cannabis, cocaïne...).

Pour en savoir plus, il y a le site de la MILDECA ( Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) et celui du CIDJ 

 
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